J'ai remarqué qu'un artisan comparait souvent une entreprise comme un Etat, et donc j'ai trouvé cet article (assez long) intéressant comme une bonne base pour débattre :
Qu'en pensez vous ?Le fonctionnement de l'État est complexe, protéiforme, parfois opaque et de ce fait, peu intelligible par les citoyens qui pourtant y sont intéressés au premier chef. Les masses budgétaires qu'il charrie sont hors de proportion pour "l'homme de la rue". Que représentent au juste 1.000 milliards d'euros de dette (1 trilliard selon la terminologie US)? Ou 8% de déficit du PIB? Certains commentateurs, pour tenter d'illustrer la situation de la France, font ainsi le parallèle avec le monde de l'entreprise, ou même avec les finances des ménages. Ainsi d'un commentateur qui déclarait récemment qu'une entreprise qui, comme l'État, dépenserait 1,5 fois ses recettes et aurait une dette qui représenterait plusieurs années de recettes serait en faillite depuis belle lurette. Déjà en 2007, François fillon estimait que la France était un Etat «en faillite». «Parfois, il faut utiliser des images. C'est ce que j'ai fait devant des agriculteurs qui demandaient toujours plus, toujours plus à l'État. Je leur ai dit que si la France était une entreprise, un ménage, elle serait en cessation de paiement», déclarait-il alors. Certes, mais l'État est-il une entreprise comme les autres?
Les stakeholders On désigne par le terme "stakeholders" les "parties-prenantes" d'une entreprise. Elles sont principalement au nombre de trois: les actionnaires, les clients, les salariés. Chaque entreprise doit fonctionner au mieux en gérant les intérêts de ce triangle magique. Les actionnaires, propriétaires de l'entreprise, doivent recevoir une information transparente et surtout une valorisation accrue de l'entreprise (et éventuellement des dividendes). Les clients doivent être traités au mieux pour rester fidèles et générer des revenus. Enfin, les salariés doivent être payés et traités de façon à en tirer un maximum de productivité. L'État a peu ou prou les mêmes stakeholders. Mais la composition du triangle change. Les actionnaires, ce sont les citoyens. Nous sommes tous propriétaires de l'entreprise Etat et nous en nommons les organes de gouvernance comme les actionnaires le font pour une société privée (suffrage universel). Les clients de la société France sont les mêmes que les actionnaires, à savoir les citoyens. La différence avec une société, c'est que c'est une masse fixe, non extensible. Les citoyens sont captifs (à moins de choisir l'exil). Le client non satisfait d'une société peut changer de crémerie, le citoyen peut, lui, intervenir par son autre casquette d'actionnaire et donc par son vote. Enfin, les salariés de l'entreprise France sont les fonctionnaires, qui cumulent par ailleurs les deux autres rôles. Ce cumul des rôles change bien des choses dans le fonctionnement entre l'Etat et une entreprise. L'entreprise peut dissocier sa gestion des différents stakeholders et effectuer des arbitrages entre les "faveurs" accordées à chacun. Mais comme chaque citoyen cumule de une à trois casquettes (une pour les mineurs, deux pour ceux en âge de voter et trois pour les fonctionnaires), c'est beaucoup plus compliqué pour l'État. C'est comme si une entreprise était détenue en partie par ses salariés (à hauteur de 25% environ —la proportion de salariés dans la fonction publique—, ce qui est élevé) et qu'en même temps ses clients pouvaient influer directement sur la gouvernance de l'entreprise (puisqu'ils sont aussi actionnaires). Autre différence : pour une entreprise, en-dehors des relations purement juridiques (contrôle de l'entreprise par les actionnaires), des moyens de pression existent pour les salariés (la grève) et les clients (ne plus être clients). Sauf que le recours à la grève, surtout dans le privé, n'est qu'un dernier recours et que les clients se décident sur une base individuelle et non collective. L'État doit, lui, faire face à un ensemble de contre-pouvoirs (médias, syndicats, ...) et au potentiel de "grogne sociale". Mais il faut sortir de la comparaison pure car l'entreprise et l'État sont également fortement complémentaires et intimement liés l'un à l'autre. L'État a besoin de l'entreprise et l'entreprise a besoin de l'État. Les deux parties jouent souvent un air de "je t'aime moi non plus" ("vous nous taxez trop", "vous n'êtes pas des entreprises citoyennes", ...) mais ils sont assujettis à un intérêt commun très fort. L'expérience historique a montré qu'une société qui ne laisse pas de place à l'initiative via l'entreprise privée se condamne à la pauvreté. Le secteur privé est donc essentiel à la production de richesse que l'État pourra ensuite en partie redistribuer. Mais ce que le MEDEF ou d'autres oublient souvent, c'est que l'État joue un rôle essentiel pour l'entreprise. En effet, pour que le secteur privé soit efficace, il a besoin de ressources humaines éduquées (par les deniers de l'État), en bonne santé, d'infrastructures efficaces et d'une sécurité (physique, juridique, ...) favorable aux échanges commerciaux. Revenus et services Les entreprises privées tirent leur revenu du service qu'elles fournissent au client. Le revenu par client est en fonction dudit service, mais aussi le fruit de négociations. L'État, lui, tire ses revenus des impôts et taxes. En clair, le privé a une clientèle qu'il doit séduire et satisfaire et l'État une clientèle captive, ce qui fait soupçonner en permanence qu'il ponctionne trop et offre trop peu. Il faut cependant considérer la nature du service. Une société traite chaque client individuellement en fonction du rapport gain/service. L'Etat, lui, fournit un service égal aux citoyens. Il y a donc solidarité entre les contributeurs et les clients. Un peu comme si les clients d'un société recevaient un service égal mais des factures très variables. Un bon exemple de cette inégalité se retrouve dans la différence entre la logique assurantielle privée (mutuelle individuelle par exemple) et le système d'assurance santé de la sécu. D'un côté, on tarifie en fonction du risque individuel (âge, santé, ...), de l'autre, on mutualise les risques à l'échelle d'une société. Cette mutualisation qui est imposée à l'Etat est contrebalancée par la captivité de ses contributeurs. L'un peut difficilement aller sans l'autre. C'est ce qui explique les débats (largement fantasmés et idéologisés) sur le départ des contribuables les plus riches, avec comme résultat par exemple le bouclier fiscal. Le problème est encore plus aigu pour les entreprises, contributeurs beaucoup moins captifs que les citoyens, qui peuvent se délocaliser ou à tout le moins délocaliser leurs bénéfices pour payer moins d'impôts ... Permanence Une différence tout aussi notable concerne la notion de "permanence". Ce qui caractérise les entreprises est qu'elles sont mortelles. Bien sur, elles ne sont pas toutes logées à la même enseigne. La disparition de la plupart des entreprises, notamment les PME, n'a aucune conséquence sur l'économie en général. Il existe des dérogations à cette règle, avec notamment le too big too fail, qui fait que certaines entreprises vitales (les banques notamment) ne peuvent faire totalement faillite sans risquer d'affecter l'économie toute entière. Elles peuvent être scindées, reprises, regroupées, mais pas mourir totalement. Il en est de même quand les conséquences stratégiques ou sociales sont en jeu (cas de General Motors par exemple). L'État est, lui, quasiment immortel. En tout cas, sa situation économique n'influe pas directement et immédiatement sur sa survie. Dans le passé, des pays, des civilisations ont pu être envahies ou dominées suite à un déclin économique. Dans un monde désormais relativement "formé", avec des frontières fixes et une quasi-totale décolonisation, ce n'est plus réellement vrai. Un pays, c'est un territoire, une histoire et un peuple. Si le pays est en faillite, il ne sera pas occupé ou vendu aux enchères par ses créanciers. L'Argentine a fait faillite, elle est restée souveraine. Cela constitue une césure tout à fait notable entre les deux formes et explique (en partie) pourquoi le raisonnement que je décrivais en introduction (si l'État français était une entreprise, il aurait fait faillite depuis longtemps) n'est pas applicable. Autre raisonnement entendu à propos de la dette: la comparaison entre les actifs et celle-ci. Si une entreprise est endettée, le banquier qui doit prêter à nouveau ou refinancer la dette va se pencher sur les fonds propres et les actifs. Passons sur les fonds propres qui n'ont pas d'équivalent direct pour l'État. Les actifs, eux, constituent les possessions de l'entreprise: immeubles, chaînes de production, outil informatique, filiales. Les prêteurs peuvent ainsi chercher à évaluer ces biens pour voir, si les choses tournaient mal, s'il serait possible de "se payer sur la bête". La notion d'actifs au sein de l'État
Certains appliquent donc le même raisonnement à la France en disant: OK, la dette est énorme mais les actifs de la France le sont aussi. Quelle est la valeur de ses infrastructures (routes, ponts, alimentation en eau, égouts, terrains et bâtiments publics) mais aussi de ses paysages, de son patrimoine culturel? Des chiffres ont été avancés mais la réalité est que ce chiffrage est hautement subjectif (au bilan officiel, la France déclare 253 Mds€ d'actifs dont ... 600 millions d'immatériel): que vaut par exemple l'Arc de Triomphe? Ce qu'on peut acter, c'est que la valeur de ces actifs est énorme. Le problème, c'est qu'il ne suffit pas de posséder des actifs, mais que ceux-ci soient liquides. Si une entreprise possède un parc de machines et dépose le bilan, elle (ou l'administrateur judiciaire) peut le revendre pour récupérer de l'argent et payer ses débiteurs. Mais l'immense majorité des actifs France sont illiquides. Certains journaux allemands ont lancé que la Grèce pourrait vendre des îles pour rembourser une partie de sa dette, manière de rendre ses actifs liquides. Mais serait-il pensable de démonter et vendre le Parthénon ou la Tour Eiffel pour les envoyer à Pékin par exemple? Il existe malgré tout un actif liquide pour l'État qui provient de l'histoire: la possession d'entreprises publiques, issues dans de nombreux pays de monopoles formés au cours de l'histoire (postes, télécommunications, transport, ...). Ces actifs sont quantifiables de façon relativement objective (et même totalement quand ils sont partiellement en bourse). Et ils sont vendables. Cependant, la valeur de ces participations ne vaut pas grand chose en regard de la dette. Mais le processus de privatisation est intéressant à examiner. Il est très marqué idéologiquement (entre le tout nationalisation au tout privatisation en passant par la parenthèse du "ni-ni"). Intervient aussi un choix de société qui n'a rien de financier quel doit être le périmètre d'intervention de l'État? Un service autrefois public peut-il être rendu correctement par le marché privé s'il est bien encadré? Là aussi, on voit que la comparaison avec l'entreprise est simplificatrice puisque ces considérations n'interviennent pas pour une société privée. Néanmoins, on peut examiner la question sous l'angle purement financier. Qu'est-ce qui pousse une entreprise à céder une filiale ou une partie de son activité? Soit de se recentrer sur son cœur de métier ("focus on core business"), ce qui peut aussi vouloir dire pour une entreprise se débarrasser d'une activité à moindre marge (pour augmenter la marge moyenne de ce qui reste). Ceci pourrait être applicable à l'État (se recentrer sur les missions régaliennes). L'autre raison d'une cession par une société privée est de dégager du cash pour se désendetter ou pour investir. L'État devrait ici logiquement adopter une stratégie comparable à celle d'une entreprise. La privatisation des autoroutes il y a quelques années est un cas d'école d'une extrêmement mauvaise gestion comparée à la gestion d'entreprise: les sociétés cédées rapportaient de copieux dividendes annuels à l'État. Le transport peut être considéré comme un secteur stratégique. Deux opérateurs ne peuvent être mis en concurrence sur un même tronçon, cela ne profite donc pas aux consommateurs (malgré l'encadrement de l'Etat, les prix ont augmenté sensiblement). Et le fruit de la vente n'a pas été investi, ni n'a participé au désendettement, mais a été consacré à boucler les fins de mois difficiles ... Comparaison est loin d'être raison Le parallèle Etat/entreprise est donc simplificateur et ne tient pas compte des situations de chaque entité. Ce qui permet à l'État une plus grande capacité d'emprunt, c'est le fait que ses contributeurs (les citoyens) sont captifs dans leur majorité. Ils seront donc là demain pour payer l'impôt, alors que tous les clients d'une entreprise en difficulté peuvent disparaître du jour au lendemain. On ne peut donc tout simplement pas appliquer les critères financiers d'une entreprise pour juger de la solvabilité de l'État. La soutenabilité de la dette est faite de multiples critères (sur lesquels je reviendrai en détail dans une prochaine note) qui explique par exemple que la Grèce était au bord de la faillite avec une dette représentant 120% de son PIB alors que l'Italie, avec le même niveau, ne l'était pas. Que d'autres pays aient fait défaut avec moins de 100%. Et que le Japon soit proche de 200% sans flancher. Il est donc louable que des commentateurs tentent de vulgariser la situation de l'État pour éclairer le citoyen quant aux choix qui doivent être faits en matière de politique économique (et partant, de politique tout court). Et ce d'autant que le même citoyen est souvent démuni pour comprendre les enjeux et les aspects financiers. Mais comparaison n'est pas raison et vouloir assimiler l'État à une entreprise entraîne inévitablement des biais de raisonnement qui, au final, véhiculent des idées fausses. En bref, cette manière de procéder fait peut-être plus de mal que de bien ou ne sert finalement qu'à sous-tendre des raisonnements purement idéologiques.
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A plus tard,