L'affaire judiciaire dans laquelle est impliqué le précédent président de la République repose la question du mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel. Issu des articles 56 à 63 de la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel présente en effet une spécificité unique en Europe.
Alors que dans tous les pays européens, l'institution est une véritable "Cour constitutionnelle" composée de magistrats professionnels indépendants, en France, ses membres sont désignés par le pouvoir politique pour neuf ans, respectivement par le président de la République et par le président de chacune des assemblées du Parlement, Sénat et Assemblée nationale. Pour comble, les anciens présidents de la République sont membres de droit, à vie.
Ainsi, sur les onze membres du Conseil constitutionnel actuellement en fonction, tous sont issus des rangs de la droite à l'exception d'un ancien sénateur exclu du parti socialiste, et sept d'entre eux sont d'anciens parlementaires.
Dès lors, le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel présente-t-il les garanties suffisantes pour que les citoyens soient assurés de l'impartialité de ses membres ?
Voilà une question qui pourrait lui être soumise, car les attributions dévolues au Conseil constitutionnel, institution garante des droits et libertés fondamentales, ressortent éminemment du domaine politique et sont essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie, qu'on en juge : contentieux électoral et référendaire, contrôle de constitutionnalité des textes législatifs non encore promulgués, et depuis mars 2010, contrôle des lois promulguées dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité.
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Comment expliquer que sur 150 questions prioritaires de constitutionnalité examinées, pourtant renvoyées devant le Conseil constitutionnel par la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat à raison de leur caractère jugé "sérieux", seules 22 ont été déclarés non-conformes à la Constitution en totalité, et 11 non-conformes partiellement ?
Pourquoi le secrétariat général du gouvernement, qui représente le gouvernement aux audiences du Conseil constitutionnel en matière de question prioritaire de constitutionnalité, ne plaide-t-il jamais en faveur de la censure de la disposition législative en cause ?
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Ce décret rédigé par le gouvernement, aurait pu attribuer cette compétence aux tribunaux de droit commun, mais a curieusement préféré créer un nouvel ordre de juridiction en la confiant à titre exclusif au bâtonnier de l'ordre des avocats en premier ressort, alors que la Constitution prévoit à son article 34 que la création d'un nouvel ordre de juridiction est du domaine de la loi et non d'un décret.
Or, cela pose un problème d'impartialité évident, car qui est le bâtonnier de l'ordre des avocats, si ce n'est le représentant des avocats élu par ses pairs pour défendre leurs intérêts catégoriels ?
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Or, ce taux d'appel est le triple du taux national tous contentieux confondus, alors même que le client aura la tâche ardue de plaider seul contre un avocat dans une matière aussi subjective. En revanche, les deux avocats n'ont pas jugé utile de divulguer les statistiques sur le sens des décisions de la juridiction du bâtonnier.
Le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité à la Constitution de la disposition en cause, sans motivation. Dès lors, les sages ne devraient-ils pas être élus par des magistrats et des professeurs d'université d'une manière qui garantit leur indépendance ?
Le Conseil constitutionnel est une clef de voûte de notre Constitution et le dernier rempart institutionnel pour la défense des droits fondamentaux de tout l'édifice juridique français. Le mode de désignation actuel des membres de cette institution n'est pas compatible avec l'idée d'un Etat de droit.
Par Michaël Chetrit, vice-président de l'association internationale pour la défense des droits fondamentaux (AIDDF)
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