Quinze ans après la tonitruante scission de 1998-1999 entre Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen qui avait failli le mettre à mort, le FN de Marine Le Pen s'est rebâti en s'appuyant sur quelques mégrétistes et recettes du mégrétisme.
Après de longs mois de conflit larvé, le FN se divise entre partisans du tribun charismatique Jean-Marie Le Pen et ceux du méthodique délégué général Bruno Mégret.
Le maire de Vitrolles, qui veut être seul dépositaire de la marque FN, emmène une bonne partie de l'appareil militant dans ses bagages lors du congrès de Marignane (23-24 janvier 1999) où il crée un "Front national-Mouvement national".
Sur cette période, Marine Le Pen choisit une formule ciselée: "C'est la préhistoire", s'exclame-t-elle. "Le mégrétisme n'est plus une identité au FN, Mégret est complètement fini".
Son chantier principal à la tête du FN, la "dédiabolisation", est pourtant une inspiration mégrétiste. Malgré son dérapage de l'automne sur la barbe des otages de retour du Sahel et les exclusions de candidats aux municipales auxquelles elle a été contrainte, elle le proclame "achevé".
"Sa stratégie a des similitudes avec celle que voulait mettre en oeuvre le MNR, qui voulait moderniser, désenclaver et dédiaboliser", compare Nicolas Bay, qui n'a rejoint le FN qu'en 2009 après avoir longtemps été le lieutenant de Bruno Mégret au Mouvement national républicain.
Dans un restaurant du VIIe arrondissement, Bruno Mégret, quoique plus loquace sur le passé que sur le présent du FN, confirme à l'AFP une filiation stratégique: "Elle a fait ce que nous voulions faire sur la dédiabolisation".
Mais celle-ci rejette tout droit d'auteur : "Un parti qui devient un grand parti doit naturellement se poser en rassembleur, éloigner les excessifs, les folkloriques, etc. Je défends ça depuis avant Mégret, moi je l'ai fait, lui non".
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Pour changer de calibre, elle a confié l'administration du parti à deux ex-mégrétistes, Steeve Briois, et son adjoint, Nicolas Bay. Celui-ci "a énormément appris auprès de Mégret sur la structuration politique", explique M. Crépon.
Mais preuve que le traumatisme n'est pas complètement guéri, beaucoup de frontistes "ont eu du mal à accepter que ceux qui sont revenus aient accès à des postes importants", note le journaliste David Doucet, auteur avec Dominique Albertini d'une "Histoire du Front national" (Tallandier).
Un membre du bureau politique du FN affirme ainsi à l'AFP que les ex-mégrétistes sont toujours suspectés de "mauvaise foi" notamment par le "clan Le Pen", dans lequel il inclut Jean-Marie Le Pen, la députée Marion Maréchal-Le Pen, le vice-président Louis Aliot, et Yann Le Pen, la soeur de Marine, qui organise les meetings FN.
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Mais si le FN n'a toujours pas rattrapé son niveau, c'est d'après Mme Le Pen parce que "le système gère mal, mais se défend bien. Aujourd'hui, de nombreux obstacles sont organisés contre nous. De 95 à 2002, le FN émerge."
Un propos contredit par M. Doucet : "Le FN était au centre du jeu: à cause de lui, la droite perd les législatives de 1997, et lors des régionales de 98, elle est sur le point de craquer", quand quatre présidents de régions UDF sont élus avec des voix FN.
Pour M. Crépon, "si le FN attire encore des technocrates, s'il arrive à faire élire beaucoup de conseillers municipaux qui s'implantent localement, si contrairement à son père elle laisse se constituer des baronnies, d'ici deux ans il peut être à son niveau structurel des années 90."
Et qu'en pense Bruno Mégret ? Peu disert, il manie la litote : "Marine Le Pen jouit d'une situation politique extraordinairement favorable dont on n'a jamais bénéficié".
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