Quand Debré a la nostalgie des "députés-godillots"

Venez discuter de l'actualité politique.
Avatar du membre
johanono
Messages : 37518
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00:00

Quand Debré a la nostalgie des "députés-godillots"

Message non lu par johanono » 11 avr. 2016, 20:56:52

Devant les députés PS, Jean-Louis Debré défend Hollande et critique les frondeurs


LE SCAN POLITIQUE - Invité du groupe PS au palais Bourbon, l'ancien président du Conseil constitutionnel a prédit la disparition des députés frondeurs du PS s'ils persistaient à vouloir déstabiliser l'exécutif.

Une scène étrange et passée inaperçue s'est déroulée mercredi 6 avril à l'Assemblée nationale. Cordialement détesté à gauche lorsqu'il était député, puis ministre, Jean-Louis Debré a reçu les honneurs du groupe socialiste, raconte Challenges ce lundi. «Chaque semaine nous invitons une personnalité, un intellectuel, un politique. Jean-Louis Debré venait de quitter ses fonctions au Conseil constitutionnel, et avoir son regard sur la vie politique actuelle nous a semblé intéressant», confirme au Scan un proche de Bruno Le Roux. Et pour marquer l'occasion, l'ancien président de l'Assemblée s'est adonné à un exercice qui a dû ravir le patron des députés PS: critiquer vertement l'attitude des frondeurs qui mettent à mal, selon lui, les institutions de la Ve République.

Fort du vocabulaire soutenu qu'on lui connaît, Jean-Louis Debré n'a pas hésité à qualifier Christian Paul et ses soutiens «d'iconoclastes inconscients», ou encore de «flibustiers de carnaval». Aux yeux de ce fidèle chiraquien, le mouvement dit de «la fronde» des parlementaires socialistes, né en avril 2013, relève d'une «guérilla infantile» contre François Hollande. Ces députés récalcitrants à voter les orientations du gouvernement tentent, selon lui, d'exister par la critique au risque de déstabiliser le régime. «C'est scandaleux d'avoir détruit par des jeux politiciens incompréhensibles ses efforts d'union autour de la déchéance nationale», a brocardé l'ancien président du Conseil constitutionnel. «C'est scandaleux, de prétendre conditionner la réélection de François Hollande à des primaires alors que, président sortant, il bénéficie d'une légitimité incontestable», a renchéri ce fervent défenseur du régime présidentiel.

suite
En fait, on s'aperçoit que Debré a la nostalgie d'une pratique très ancienne sous la Ve République : celle des "députés-godillots", c'est-à-dire des députés de la majorité qui se contentent d'obéir au gouvernement en votant tout ce que le gouvernement leur demande de voter. Fatalement, quand on a cette conception de la vie parlementaire, on a du mal à comprendre que des députés pourtant issus de la majorité puissent se rebeller en refusant de voter certains projets de loi présentés par le gouvernement...

Le problème, c'est que Hollande s'est affaibli lui-même en menant une politique pour laquelle il n'a pas été élu, ce qui a suscité une grande amertume chez de nombreux électeurs de gauche. Les frondeurs ne sont que l'expression de cette amertume. Il est dommage que Debré ne l'ait pas compris.
Modifié en dernier par johanono le 12 avr. 2016, 19:08:44, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Nombrilist
Messages : 63371
Enregistré le : 08 févr. 2010, 00:00:00

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Nombrilist » 11 avr. 2016, 20:59:39

Debré l'a très bien compris. Il est juste venu pour troller le débat. ça devait le démanger après 10 ans d'abstinence.

Avatar du membre
johanono
Messages : 37518
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00:00

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par johanono » 11 avr. 2016, 21:02:51

Je le crois sincère : pour lui, un député de la majorité doit voter oui à tout ce que propose le gouvernement.

Avatar du membre
wesker
Messages : 32008
Enregistré le : 18 mai 2009, 00:00:00
Localisation : Proche de celles et ceux qui vivent dans le pays réel

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par wesker » 11 avr. 2016, 21:19:18

C'est une position d'alignement qui peut s'entendre, mais qui se heurte à la responsabilité du Parlement qui est, à la fois de contrôler l'exécutif tout en se voulant représentative....de la réalité des opinions qui existent et s'expriment, dans le pays.

Avatar du membre
Nombrilist
Messages : 63371
Enregistré le : 08 févr. 2010, 00:00:00

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Nombrilist » 11 avr. 2016, 21:28:57

johanono » Lun 11 Avr 2016 - 20:02 a écrit :Je le crois sincère : pour lui, un député de la majorité doit voter oui à tout ce que propose le gouvernement.
C'est comme ça que le RPF-RPR-UMP-LR pratique depuis toujours.

Avatar du membre
Aldarone
Messages : 242
Enregistré le : 10 juin 2013, 22:34:31
Localisation : Côte d'Opale

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Aldarone » 11 avr. 2016, 21:51:45

Oui c'est tout de même étrange qu'il oublie que la séparation des pouvoirs instituée dans la Constitution ne soumet pas le pouvoir législatif au pouvoir exécutif...

Avatar du membre
Ramdams
Messages : 13178
Enregistré le : 18 mars 2013, 09:37:10

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Ramdams » 11 avr. 2016, 23:10:13

johanono » 11 Avr 2016, 20:02:51 a écrit :Je le crois sincère : pour lui, un député de la majorité doit voter oui à tout ce que propose le gouvernement.
Ça ne sert à rien d'élire des députés alors.

Avatar du membre
albert
Messages : 9997
Enregistré le : 20 août 2011, 11:21:55

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par albert » 12 avr. 2016, 07:17:04

D’un autre côté, je pense que Debré n’a pas totalement tort : le comportement des frondeurs est infantile. Car la politique que mène le gouvernement résulte des engagements européens de la France. Il faut, à mon sens, remettre cette politique en cause, mais il faut alors aller au bout du raisonnement en dénonçant l’euro, ce que ne font pas les frondeurs. De fait, leur fronde n’a pas servi à grand-chose puisque, finalement, ils ont fini par se dégonfler.

Quant à la primaire, l’idée ne vient pas des frondeurs mais de personnalités comme Piketty et Cohn-Bendit, et le succès de leur appel à la primaire est révélateur du malaise qui existe dans l'électorat de gauche du fait de la politique menée et de l'impopularité du président. Si Hollande devait en accepter le principe, ce serait alors à lui qu’il faudrait faire le reproche d’abaisser la fonction présidentielle et de trahir l’esprit des institutions.
« le capitalisme est cette croyance stupéfiante que les pires des hommes feront les pires choses pour le plus grand bien de tout le monde » (Keynes)

Avatar du membre
Jean
Messages : 4561
Enregistré le : 10 mai 2012, 08:35:09

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Jean » 12 avr. 2016, 12:16:00

Si un vrai travail de construction d'un programme, ou du moins un tri autour des idées forces, avait été fait avant l'élection de 2012 au sein du PS peut-être que ces divergences ne seraient pas apparues aussi criardes.

Le problème du PS c'est que pour ratisser large il accepte en son sein tout et son contraire (par exemple en 2005 à propos de l'UE)

Si bien que lorsqu'il est au pouvoir ses diverses tendances coexistent au sein du gouvernement et de la majorité.


Ca se passe assez bien lorsque les députés ont le sentiment que le peuple soutient le gouvernement. Dans ce cas il est souhaitable pour eux de le soutenir même si on est partiellement en désaccord avec lui car cela assure le député d'être investi par le parti au moment de la prochaine élection.

Il n'y a pas eu de frondeurs sous Mitterrand parce que la gauche sortait de 23 ans d'opposition et n'aurait rien fait pour prendre le risque d'y retourner. Pourtant les mêmes désaccords existaient entre un Mauroy (vieille gauche) et un Rocard (2eme gauche) par exemple. le changement brutale de politique en 1983 n'a pas suscité de violentes réactions (faut dire que la dévaluation était beaucoup plus visible que l'emprunt).

C'est la faiblesse de FH qui a suscité ces frondes. Dès lors que les députés comprennent qu'ils risquent d'être blackboulé même avec l'investiture, ils ont le courage de sortir du bois pour tenter d'exister en tant qu'individu, partant du principe qu'ils ont plus de chance d'être réélu en tant que dissident que en tant qu'investi...

La fausse primaire de gauche envisagée aujourd'hui relève du même schéma.

Se projetant dans une probable défaite de FH ils veulent être ceux qui avaient dénoncé le risque de l'échec de façon à faire partie des gagnant du camp des perdants, afin de peut-être réussir à être réélu en s'appuyant sur le fait qu'ils se seront éloignés les premiers de FH.

Ce sont des calculs habillés derrière des convictions peut-être en partie réelles.


En résumé ceux qui ont le "courage" de râler aujourd'hui ce serait contenter de murmurer si FH avait 40 à 45% de soutien dans la population et 75% de soutien à gauche.

Avatar du membre
Baltorupec
Messages : 13912
Enregistré le : 13 juil. 2011, 00:00:00

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Baltorupec » 12 avr. 2016, 12:17:34

Du point de vue de ceux qui se définissent comme la vraie gauche, Hollande est de droite. Evidemment, que l'on ne peut pas soutenir cette politique.
“Tout ce que tu peux régler pacifiquement, n’essaie pas de le régler par une guerre ou un procès.” Jules Mazarin

Avatar du membre
wesker
Messages : 32008
Enregistré le : 18 mai 2009, 00:00:00
Localisation : Proche de celles et ceux qui vivent dans le pays réel

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par wesker » 12 avr. 2016, 13:31:45

Cette conception du fonctionnement d'une majorité me semble datée, périmée, reflète, surtout une culture, qui à droite est ancienne, d'alignement sur le chef. Mais aujourd'hui, que l'on soit de gauche, de droite, que l'on ne se reconnaissent dans aucune famille politique, force est de constater que les nuances existent et qu'il est vain de vouloir les nier à travers un alignement sur la pensée majoritaire.

Il est vrai que, sous l'ère Sarkozy, aucun des prétendants à l'investiture des Républicains n'exprima de réserve ou de sensibilité, à l'égard de la politique conduite et il est, aujourd'hui assez paradoxal de voir autant de candidat se lancer dans cette course à l'investiture qui, je le crois aussi, ne serait bénéfique à cette famille politique qu'à la condition de porter sur les divergences de fonds.

En adoptant cette position, finalement Debré ne fait que confirmer non pas son attachement aux fondamentaux de la Vème République mais plutôt à la volonté de préserver un fonctionnement dogmatique d'une majorité, qui, au fur et à mesure a tendance à s'élargir !

Avatar du membre
albert
Messages : 9997
Enregistré le : 20 août 2011, 11:21:55

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par albert » 12 avr. 2016, 14:50:53

Jean » Mar 12 Avr 2016, 12:16:00 a écrit : Il n'y a pas eu de frondeurs sous Mitterrand parce que la gauche sortait de 23 ans d'opposition et n'aurait rien fait pour prendre le risque d'y retourner. Pourtant les mêmes désaccords existaient entre un Mauroy (vieille gauche) et un Rocard (2eme gauche) par exemple. le changement brutale de politique en 1983 n'a pas suscité de violentes réactions (faut dire que la dévaluation était beaucoup plus visible que l'emprunt).
C'est faux, il y a eu des réactions au tournant de 1983 : Chevènement a démissionné et les communistes ont quitté le gouvernement peu de temps après.
En revanche, il n'y avait pas de désaccords à propos du tournant de 1983 entre Rocard et Mauroy : ils y étaient favorables tous les deux.
« le capitalisme est cette croyance stupéfiante que les pires des hommes feront les pires choses pour le plus grand bien de tout le monde » (Keynes)

Avatar du membre
mordred
Messages : 7238
Enregistré le : 22 mai 2012, 11:40:06
Localisation : Tout à l'Ouest (France)

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par mordred » 12 avr. 2016, 15:54:01

Les députés doivent être comme ceux de 1789 : sans parti. Le Parlement ne doit pas être la CGT.
"La mer était très forte. Je pense qu'il était bien trop vieux pour aller à la pêche aux maquereaux".
Feu Dédé la fleur; bien souffrant (Ouessant) et Yann Tiersen (mondialement connu).

Avatar du membre
Jean
Messages : 4561
Enregistré le : 10 mai 2012, 08:35:09

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par Jean » 12 avr. 2016, 17:52:22

albert » 12 Avr 2016, 14:50:53 a écrit :
Jean » Mar 12 Avr 2016, 12:16:00 a écrit : Il n'y a pas eu de frondeurs sous Mitterrand parce que la gauche sortait de 23 ans d'opposition et n'aurait rien fait pour prendre le risque d'y retourner. Pourtant les mêmes désaccords existaient entre un Mauroy (vieille gauche) et un Rocard (2eme gauche) par exemple. le changement brutale de politique en 1983 n'a pas suscité de violentes réactions (faut dire que la dévaluation était beaucoup plus visible que l'emprunt).
C'est faux, il y a eu des réactions au tournant de 1983 : Chevènement a démissionné et les communistes ont quitté le gouvernement peu de temps après.
En revanche, il n'y avait pas de désaccords à propos du tournant de 1983 entre Rocard et Mauroy : ils y étaient favorables tous les deux.

Je parlais au sein du PS.

Chevènement a toujours été un peu à part et a d'ailleurs créer son propre mouvement.

Les communistes de leur côte n'ont pas quitté le gouvernement ils ont simplement décidé de ne pas participer au gouvernement Fabius qui a suivi le gouvernement Mauroy plusieurs mois après le changement de politique.


Je ne suis pas pour des députés sans réflexions (mais il ne faut pas faire de l'investiture à l'élection des députés un cadeau pour les militants les plus zélés...). Je pense que les négociations autour d'un projet de loi doivent se faire en amont de sa présentation en conseil des ministres et non en aval.

A mon avis, les sorties des frondeurs relèvent soit d'un manque de concertation sur les textes en amont soit d'une volonté de jouer une carte future en se singularisant devant les médias.

Comme image on peut prendre exemple sur le management en entreprise. Avant la décision le staff a pour responsabilité de donner son avis après la décision il doit faire bloc derrière elle et celui qui la porte.

Idem en politique.

Avatar du membre
wesker
Messages : 32008
Enregistré le : 18 mai 2009, 00:00:00
Localisation : Proche de celles et ceux qui vivent dans le pays réel

Re: Quand Debré a la nostalgie des "députés-goddilots"

Message non lu par wesker » 12 avr. 2016, 18:32:21

Là où Debré attire l'attention, c'est sur l'incohérence de certains élus de la majorité qui admettent, ouvertement ne pas se reconnaître dans les orientations gouvernementales. La responsabilité de ces derniers, à l'instar de Philippe Noguès ou de Amirshahi devrait les inciter à mettre en harmonie leurs convictions et la solidarité, qu'ils doivent à l'égard de leurs familles politiques. C'est, aussi, ce qui rend leurs prises de positions désormais inaudibles, s'ils ne se démarquent pas de cette politique, autrement que par des prises de parole publique, ils finiront de servir de caution, solidaires aux résultats de cette politique.

Répondre

Retourner vers « L'actualité politique »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Bing [Bot]