Les affaires ramènent les hauts fonctionnaires au PS
Déstabilisés par les scandales, lassés de l’interventionnisme élyséen ou simplement attirés par les sondages de DSK, les commis de l’Etat redécouvrent la gauche
Ils tapent aux portes de ceux qu’ils connaissent, de leurs copains de promo étiquetés socialistes, des anciens ministres de gauche qu’ils ont croisé dans les allées du pouvoir, de l’entourage de Martine Aubry ou des proches de DSK. Semaine après semaine, des hauts fonctionnaires mécontents se tournent vers la gauche en général et vers le PS en particulier. Ils ne sont pas seulement prompts à retourner leur veste, humant le parfum de la victoire. Ils sont surtout malheureux, et, ajoutent-ils, "dégoûtés de ce qu’[ils] voient".
C’est une des conséquences des affaires qui défraient la chronique depuis plusieurs semaines. La succession des scandales et des soupçons est venue s’ajouter à un malaise montant, provoqué par l’interventionnisme élyséen, chez des grands commis qui veulent incarner la République. "Il y a un malaise des serviteurs de l’Etat, décrypte un dirigeant socialiste, qui accueille certains de ces hauts dignitaires. Des hauts fonctionnaires viennent nous voir, ils ne sont pas tous de gauche, mais sont viscéralement attachés à l’Etat: ils vivent très mal l’absence d’esprit public au sommet, ils sont dégoûtés par l’esprit de clan… Ils nous disent 'on veut travailler avec vous'." De fait, les inventeurs du projet socialiste en construction ne sont pas seulement des militants, mais aussi des hauts fonctionnaires peu familiers des congrès. "Ce ne sont pas seulement des anciens des cabinets de gauche, poursuit l’agent traitant de Solferino. Il y a aussi des jeunes qui sortent de l’ENA et qui ne peuvent se résoudre à la disparition de l’esprit public et des serviteurs de l’Etat plus chevronnés qui ne veulent pas finir leur carrière dans ce climat."
Ils viennent de tous les corps, des Affaires sociales, de Bercy, du Quai d’Orsay, de l’armée ou même de la police. "Les hauts fonctionnaires sont très ouverts au dialogue et ce n’est pas que de l’opportunisme, dit Christian Paul, patron du Laboratoire des idées du PS. On observe une déprime profonde dans l’appareil d’Etat après la RGPP (révision générale des politiques publiques): les coupes se sont souvent faites dans la brutalité. On reçoit des appels, on nous signale des cas concrets. On sent une grande disponibilité de ces milieux. Et, bien sûr, il y a aussi des grands commis de l’Etat, plutôt à droite, mais choqués par ce qu’ils voient qui viennent nous dire 'je n’ai pas fait l’ENA pour ça'."
"Des hauts fonctionnaires de gauche commencent à y croire"
Des serviteurs de droite qui viennent "parler" aux dirigeants socialistes et des hauts fonctionnaires plutôt de gauche qui, eux, viennent travailler, c’est ce qu’observe François Lamy, bras droit de Martine Aubry: "Des hauts fonctionnaires de gauche commencent à y croire de nouveau. Pas mal viennent frapper à la porte expliquant: 'On a envie de s’impliquer pour travailler avec vous à l’alternative.' A côté, des fonctionnaires de droite, y compris dans la préfectorale, dans l’armée, dans la police - des piliers de l’Etat - viennent nous dire: 'Je ne reconnais plus le fonctionnement de l’Etat, tout se passe à l’Elysée, on nous demande du chiffre.' Ils sont très attachés à l’esprit de la République, il y a un vrai désarroi, un dérèglement de l’Etat, certains rêvent que ça change." Et le PS d’Aubry, elle-même ancienne haut fonctionnaire, leur tend la main.
Et puis il y a tous ceux qui croient aux sondages qui présentent DSK comme le sauveur suprême. Du coup, ses amis sont très sollicités, à l’image de Jean-Christophe Cambadélis, spécialiste des relations internationales du PS: "On observe un mouvement vers la gauche dans tous les milieux, décrypte Cambadélis. Les salariés viennent nous expliquer 'on a besoin de vous'. Des hauts fonctionnaires se rapprochent de nous, je le vois au Quai d’Orsay, où certains viennent me dire: 'Il faut que ça change, je n’ai jamais voté pour la gauche, mais là je voterai DSK.'"
"On sent qu’on est plus dans l’air du temps"
Cette "oreille attentive" à la gauche, Pouria Amirshahi, le secrétaire national du PS aux droits de l’homme, l’observe dans différents milieux: "Au Quai d’Orsay, dans le monde du sport, dans l’administration du travail ou de la sécu, dans les milieux altermondialistes, des gens reviennent ou viennent discuter avec nous, ils discutent sur le fond." Et le PS apprécie ce nouveau désir: "On sent qu’on est plus dans l’air du temps, comme si la gauche avait fini de manger son pain noir", analyse un ancien des cabinets ministériels socialistes.
Des universitaires, des chercheurs, des écrivains se mettent aussi à discuter avec le parti. Ils viennent au Laboratoire des idées, à la fondation Jean-Jaurès, à Terra Nova ou à Nonfiction.fr. "Les intellectuels ne font pas un chèque en blanc au PS, mais ils ont envie de l’aider à se réarmer et à prévenir des renoncements, croit savoir Christian Paul. Pour ces milieux, ce ne sont pas les affaires qui sont significatives, le débat sur l’identité nationale a été un moteur de réengagement plus fort."
Telles les hirondelles annonçant le printemps, ces mouvements vers la gauche annoncent-ils la victoire? "Je ne sens pas de certitudes ni de cocorico, corrige Jean-Christophe Cambadélis. La gauche retient son souffle comme si trois défaites présidentielles de suite avaient fini par infuser : le peuple de gauche estime que Sarkozy sera le candidat des riches et donc qu’il sera difficile à battre. " Fin, 2008, Dany Cohn-Bendit avait parié que Sarkozy gagnerait la prochaine présidentielle. L’eurodéputé écolo ne le referait plus, mais il appelle à la prudence. "Sarkozy peut perdre, mais, pour la gauche, ce n’est pas plié, elle n’a pas encore montré sa crédibilité à gérer les affaires ensemble, prédit Cohn-Bendit. En ce moment, tous les gouvernements européens sont au plus bas, Merkel, Sarkozy ou Zapatero, mais les opinions sont versatiles. Et la présidentielle en France est une élection très particulière, deux ans avant, personne ne peut savoir, moi le premier."
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- El Fredo
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- sarkonaute
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On ne peut pas reprocher aux hauts fonctionnaires de savoir retourner leur veste à temps. Déjà, ils commencent à avoir une sacrée habitude. Et puis mieux vaut le faire le plus tôt possible afin de ne pas donner l'impression de ralliements de dernière minute.
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M
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