http://www.mediapart.fr/journal/france/ ... nce-de-nat…Droit du sol, déchéance de nationalité: Besson face à la surenchère de la droite
Le «grand débat sur l'identité nationale», voulu par Nicolas Sarkozy, et son «gros rouge qui tache» ont laissé des traces. Lors de l'examen, mercredi 29 septembre, par les députés, de son projet de loi sur l'immigration, Éric Besson a défendu une série d'articles ayant trait à la nationalité. Ce faisant, il s'est retrouvé confronté à des amendements issus de la majorité remettant en cause le droit du sol. Dépassé sur sa droite, il ne les a pas soutenus. Pour mieux y revenir plus tard, a-t-il laissé entendre.
L'offensive est venue d'élus de la «droite populaire», ce collectif créé le 14 juillet 2010 pour «revenir aux propositions de campagne de Nicolas Sarkozy», c'est-à-dire aux «fondamentaux», à savoir «la nation, la patrie, la République et le travail». Le député UMP Dominique Tian a ainsi proposé, avec un certain soutien, un amendement visant à modifier le droit du sol à Mayotte et en Guyane, en limitant l'accès à la nationalité aux personnes dont les deux parents sont nés en France – alors qu'aujourd'hui, les enfants nés sur le sol français deviennent automatiquement français à leur majorité, quelle que soit la nationalité de leurs parents.
Le rapporteur UMP du projet de loi, Thierry Mariani, pourtant issu du même groupe, a été contraint de freiner les ardeurs de ses collègues. «Cette réforme est nécessaire, a-t-il déclaré, mais on ne peut le faire comme ça, par la voie d'amendement. Je partage ce que vous dites, mais quand même, il faut un minimum de réflexion.» Et de s'inquiéter des effets dévastateurs de l'adoption d'une telle mesure: «Imaginez le message que nous enverrions! C'est le premier amendement qu'on adopterait! On créerait une nationalité à deux vitesses en vingt minutes, le message serait calamiteux, on fractionnerait la nationalité selon que l'on est de tel ou tel département.»
La gauche a vivement réagi. Apparentée au groupe social, radical, citoyen et divers gauche, Christiane Taubira a trouvé «insultant de séparer Mayotte et la Guyane du reste du territoire», tandis que la socialiste George Pau-Langevin a dénoncé «une tentation récurrente dans ce projet de loi de différencier les Français, les “vrais” Français et les Français de seconde zone».
Cet amendement a été rejeté, mais cela n'a pas empêché le député UMP Lionnel Luca de monter au créneau pour remettre en cause l'automaticité de l'acquisition de la nationalité pour les personnes nées de parents étrangers sur le sol français. Cette règle, a-t-il affirmé, «ne permet pas à la personne d'exprimer librement et pleinement sa volonté d'appartenance à son pays de naissance ou à son pays d'origine». «L'objectif, a-t-il ajouté, est de s'assurer que l'on ne devient pas français sans le vouloir et de préserver la cohésion nationale.»
Là encore, Thierry Mariani, celui-là même qui avait présenté l'amendement sur les tests ADN dans le cadre du regroupement familial en 2007, est apparu dépassé. «Une réforme du droit de la nationalité doit être précédée d'une réflexion et d'une discussion. Le faire en une demi-heure, ce n'est pas anodin, c'est quand même lourd de conséquence!», a-t-il lancé en réponse au tollé provoqué à gauche par cette mesure qui ramènerait la législation à la situation antérieure à 1998.
Tout en affirmant «souscrire à l'état d'esprit de cet amendement», finalement rejeté, Éric Besson a lui aussi semblé embarrassé. De fait, le texte allait au-delà de la proposition de Nicolas Sarkozy, qui, dans son discours du 30 juillet à Grenoble, avait visé les «mineurs délinquants». Mais, comme il a été largement défendu à droite, de Georges Mothron à Claude Goasguen en passant par Christian Vanneste, le ministre a essayé de gagner du temps. Il s'est félicité de la demande de mission parlementaire déposée par Claude Goasguen sur la réforme du Code de la nationalité et a rappelé que Nicolas Sarkozy avait annoncé la création d'une «mission d'expertise» sur les «mineurs délinquants». «Le président de la République va vous soumettre un projet de loi» sur ce thème, a-t-il avancé sans attendre les conclusions de ladite commission.
«Vous passez votre temps à vouloir faire le tri entre les Français», s'est exclamé le socialiste Julien Dray, relevant, au passage, les propos tenus la veille par Éric Besson sur les «bons Français». «En 1993, il y a eu les lois Pasqua qui sont revenues sur la tradition républicaine du droit du sol, a rappelé l'ancienne garde des Sceaux socialiste Élisabeth Guigou. La conséquence, c'est que les jeunes, parfois par manque d'information, laissaient passer le délai et se retrouvaient de fait sans nationalité. C'était toujours les enfants de milieux défavorisés qui étaient ostracisés. Alors que ces jeunes se sentaient français, ils avaient un sentiment profond d'exclusion qui allait à l'encontre de ce que vous dites rechercher: l'intégration.» Noël Mamère (Verts) a fustigé «une tentative de grignotage du droit du sol», alors que «notre Parlement serait plus utile à parler des problèmes économiques et sociaux qui concernent les Français».
«Un débat dangereux au sein de la communauté»
C'est aussi le refus de distinguer différentes catégories de Français qui a prévalu, à gauche, en amont de la discussion sur l'article 3 bis sur la déchéance de la nationalité, qui devrait avoir lieu ce jeudi 30 septembre dans l'hémicycle.
Dans le collimateur, la proposition du chef de l'État d'étendre les motifs de déchéance aux personnes, naturalisées depuis moins de dix ans, condamnées pour meurtre ou violences ayant entraîné la mort dans l'intention de la donner commis contre des dépositaires de l'autorité publique. D'ores et déjà, le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, a fait valoir, mercredi soir, que ce dispositif était non seulement «absurde», car il «opère une classification entre les crimes», mais aussi dépourvu d'effet dissuasif, car «celui qui abat un gendarme et qui encourt à ce titre la prison à vie se soucie peu de la déchéance de la nationalité».
L'élu du PS a aussi souligné que cette mesure, «de portée symbolique», contrevenait à l'article 1er de la Constitution assurant l'égalité de tous devant la loi sans distinction d'origine, de race ou de religion et qu'elle n'avait d'autre vocation «que d'ouvrir un débat dangereux au sein de la communauté nationale». «La conquête du pouvoir, le combat pour sa préservation n'autorisent pas toutes les outrances», a-t-il déclaré.
Dissident à l'UMP, Étienne Pinte a lui aussi critiqué une disposition «inconstitutionnelle et inapplicable», qui aurait pour effet de rétablir la double peine, que Nicolas Sarkozy s'était vanté de supprimer en 2003.
Une fois encore, le gouvernement, outre l'opposition, devra faire face à sa majorité, dont une partie s'est promis d'aller au-delà des instructions présidentielles, en défendant un amendement autorisant la déchéance de la nationalité de toute personne, ayant acquis la nationalité dans un délai de dix ans, condamnée à une peine d'emprisonnement ferme égale ou supérieure à cinq ans.
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Si je me souviens bien la question d'un éventuel retour au droit du sang est, dans le paysage politique français, une prérogative exclusive au FN. L'aile droite de l'UMP est une fois de plus en train de marcher sur les platebandes de ce parti. L'intérêt d'une telle remise en cause, pour Sarkozy, est double, ménageant en quelque sorte la chèvre et le chou :
1. C'est un appel du pied franc et massif aux électeurs du FN. "Que de la g....." comme on dit puisque l'amendement proposé n'avait de toute façon aucune chance d'aboutir. Mais l'effet d'annonce en lui-même vaut son pesant d'or.
2. Parallèlement, l'aile "modérée" de l'UMP, outrée, vote contre l'amendement tout en s'accaparant le rôle traditionnellement joué par l'opposition. Le "débat" et l'actualité médiatique qui en découle ne concernent plus que l'UMP et rien que ce parti, exit les autres formations politiques dont la réaction n'intéresse plus personne.