http://www.mediapart.fr/journal/france/ ... s-de-poche…Supprimer les partis de poche? Pour l'UMP, il est urgent d'attendre
19 Octobre 2010 Par Mathilde Mathieu
L'Assemblée nationale vient d'instruire, dans l'indifférence générale, le procès des «partis de poche», ces drôles de structures détectées à la faveur de l'affaire Bettencourt et des chèques adressés par la milliardaire aux micro-formations d'Eric Woerth (dans l'Oise), de Nicolas Sarkozy (à Neuilly-sur-Seine) ou de Valérie Pécresse (dans les Yvelines).
«Ces comités de soutien à Monsieur Machin ou Madame Truc» (comme dit François de Rugy, député Vert) servent à détourner la législation sur le financement de la vie politique, qui plafonne les dons et interdit à tout citoyen de verser plus de 7.500 euros par an à un parti... mais pas de signer dix chèques de 7.500 euros à dix formations différentes. Ces dernières années, en jouant sur cette ambiguïté, l'UMP a su multiplier les partis satellites pour générer toujours plus de tiroirs-caisses. Résultat: en 2008, si la «maison mère» récoltait 7,4 millions d'euros de dons à elle toute seule (contre 1,7 million pour le PS), sa kyrielle de partis de poche rallongeait la recette d'au minimum 1,5 million d'euros...
Jeudi 14 octobre, à l'Assemblée, le PS (qui en traîne aussi une poignée, comme celui de Manuel Valls) a donc plaidé pour que le plafond légal de 7.500 euros s'entende désormais tous bénéficiaires confondus – une réforme prônée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Faute de pouvoir interdire les micro-partis, les socialistes ont voulu supprimé leur raison d'être... Leur proposition de loi a été vite balayée par la majorité, qui s'est appliquée à esquiver le débat au fond.
En juillet dernier, pic de la polémique, le vice-président du conseil national de l'UMP, Pierre Méhaignerie, avait pourtant prôné «une réglementation» de ces «systèmes parallèles», jetant un froid à droite... Trois mois plus tard, officiellement, les représentants de l'UMP n'ont toujours pas arrêté de position commune.
Dans l'hémicycle, aucun des principaux ministres concernés n'est d'ailleurs venu plaider sa cause face aux socialistes – ni Laurent Wauquiez (qui avait profité d'un voyage officiel à Londres en juin dernier pour amasser des chèques à l'ordre de «Nouvel oxygène», son micro-parti du Puy-en-Velay), ni Christian Estrosi («Alliance Méditerranée-Alpes»), ni Rama Yade («Agir pour Colombes»), ni Benoist Apparu... C'est Henri de Raincourt, ministre des relations avec le Parlement, qui a fait seul le job.
De même, dans les travées des députés UMP, c'était: «Courage, fuyons!» Sur la douzaine d'élus détenteurs d'un parti de poche depuis au moins deux ans (repérés par Mediapart en juillet dernier), seul Richard Mallié a pointé le bout de son nez – non pour s'exprimer, mais pour assurer sa permanence sur les bancs de la majorité.
La gauche aurait pourtant adoré l'entendre détailler les activités de sa formation marseillaise («Les amis de Richard Mallié»), qui avait récolté 92.680 euros de dons en 2007 et encore 36.142 euros en 2008... Aux abonnés absents également: Françoise de Panafieu («Pour un Paris gagnant»), Patrick Balkany («Rassemblement pour Levallois»), Yves Jégo («Mouvement des Seine-et-Marnais») ou encore Dominique Perben («Lyon nouvel Horizon»). Même Dominique Dord, le premier visé en tant que nouveau trésorier de l'UMP et remplaçant d'Eric Woerth, possesseur d'un micro-parti personnel en Savoie, a séché le débat!
Les présents se sont réfugiés derrière la promesse, faite au PS, qu'une autre proposition de loi, issue des rangs de la majorité et consacrée à «la transparence financière de la vie politique», trancherait le sujet d'ici la fin de l'année – «au pire» en janvier 2011. En l'état, ce texte rédigé avant l'affaire Woerth ne dit pas un traître mot des dons aux partis, mais ses deux rédacteurs se déclarent prêts à le compléter. L'un deux, Jean-Luc Warsmann (président de la commission des Lois), a juré jeudi aux socialistes qu'il «n'aborderait pas ce débat à reculons»... Mais encore?
Interrogé par Mediapart, le second auteur, Charles de La Verpillière (UMP), confie son envie de faire un pas vers le PS et de légiférer à l'encontre des partis de poche: «A titre personnel, je trouve qu'un micro-parti ne devrait pas servir à contourner le plafond des dons; et je comprendrais qu'on applique un plafond global, tous partis confondus.» Mais il ajoute illico: «Quitte à relever la barre de 7.500 euros à 10.000, voire 15.000 euros...» L'UMP, en clair, donnerait d'une main pour mieux reprendre de l'autre.
Mais qu'en dit le trésorier du parti présidentiel? Dans une récente interview au Figaro, Dominique Dord est apparu extrêmement libéral, allant jusqu'à défendre un déplafonnement total: «(Il y a) si peu de donateurs en mesure d'aller jusqu'à 7.500 euros, que l'on se demande à quoi bon plafonner...» Tout juste a-t-il concédé au journaliste que les «rallonges» ne devaient pas donner lieu à déduction fiscale! Le lendemain, gêné, il envoyait un correctif à l'AFP: «Le seuil (actuel de 7.500 euros) est raisonnable, il ne s'agit pas de le changer», se reprenait-il. Un «faux pas» qui explique sans doute l'absence de Dominique Dord dans l'hémicycle, jeudi dernier, face aux socialistes...
Enfin, côté gouvernement, le ministre Henri de Raincourt n'a pas davantage fixé de ligne: il a rejeté la proposition de loi socialiste en décrétant simplement qu'elle «instillait l'idée qu'un don à un parti serait un acte répréhensible, voire immoral». A la tribune, il a préféré attaquer le PS, et lui conseiller de balayer devant sa porte: il a ainsi reproché à Ségolène Royal d'avoir choisi le statut d'association pour Désirs d'avenir, plutôt que celui de parti politique, afin d'échapper «à tout contrôle» et tout plafonnement des dons – une option qui n'est toutefois pas sans inconvénient, puisqu'elle prive Désirs d'avenir du droit de financer une campagne présidentielle au-delà 4.600 euros...
En résumé, l'UMP joue la montre: ses représentants n'osent pas claironner leur soutien au système des partis de poche, mais la plupart escomptent que la polémique disparaisse aussi vite qu'elle a surgi.
Et vous qu'en pensez-vous ?