Quand une officine enquêtait sur les amitiés libyennes de Pa

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racaille
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Message non lu par racaille » 25 févr. 2011, 23:34:00

C'est un peu long mais très instructif. A côté l'affaire MAM ressemble à une comptine pour enfants :
Quand une officine enquêtait sur les amitiés libyennes de Patrick Ollier

18 Février 2011 Par Fabrice Arfi Mathilde Mathieu Martine Orange



Après Michèle Alliot-Marie et la Tunisie, Patrick Ollier et la Libye. Ses relations avec Tripoli ont beaucoup intrigué jusqu'au sommet de l'Etat. Et contrairement à ce que ses dirigeants ont toujours affirmé, le groupe industriel Thales a bien confié en 2005 à une officine privée les soins d'une enquête sur de «supposées commissions libyennes au profit» de M. Ollier, selon des témoignages et documents recueillis par Mediapart.

Aujourd'hui ministre chargé des relations avec le Parlement au sein du gouvernement, Patrick Ollier, le compagnon à la ville de MAM avec qui il a partagé à Noël l'escapade tunisienne qui fait aujourd'hui scandale, était à l'époque des faits le député-maire de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

L'affaire remonte à 2004, année de la levée de l'embargo sur la Libye, dictature tenue d'une main de fer depuis 1969 par le colonel Mouammar Kadhafi. A l'époque, la mesure aiguise les appétits des industriels français: Total, EADS, Dassault jouent des coudes pour décrocher des marchés... Thales aussi. Très tôt, le groupe se positionne pour vendre des équipements de signalisation pour les aéroports libyens. Mais fin 2004, les discussions patinent.

D'après le récit livré à Mediapart par des sources concordantes, c'est à ce moment-là que Patrick Ollier, alors président de l'association parlementaire France-Libye, propose de jouer le monsieur “bons offices” à Thales, prétextant de ses bonnes relations en Libye, afin de faciliter les contacts et d'accélérer la signature de l'éventuel contrat. Thales le remerciera de cette offre, sans donner suite.

Le 30 mars 2005 – nous sommes déjà en pleine affaire Clearstream –, un article de France Soir fait allusion à cette proposition et ajoute qu'une enquête sur Patrick Ollier aurait été diligentée par Denis Ranque, alors président de Thales. Dès la veille de la parution, comme le racontera un article de La Tribune de mars 2009, Patrick Ollier adresse une lettre virulente à Denis Ranque pour lui demander de démentir l'article de France Soir. Faute de quoi, écrit-il, «je suis prêt à vous convoquer devant la commission des affaires économiques que je préside à l'Assemblée nationale pour vous en expliquer devant les députés».

Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Selon les informations recueillies par Mediapart, le président de Thales reçoit aussi un coup de téléphone du cabinet de la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, l'accusant de mener une enquête sur Patrick Ollier. Le président de Thales nie avoir diligenté la moindre enquête. L'explication est pénible.

Le cabinet de la ministre de la défense demande lui aussi un démenti rapide. Denis Ranque s'exécute. Un communiqué laconique du groupe sera publié très rapidement, affirmant que Thales n'a jamais réalisé d'enquête sur M. Ollier. Sollicité aujourd'hui par Mediapart, Denis Ranque répond ne pas souhaiter s'exprimer sur cette affaire, rappelant «seulement que la société avait, à l'époque, démenti ces rumeurs».

A la suite de cet épisode, Patrick Ollier se lancera dans une opération de rétro-pédalage, contestant avoir fait la moindre proposition à Thales. Il prendra alors de larges distances avec le groupe d'armement. Denis Ranque, lui, exigera que ses collaborateurs l'informent de toutes les enquêtes qu'ils pourraient diligenter, surtout quand elles concernent des personnes aussi politiquement sensibles que le compagnon de la ministre de la défense.

Car il y a bien eu enquête de Thales. En dépit du démenti du groupe, une note du 20 juillet 2005 du général Rondot, alors conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales (CROS) du ministère de la défense, l'affirme (voir ci-dessous). Le document, qui dort aujourd'hui dans les archives du dossier Clearstream, dont le général Rondot fut l'un des principaux protagonistes, livre même le nom de l'officine mandatée par Thales.

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«L'affaire P.OLL»

Evoquant l'existence d'un rapport de la DST sur le sujet, daté du 29 juin 2005 (et non 2007, comme indiqué par erreur dans le document) et envoyé au ministère de l'intérieur, alors dirigé par Nicolas Sarkozy, la note Rondot relate: «Hervé Zany, psdt de Kroll France, s'inquiète de se voir cité comme procédant à une enquête demandée par Denis Ranque sur de supposées commissions libyennes au profit de Patrick Ollier».

Kroll est le leader mondial de l'espionnage privé. Contacté par Mediapart, un responsable de l'entreprise n'a pas souhaité faire de commentaires.

D'après le général Rondot, la note de la DST a été communiquée au ministère de la défense par Claude Guéant, alors directeur de cabinet de M. Sarkozy – il est aujourd'hui le secrétaire général de la présidence de la République. Prudent, Rondot ajoute: «Ne pas chercher à en savoir plus mais recueil passif d'informations pour prévenir MAM».

Une autre note du général Rondot, toujours de 2005, évoque de nouveau l'«affaire P.OLL». Le militaire, à qui l'on doit notamment l'arrestation du terroriste Carlos, parle alors du «rôle attribué à M. Pasinetti». Il s'agit de Pierre Pasinetti, un ancien de la DGSE, les services secrets extérieurs, devenu chef de la sécurité de Thales en 2002.

L'affaire, manifestement, affole les services. D'après le général Rondot, Alain Juillet, ancien n°2 de la DGSE alors haut responsable à l'intelligence économique auprès de Matignon, «suit» le dossier. Tout comme la DST. Le maître-espion note également: «Alerter le MD (ministre de la défense, NDLR) pour instructions».

En réalité, l'activisme de Patrick Ollier avec la Libye et le régime de son dictateur avait été un objet de discussions (très sensibles) au sein du ministère de la défense dès 2003, comme l'a rappelé Libération dans son édition du 17 février.

Ainsi, le 24 février 2003, le général Rondot a un rendez-vous à 11 heures du matin avec “sa” ministre, Michèle Alliot-Marie. Après avoir balayé plusieurs sujets internationaux (Irak, Balkans...), elle indique au militaire avoir appris par une fuite de la Direction de la surveillance du territoire (DST, le contre-espionnage français) que des investigations cachées seraient menées sur son compagnon, Patrick Ollier.

Le jour même, Philippe Rondot écrit à MAM une lettre frappée du sceau «personnel» dans laquelle il dément, d'une part, la moindre enquête diligentée par ses soins sur Patrick Ollier et, d'autre part, lui annonce avoir pris attache avec la DST pour en savoir plus. «Cela me contrarie beaucoup», écrit-il.

Le militaire ajoute: «Il peut (...) s'agir d'un acte de malveillance me visant ou cherchant à atteindre M. Patrick Ollier. J'ai connaissance des services que celui-ci a pu rendre à la DST, ce pour quoi il a été récemment remercié avec l'envoi d'une médaille d'honneur.»

Le patron de la DST, Pierre de Bousquet de Florian, lui répond le jour même. «Je comprends votre émotion et pense qu'il ne peut s'agir que d'un malentendu (...) Je vous confirme qu'aucune personne de mon service n'a pu rapporter l'information qui vous préoccupe à votre ministre ; en effet, personne n'est à ma connaissance en contact avec elle», livre-t-il comme seule explication.

«Compromission de P.O.L»

Les amitiés libyennes de Patrick Ollier seront de nouveau évoquées un an plus tard, le 9 janvier 2004. Ce jour-là, une réunion a lieu en fin de journée au Quai d'Orsay entre le ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin, le général Rondot et l'ancien n°2 d'EADS, Jean-Louis Gergorin. Il y sera question de Cleastream. Mais pas seulement.

Interrogé sur le contenu précis de cette réunion par les juges d'instruction Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, en charge de l'instruction du dossier Clearstream, M. Gergorin a notamment rapporté que M. de Villepin avait affirmé «qu'il pouvait y avoir des risques de fuite du côté de (...) M. Patrick Ollier car celui-ci pouvait avoir des relations avec certains milieux affairistes, impliqués dans des transactions avec des pays du Moyen-Orient».

Il a précisé: «Clairement, M. de Villepin ne souhaitait pas que le général Rondot donne le résultat des investigations qui venaient de lui être demandées à Mme Alliot-Marie car il craignait que celle-ci n'en parle à M. Patrick Ollier, son compagnon, car celui-ci avait été impliqué dans des affaires troubles au Moyen-Orient.»

Dans une note du 9 janvier 2004 consacrée à cette réunion, le général Rondot inscrira pour sa part le nom de trois pays sous l'intitulé «Compromission de P.O.L»: Irak, Syrie et Libye. «D de V ne le sent pas. Ne rien communiquer au MD», peut-on encore lire dans le document.

Mais loin des intrigues de palais, les activités de Patrick Ollier ont aussi une vitrine officielle. Député des Hauts-de-Seine, il a présidé jusqu'en novembre 2010 le groupe d'études France-Libye, créé à l'Assemblée nationale en juillet 2003. Pour tout dire, le groupe, c'est lui.

Si cette structure d'échanges entre parlementaires existe, c'est à sa seule initiative: avant même que le conseil de sécurité de l'ONU n'ait levé ses sanctions économiques et militaires à l'encontre de la Libye, en septembre 2003, Patrick Ollier avait pris sa plume pour solliciter sa création auprès du bureau du Palais-Bourbon. Il rentrait d'une mission diplomatique à Tripoli, menée en avril 2003, en pleine guerre du Golfe. A quel titre l'exécutif l'avait-il dépêché alors? Mystère.

Doté de sa casquette officielle toute fraîche, Patrick Ollier s'était en tout cas entretenu avec le ministre libyen des affaires étrangères dès janvier 2004, venu à Paris signer l'accord d'indemnisation des familles des victimes de l'attentat du DC-10 d'UTA.

Ensuite, en avril, il avait participé à la foire de Tripoli; en novembre, à la première visite officielle d'un chef d'Etat français en Libye, étape clef dans la normalisation des relations entre les deux pays autorisée par la levée de l'embargo européen sur l'exportation de matériel de guerre d'octobre 2004, qui ouvrait des perspectives aux sociétés d'armement hexagonales.

«Kadhafi lit d'ailleurs Montesquieu»...

En fait, depuis 2003, Patrick Ollier a été l'unique président de ce “groupe d'études” France-Libye. Avec son départ au gouvernement, celui-ci est resté décapité, sans remplaçant. A quoi cette structure a-t-elle servi? «J'ai fait le travail que j'avais à faire, répond Patrick Ollier à Mediapart. Ce qu'il faut pour rapprocher deux pays.» Au registre des activités: aucune réception officielle à l'Assemblée, aucun déplacement en Libye. Patrick Ollier s'est servi de sa fonction plutôt pour travailler en solo et en coulisses. Il ne répugne pourtant pas à quelques mondanités en compagnie des officiels de la «Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste».

En septembre 2009, par exemple, on l'a vu arpenter le pavillon Dauphine, dans le très chic XVIe arrondissement de Paris, à la fête des 40 ans de la «Glorieuse Révolution du 1er septembre», qui avait vu Mouammar Kadhafi renverser la monarchie et proclamer la “République”, en 1969, à l'âge de 27 ans.

Ce jour-là, Patrick Ollier est venu serrer des mains, tout naturellement, devant un portrait du Guide suprême tout habillé de vert. A part Patrick Ollier, quel autre politique français pouvait se laisser ainsi inviter, sans gêne, par le «Bureau populaire» de la Libye à Paris? Un ancien participant, qui l'a croisé, se souvient juste de Roland Dumas, l'ancien ministre socialiste des affaires étrangères.

Pendant quelques années, Patrick Ollier a également occupé les fonctions de vice-président de l'Association France-Libye, «instrument pour un partenariat renforcé» dans les domaines culturel, économique et scientifique, créé en 2006 notamment à la demande des Libyens, selon un ancien membre.

Au fond, le régime a fini d'être infréquentable aux yeux de Paris à l'été 2007, au lendemain de la libération des infirmières bulgares, alors détenues en Libye depuis huit ans, obtenue par la diplomatie française après l'intervention ultra médiatisée de Cécilia Sarkozy.

Patrick Ollier s'en est, à l'époque, félicité, balayant toute question sur les contreparties concédées par la France à Tripoli ou le rôle d'intermédiaire trouble joué par le Qatar. Au point qu'en octobre 2007, alors que la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conditions précises de cette libération était votée par l'ensemble des groupes politiques, Patrick Ollier, lui, séchait le débat, jugeant toute investigation inutile.

En décembre 2007, enfin, le compagnon de Michèle Alliot-Marie est apparu comme l'un des députés les plus partisans (avec son collègue Olivier Dassault), non seulement de la venue du colonel Kadhafi à Paris en voyage officiel, mais aussi de son invitation au sein même de l'Assemblée nationale, à l'hôtel de Lassay, avec tapis rouge.

Alors que nombre de députés UMP ont séché ce pince-fesses en invoquant des raisons d'agenda (tel Jean-François Copé), que certains ont déclaré le boycotter (au PS ou chez les Verts, mais aussi au Nouveau centre et à l'UMP), Patrick Ollier a déclaré ce matin-là, lors d'une réunion à huis clos du bureau du groupe UMP, d'après Le Monde: «Kadhafi n'est plus le même qu'il y a vingt ans et a soif de respectabilité. Il lit d'ailleurs Montesquieu.»

A la fin de sa visite, c'est auprès de Patrick Ollier que Mouammar Kadhafi, vexé par cet accueil chahuté en France, avait d'ailleurs choisi de se plaindre: «Pourquoi me recevez-vous comme ça?, avait pesté le colonel. Chez nous, quand on reçoit, on reçoit bien. Ou alors, il ne fallait pas me faire venir.» Patrick Ollier avait jugé indispensable de rapporter cette confidence au Monde.
http://www.mediapart.fr/journal/interna ... ficine-enq…
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

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Ilikeyourstyle
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Message non lu par Ilikeyourstyle » 27 févr. 2011, 07:19:00

Ollier, souvent dans les bons coups.  icon_mrgreen

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