http://www.sudouest.fr/2011/02/26/-327680-4583.phpSi tout s'était déroulé normalement pour elle, Danièle Tronche serait restée jusqu'au bout « un bon petit soldat communiste, le doigt sur la couture du pantalon », comme elle le dit elle-même. Employée comme secrétaire par le PCF girondin le 1er avril 1976 après avoir vécu dans une famille ouvrière de Bassens et fait ses preuves de militante, elle aurait quitté le siège de la rue Furtado à la fin 2009, à 60 ans, avec les honneurs dus à son dévouement pour la cause. Et personne, en dehors de ses proches, n'aurait entendu parler de cette retraitée vivant discrètement et modestement dans sa maison d'Izon.
« Sentiment de mépris »
Et pourtant, Danielle Tronche, après avoir hésité, s'est décidée à mettre les pieds dans le plat à un âge où on cherche plutôt la tranquillité. Tout est parti de l'évaluation de sa retraite par la Caisse d'assurance-maladie. « La Crama m'accordait 908 euros alors que j'attendais davantage. L'explication est à chercher dans le système du PCF. Les salaires que je percevais de mes employeurs faisaient l'objet d'un reversement mensuel. Le mien était déclaré au Smic mais dans les faits, je touchais davantage par le PC. Pour la caisse de retraite, ceux qui étaient enregistrés étaient insuffisants et elle a dû remonter dix-sept ans en arrière pour retrouver dans le privé des cotisations qui me soient favorables. En clair, j'ai travaillé pendant près de onze ans pour rien pour le PCF. »
Danielle Tronche a envoyé force lettres à son ancien employeur pour l'alerter de l'anomalie : « Un de mes collègues, dans le même cas, avait obtenu une compensation financière de 3 500 euros calculée sur son espérance de vie ; j'ai demandé la même chose, mais en pure perte. » D'où sa colère et sa décision, après plusieurs avertissements, de porter son cas sur la place publique « parce que j'ai le sentiment d'être méprisée ».
Salariée de la Région
Jusque-là, le contentieux pourrait ressembler à beaucoup d'autres affectant de petits employés mal rémunérés, comme l'a illustré le film « Mammuth » avec Gérard Depardieu dans le rôle du retraité. Sauf que l'histoire de cette modeste secrétaire révèle en creux des pratiques peu orthodoxes du PCF, même s'il n'en a pas l'exclusivité. Après avoir été payée pendant dix ans par le « comité de ville » (la section de Bordeaux), Danielle Tronche a été officiellement salariée d'un cabinet d'architecte pendant un an et demi, puis par le groupe communiste du Conseil général pendant neuf ans, enfin par le Conseil régional entre 1998 et 2009.
Or, jusqu'en 2001, Danielle Tronche ne quittait pas son bureau du siège du PCF rue Furtado. Y compris durant la période où elle était censée exercer la profession de secrétaire auprès des vice-présidents du Conseil régional. S'apercevant au bout de quelques mois que celle-ci ne pointait jamais, le directeur adjoint des services de la Région lui envoya un courrier lui demandant de remplir effectivement son rôle. Un certain directeur de cabinet nommé Vincent Feltesse lui fit même parvenir en 2000 un mot manuscrit. En définitive, la secrétaire fantôme fut affectée au groupe d'élus de gauche de la Région sur le budget de celui-ci, ce qui permit de régulariser (tardivement) sa situation.
La source s'est tarie
Ces bricolages multiples ont de quoi interroger. Pour sa retraite non compensée, Danielle Tronche subodore un règlement de comptes politique : « À l'époque de Robert Hue, je me suis opposée à la dérive du PCF et il y a eu des échanges très violents ; on me l'a peut-être fait payer. »
Mais son cas révèle aussi les difficultés du PCF pour rémunérer ses permanents. Confession d'un ancien membre du bureau fédéral qui tient à rester anonyme : « Longtemps, le financement du personnel n'a pas posé de problèmes car il y avait plusieurs élus qui reversaient leur salaire et des cotisations rentraient. De même, on trouvait toujours moyen de salarier fictivement des permanents dans des boîtes ou des collectivités amies. On n'est plus du tout dans cette situation aujourd'hui parce que la source s'est tarie. Le cas de Danielle Tronche, qui a bien travaillé comme secrétaire à la Fédération, est loin d'être isolé. » (1)
Non aux prud'hommes
Les bricolages existent-ils toujours ? Selon Danielle Tronche et l'ancien membre du bureau fédéral, un adhérent communiste actuellement attaché au Conseil régional est censé être payé par un groupe politique : « mais lequel puisque celui du PCF n'existe plus ? », se demandent-ils.
L'ancienne secrétaire sait que sa démarche médiatique va lui valoir beaucoup d'inimitiés, comme son ex-collègue Aurélie Boullet (alias Zoé Shepard) à laquelle elle a apporté son soutien : « J'ai pensé un moment aller aux prud'hommes mais je n'avais pas confiance car quel syndicat m'aurait défendu face au PCF ? »
Un aveu qui en dit long sur le désenchantement de cette communiste de vieille souche, toujours adhérente.
(1) Sollicité par nos soins le 23 février pour donner sa position, le Parti communiste n'avait toujours pas réagi hier.
Le PCF, ce parti à la pointe du combat pour les retraites, les ouvriers, les classes populaires et l'enculage à sec.