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Minoritaires et décriés dans les années 1990-2000, les « sécuritaires » du parti ont désormais l’oreille de la direction du PS, Martine Aubry en tête.
C’est un clin d’œil à l’histoire, une façon de refermer l’un des chapitres les plus douloureux du livre PS. Neuf ans jour pour jour après la claque du 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen éliminant ce soir-là le candidat Jospin, Manuel Valls veut tourner la page de « l’angélisme sécuritaire » qui, dit-il, prévalait alors. « A une politique de sécurité gauche et complexée doit se substituer une politique de sécurité de gauche et assumée », avance-t-il dans un ouvrage publié aux éditions du Moment, Sécurité : la gauche peut tout changer.
« Devenons le parti de la sécurité ! »
Le député de l’Essonne, pionnier en matière de vidéosurveillance à Evry, décline ses propositions : incitations financières pour attirer les fonctionnaires « les plus aguerris » dans les zones sensibles, définition de « zones de sécurité prioritaires », évaluation de l’action policière par la population, jugement « sous trois jours » des primo-délinquants, développement de centres d’éducation renforcés, augmentation de la capacité des prisons… L’ordre, dit-il, n’est pas « un gros mot ». Et de lancer à ses camarades socialistes, volontiers provocateur : « Devenons le parti de la sécurité ! »
Ce discours, minoritaire et décrié (à l’exception de Jean-Pierre Chevènement) par les caciques du PS dans les années 1990-2000, est aujourd’hui en passe de devenir majoritaire. Après quelques hésitations l’été dernier en pleine polémique sur les Roms, Martine Aubry a brisé l’omerta. La patronne du parti a consulté « la bande des sécuritaires » qui comprend, outre Manuel Valls, le maire de Dijon, François Rebsamen, les députés du Finistère, Jean-Jacques Urvoas, et de l’Essonne, Julien Dray, et le ministre de l’Intérieur de Lionel Jospin, Daniel Vaillant. « Elle m’a reçu en tête à tête dans son bureau, témoigne ce dernier, et elle a repris une de mes formules dans son discours à Créteil, en novembre : “La sécurité de demain est l’éducation d’aujourd’hui” ».
« Les esprits ont changé »
A l’issue de ce forum, Aubry a même détaillé dans un petit livre publié aux éditions Gawsewitch les propositions du PS sur la sécurité, axées sur le triptyque prévention-punition-réinsertion, et affirmé, sans rougir, que « la crédibilité avait changé de camp ». « Je ne sais pas si nous avons gagné en crédibilité, mais Nicolas Sarkozy, lui, a beaucoup perdu dans ce domaine, commente le maire de Lyon, Gérard Collomb. La droite est aujourd’hui dépassée et démunie face à la montée de la violence. Pour preuve, Claude Guéant consulte les élus de gauche ; il a demandé à réunir l’Association des maires de France et à ce que je témoigne de mon expérience à Lyon ! »
Une expérience de terrain, au plus proche des citoyens, qui a servi de déclic à la gauche. Malmené par celle-ci lorsqu’il décida d’encadrer les rave-parties (elle lui reprocha de porter atteinte aux libertés individuelles), Daniel Vaillant reconnaît que « les esprits ont changé ». « Le PS dirige nombre de collectivités locales, il y est désormais confronté au quotidien, observe-t-il. Après avoir pris la mesure du problème, il tente d’y apporter des réponses concrètes. » En écho à Valls et à Collomb, le maire du XVIIIe arrondissement de Paris appelle la gauche à « revendiquer le droit à la sécurité comme une justice sociale ». « La sécurité, martèle-t-il, est la première des libertés. »
Le PS, qui a entériné son projet pour 2012 il y a dix jours, tient compte de cette évolution des mœurs. Parmi ses trente propositions prioritaires, figure le rétablissement de la police de proximité (création de 10.000 postes), supprimée par Nicolas Sarkozy en 2002. Valls l’affirme : « Désormais, la sécurité est une priorité pour la gauche. » Reste à déterminer si la gauche est, elle, « une priorité » pour les électeurs…
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