http://lexpansion.lexpress.fr/election- ... 93358.htmlCroissance, chômage, dette: ce qui attend le futur président
Par Emilie Lévêques
Que ce soit François Hollande ou Nicolas Sarkozy, le nouveau locataire de l'Elysée héritera d'une économie en berne. Les défis qu'il devra relever.
Le futur locataire de l'Elysée, dont on connaîtra le nom dimanche 6 mai, devra affronter une conjoncture économique morose.
Des entreprises fragiles et frileuses
La France élit ce dimanche son futur président de la République. Le candidat socialiste François Hollande est favori: les derniers sondages le créditent de 52% à 54% des votes face à son rival, le président sortant Nicolas Sarkozy. Quel que soit le vainqueur des urnes, il devra affronter une conjoncture économique morose.
Une croissance molle
L'économie française a piqué du nez durant la crise (-2,3% en 2009), avant d'entamer une reprise chaotique (+1,4% en 2010 et +1,7% en 2011). Cette année, en raison du marasme économique en zone euro, la croissance va fortement décélérer. L'Insee table sur une progression du PIB nulle au premier trimestre et très faible au deuxième (+ 0,2%). Sur l'ensemble de l'année, le gouvernement prévoit une hausse du PIB de 0,7%, le FMI de +0,5% seulement. François Hollande et Nicolas Sarkozy ont bâti leur programme sur une hypothèse de croissance de 1,7% en 2013 et de 2% à compter de 2014. Le FMI est plus pessimiste: l'institution de Washington prévoit une croissance molle de 1% en 2013. Le candidat socialiste fait du retour de la croissance une priorité de son quinquennat s'il est élu. Il promet de renégocier le pacte de discipline budgétaire européen pour y ajouter un volet de croissance. Cette question fait actuellement débat en Europe.
Un chômage en hausse continue
Avec la publication fin avril du nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi fin mars, en hausse de 0,7% sur un mois et de 6,4% sur un an, l'emploi a fait un retour en force sur le devant de la scène. La situation est alarmante. La hausse est continue depuis onze mois. Certes, on observe un ralentissement (+36 200 inscrits en catégorie A au premier trimestre 2012 contre +69 700 au quatrième trimestre 2012). Mais les perspectives du marché de l'emploi restent sombres. Selon l'Insee, le chômage devrait continuer à progresser d'ici à l'été, à 10,1% de la population active contre 9,8% fin 2011. L'assurance chômage (l'Unedic) prévoit de son côté 214 000 chômeurs de plus cette année. Face à cette réalité, François Hollande et Nicolas Sarkozy proposent des solutions très différentes. Certaines sont plus efficaces que d'autres, mais aucune ne fera de miracle.
Un déficit commercial record
La France a enregistré en 2011 un déficit commercial de 70 milliards d'euros, un niveau record. La faute à la facture pétrolière, mais pas uniquement. La France n'a pas enregistré d'excédent commercial depuis 2003, ce qui soulève la question de la compétitivité des exportations tricolores. Sur le long terme, la compétitivité-prix s'est érodée. C'est l'une des faiblesses de l'appareil exportateur tricolore, mais ce n'est pas la seule. Le manque de compétitivité hors-prix - qualité des produits, adaptation à la demande locale, innovation - ainsi que le nombre réduit d'exportateurs et leur taille, en sont d'autres. Le nombre total de sociétés exportatrices, de plus de 130.000 en 2000, est tombé à 117.000 en 2011 (quatre fois moins qu'en Allemagne). La part du marché mondial capté par la France en valeur s'est ainsi fortement dégradée depuis 20 ans, passant de 6,2% en 1990 à 3,2% en 2011. 2012 ne s'annonce pas sous de meilleurs auspices: en janvier et en février, le déficit commercial s'est encore creusé.
Une inflation qui pèse sur le pouvoir d'achat
L'inflation en France a atteint 2,5% sur un an en 2011. Pour 2012, elle est attendue à 2%, voire plus si les prix du pétrole continuent de flamber et si la hausse de la TVA de 1,6 point prévue par Nicolas Sarkozy entre en vigueur. Le pouvoir d'achat, après avoir stagné en 2011, pourrait baisser. Car les négociations salariales, dans un contexte aussi difficile, ne sont pas favorables aux salariés. Selon l'Insee, le pouvoir d'achat devrait baisser de 0,6% au premier semestre. Or cela fait déjà cinq ans que les Français se serrent ma ceinture: leur pouvoir d'achat n'a en effet augmenté que de 0,64% en moyenne par ans durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, contre +1,3% entre 2001 et 2006. Les candidats à la présidentielle ne débordent pas d'idées pour relancer le pouvoir d'achat des français. Nicolas Sarkozy propose d'abaisser les cotisations sociales des salariés gagnant entre 1 et 1,2 smic, mais de supprimer en contrepartie la prime pour l'emploi, ce qui aura finalement un effet neutre. De son côté, François Hollande propose une revalorisation de 25% l'allocation de rentrée scolaire, des coups de pouce au Smic qui dépendront de l'évolution de la croissance, un encadrement des loyers et un gel des prix de l'essence.
L'investissement des entreprises a été un des moteurs de la croissance française à la fin 2011. Et il devrait encore contribuer positivement à la hausse du PIB cette année. Mais pas au point de susciter le rebond espéré pour faire repartir le croissance. D'après une étude de l'assureur-crédit Euler Hermes, seulement un quart des entreprises françaises prévoient d'augmenter leurs investissements cette année. L'investissement des entreprises devait ainsi connaître une progression timide de 0,5% en rythme annuel en 2012. La situation des PME - 80% des entreprises en France - est également inquiétante: 40% d'entre elles n'ont plus de fonds propres et 80% affichent une perte d'exploitation, selon Altarès. Dans ces conditions, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elles embauchent à bout de bras.
Une dette sous surveillance
Le déficit public s'est réduit davantage que prévu en 2011, à 5,2% du PIB en 2011, contre 5,7% initialement prévu dans la loi de finances. En 2012, il devrait être ramené à 4,5%. La France s'est en effet engagée auprès de Bruxelles à ramener son déficit public à 3% du PIB en 2013. Nicolas Sarkozy et François Hollande ont tous les deux confirmé cet objectif pendant la campagne. Mais les experts doutent de leur capacité à tailler dans les dépenses et/ou à augmenter els recettes suffisamment pour y parvenir. Quant à la dette publique, qui n'a cessé de se creuser pour franchir fin 2011 le cap des 1.700 milliards d'euros, elle ne devrait pas refluer avant 2014, après avoir atteint un pic à 89% du PIB en 2013. Pour la première fois aussi en 2012, les intérêts de la dette forment le premier poste budgétaire de l'Etat, devant l'Education nationale et la Défense. Le 13 janvier, lorsque Standard & Poor's a retiré son "triple A" à la France, une explosion des taux était redoutée. Elle n'a pas eu lieu mais demeure une épée de Damoclès.
Pas de quoi faire la fête