--> http://www.leparisien.fr/flash-actualit ... 069283.phpFinance: Ayrault propose Jouyet à la tête de la Caisse des dépôts
Publié le 28.06.2012, 11h21
Le président de l'Autorité des marchés financiers, Jean-Pierre Jouyet, devrait prochainement prendre la tête de la Caisse des dépôts (CDC), la nomination de ce proche du président François Hollande ayant été proposée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Le nom de M. Jouyet, à la tête du gendarme de la Bourse depuis 2008, revenait avec insistance depuis plusieurs semaines pour la direction générale du bras armé financier de l'Etat, que convoitait aussi l'ex-secrétaire général de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, Xavier Musca, finalement parti au Crédit Agricole.
Avant de rejoindre cette institution créée en 1816, il devra au préalable obtenir l'aval des commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que de la commission de déontologie, a souligné Matignon dans un communiqué publié mercredi.
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L'article du Parisien s'en tient à la surface mais l'article de Mediapart intitulé "Après l'affaire Pérol, l'affaire Jouyet" taille dans le gras. Extraits :
--> http://www.mediapart.fr/journal/economi ... ire-jouyetPolitiquement discutable, éthiquement choquant, cette promotion pourrait, de surcroît, être contraire aux règles du Code pénal encadrant le pantouflage, selon les informations recueillies par Mediapart auprès de plusieurs hauts magistrats spécialisés. En quelque sorte, le gouvernement de gauche pourrait s’exposer à une controverse voisine de celle que la promotion en 2009 de François Pérol, ami proche de Nicolas Sarkozy, à la tête de la banque BPCE avait déclenchée.
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La première objection est d’ordre politique. Ami intime de l’actuel chef de l’Etat et ancien directeur adjoint du cabinet de Lionel Jospin à Matignon, Jean-Pierre Jouyet a en effet trahi son camp en 2007 et rallié Nicolas Sarkozy, pour décrocher un modeste maroquin, celui de secrétaire d’Etat aux affaires européennes, avant de devenir président de l’AMF. Durant ces années, il a donc tout accompagné, et souvent justifié, de l’aventure sarkoziste, jusqu’aux sorties les plus controversées de cette nouvelle droite radicale.
Politiquement choquant, aussi, parce que Jean-Pierre Jouyet survit à l’alternance et décroche un nouveau poste, l’un des plus beaux et des plus influents de la République, pour une seule et unique raison: il est l’ami intime du nouveau président. N’aurait-il pas été dans le premier cercle de ses proches, les règles de l’alternance auraient joué et un autre grand commis de l’Etat aurait été promu, connaissant sans doute mieux que lui l’immense institution financière qu’est la CDC.
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Mais il y a sans doute plus grave que cela. Cette promotion pourrait contrevenir aux articles du Code pénal qui encadrent le pantouflage. C’est la conclusion à laquelle conduisent les témoignages recueillis par Mediapart auprès de hauts magistrats, notamment de la Cour de cassation et du Conseil d’État.
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Si le communiqué de Jean-Marc Ayrault prend soin de souligner que Jean-Pierre Jouyet devra au préalable passer devant la Commission de déontologie de la fonction publique, c’est qu’il s’agit bel et bien d’un pantouflage, au sens où l’entend le Code pénal.
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Mais le risque pour Jean-Pierre Jouyet est encore plus menaçant que cela. Et pour une raison très précise, selon l’un de ces magistrats : le directeur général du CDC est aussi le président du Fonds stratégique d’investissement (FSI) que la CDC contrôle à 51 %, les 49 % restant étant la propriété de l’État. Ce poste de président du FSI dévolu au directeur général de la CDC est expressément prévu dans le pacte d’actionnaires du FSI, liant la CDC et l’État. Or, le FSI est en droit une société anonyme. C’est donc la deuxième raison pour laquelle Jean-Pierre Jouyet devra passer devant la Commission de déontologie.
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La crise est si grave au sein de la Commission de déontologie que son président, Olivier Fouquet, devrait être bientôt remplacé. Et son successeur, qui devrait être le conseiller d’État Jacques Arrighi de Casanova, a une réputation de beaucoup plus grande inflexibilité. Le nouveau président devrait donc avoir à cœur de rendre son honneur à la Commission de déontologie.
Le gouvernement pourrait certes être tenté de prendre son temps avant de procéder à ces changements à la tête de la Commission de déontologie, pour composer avec la Commission actuelle, qui a fait la preuve de sa tolérance. Mais le gouvernement socialiste ne comprend-t-il pas que ce serait-là de mauvais calculs ? Ce sont dans ces petits stratagèmes, entre copinage et arrangements, que le Droit est abîmé et que la gauche perd son âme. Entre l’affaire Pérol et l’affaire Jouyet, il y a certes une différence notable : le premier a refusé de saisir la Commission de déontologie tandis que le second devra passer cet obstacle. Mais au plan éthique, cela change quoi ?