Qu'en pensez vous ?Chaque année, la remise des Marianne d'or aux maires les plus méritants de France fait partie du folklore. On sort les petits-fours pour récompenser ici (Saint-Bon-Courchevel, en Savoie) un investissement dans l'eau potable, là (Chaumont, en Haute-Marne) un nouvel éclairage de la ville, ou encore un circuit touristique à Bergues (Nord), ville où a été tourné Bienvenue chez les Ch'tis. La France des clochers pète la santé et fourmille d'idées. Tant mieux ! Sauf que, dès qu'on gratte un peu, la situation est bien moins rassurante. "Les provinces vampirisent l'État", dénonce un préfet de région.
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Dérapage
"Si le bloc communal surveillait ses finances, on pourrait économiser 15 milliards d'euros" : René Dosière, député divers gauche de l'Aisne, met les pieds dans le plat dans L'État au régime, son livre à paraître au Seuil. Le bloc communal, c'est l'ensemble constitué par les communes et les communautés de communes. Et ce n'est pas rien, car le gros des dépenses des collectivités (56 % sur 219 milliards en 2011) est assuré en effet par ce "bloc". Un engrenage. Lorsqu'elles mettent en commun leurs moyens (eau, propreté, équipements sportifs ou culturels), les communes ouvrent de nouveaux budgets et procèdent à de nouvelles embauches. Mais les élus oublient de réduire les dépenses et les effectifs de leurs mairies à dues proportions. Voilà pourquoi, ces dernières années, ont dérapé les dépenses de nos provinces (l'équivalent de 60 % du budget de l'État, tout de même). Elles progressent régulièrement plus vite que le PIB, ce qui crée une "poche" estimée à 30 milliards par René Dosière. Les effectifs ont explosé. Depuis 1998, les collectivités ont embauché 546 000 personnes (68 000 rien que dans les quatre dernières années, alors qu'il était déjà question de rigueur). Depuis 1998 encore, régions (+ 149 %), départements (+ 41 %), communes (+ 30 %), tout le monde s'est lâché.
Pour être juste, une partie de l'augmentation des dépenses et des effectifs est imputable à des transferts d'activités de l'État vers les provinces (éducation, équipement, services sociaux...). Mais ces transferts n'expliquent pas tout. Ainsi, pour les effectifs, si on élimine l'effet des transferts depuis 1998, ce sont 411 000 postes qui ont été créés. Les chiffres révélés par la Fondation Ifrap sur la région Ile-de-France sont à cet égard accablants. La province est passée à travers la RGPP, qui, sous l'ère Sarkozy, consistait à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Les 35 heures n'ont bien sûr rien arrangé, et le clientélisme n'est jamais très loin.
Barons insatiables
Mais cette impéritie trouve aussi son origine dans la confusion qui règne entre les différents échelons (le fameux "millefeuille"). Qui fait quoi ? Ce n'est jamais vraiment clair. Sans compter que le pouvoir est éparpillé. La France, à elle seule, compte plus de la moitié des communes (36 700) de l'Europe à 27 ! "Beaucoup trop d'entre elles n'offrent pas un niveau pertinent de décision", dit-on à l'Intérieur. Alors, on se réunit pour ne pas disparaître. Et les doublons se multiplient. René Dosière s'amuse des budgets de communication (entre 6 et 10 milliards d'euros) des collectivités pour expliquer ce qu'elles font... ou pas. Pour s'y repérer, entre les plus vertueux et les plus insouciants, peu d'outils existent. Le tableau de bord réalisé pour Le Point par Public Evaluation Systems et que nous publions ci-dessous en est un, précieux. Mais cela n'arrête pas (encore) les plus dépensiers.
"Les barons de province sont insatiables", explique un banquier. Ils ne cessent de vouloir accroître leur influence. Recherche, entreprises, universités, social, logement, formation, santé, culture... tout leur sert de pâture. À force d'insister, les régions ont même obtenu la gestion des fonds régionaux européens. Les impôts des collectivités augmentent (3,6 % du PIB en 1982, contre 6,2 % aujourd'hui). L'État, généreux, leur donne bon an mal an quelque 75 milliards d'euros, son plus gros poste de dépense.
600 000 élus locaux
La lutte des pouvoirs entre le centre et les périphéries n'est pas achevée. Dans cette mêlée, les barons ont pas mal d'atouts. Comment résister aux demandes d'un président de région ou de département à qui l'on a fait des promesses ?" Le gouvernement, explique un député, a mille raisons d'avoir mauvaise conscience à l'égard des élus locaux." Combien ont cru être ministres en juin ? Avec une gauche qui, aujourd'hui, contrôle presque toutes les régions et nombre de départements et communes, barons et baronnets de province campent sur de solides positions. Ils se battent, ces jours-ci, pour jouer un rôle dans la future banque publique des PME. Et veulent créer une agence de financement des collectivités qui viendrait relayer les banques, comme Dexia qui hésite à leur prêter. Des ambitions sans mesure.
"Si insensé que cela puisse paraître, dit notre préfet, un président de conseil régional a contesté mon pouvoir sous prétexte que je n'étais pas un représentant du suffrage universel." Les barons de gauche ont déjà obtenu la suppression du conseiller territorial, qui devait cumuler les fonctions de conseiller régional et de conseiller général. Une manière, pour le précédent président, d'amorcer une fusion entre département et région. Raté ! On verra ça plus tard, même si ça urge. La France - record mondial - possède plus de 600 000 élus locaux qui s'accrochent à leurs postes.
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A plus tard,