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Accès à l’emploi : les effets de composition de la population n’expliquent pas tout
Déterminants locaux du chômage, difficultés d’accès et de retour à l’emploi… Laurent Gobillon, économiste et chercheur, responsable de l’unité « démographie économique » de l’Institut national d’études démographiques (l’INED), spécialisé dans la question de l’emploi et récemment nominé pour le prix du meilleur jeune économiste de France 2013, détaille pour la Gazette le résultat de ses recherches.
Dans votre étude sur les déterminants locaux du chômage en région Parisienne (parue en 2007) vous énoncez plusieurs causes aux difficultés actuelles de l’emploi. Quelles sont-elles ? Sont-elles les mêmes aujourd’hui ?
On peut distinguer deux raisons pour lesquelles les habitants de certaines banlieues ont des difficultés d’accès à l’emploi : des effets de composition de la population et des déterminants locaux, aussi appelés les effets locaux.
Les effets de composition de la population résultent de l’inégale répartition de la population sur le territoire selon des caractéristiques individuelles comme le diplôme. Autrement dit, le regroupement de personnes peu diplômées dans certaines zones, et les personnes diplômées dans d’autres zones, explique les disparités spatiales d’accès et de retour à l’emploi.
Selon une étude menée entre 1996 et 2003, les effets de composition de la population n’expliquent que 30% des disparités spatiales de retour à l’emploi tandis que 70% de ces disparités sont dues à des effets locaux !
Dans ces causes vous insistez sur l’impact des effets locaux. Qu’est-ce que ce terme désigne exactement ?
On distingue deux catégories à l’intérieur des effets locaux : les effets liés à la ségrégation résidentielle et les problèmes d’accès physique à l’emploi.
Les effets de ségrégation regroupent trois phénomènes majeurs : les problèmes de réseaux, les effets de pairs et la discrimination territoriale. Les problèmes de réseaux et les effets de pairs désignent les problèmes liés à l’entourage : les chômeurs sont généralement entourés de personnes mal connectées au monde du travail et qui ont peu d’informations concernant les opportunités d’emploi. De même, les effets de pairs sont dus à des personnes ayant eu du mal à s’insérer sur le marché du travail. Ces personnes en conservent une vision relativement négative qu’ils vont transmettre aux jeunes en âge d’arriver dans le monde du travail, les décourageant de faire des efforts d’insertion.
Enfin la discrimination territoriale, aussi appelée « délit de sale adresse », va se traduire par une stigmatisation des populations résidant en banlieue ainsi que des a priori de la part des employeurs.
Et pour les problèmes d’accès physique à l’emploi ?
Ils se concrétisent par une distance importante entre le domicile et les opportunités d’emploi, ou encore des déplacements domicile-travail importants en cas d’embauche. De ces problèmes d’accès physique à l’emploi découlent deux effets majeurs.
D’une part, il y a un problème d’information, celle-ci étant plus difficile à obtenir (coût des transports pour les recherches, temps consacré…) lorsque les opportunités d’emploi sont éloignées.
D’autre part, même si un individu peut passer outre les problèmes d’information et recevoir une offre d’emploi, le coût des transports (titre de transports en commun ou essence, temps passé en déplacements) peut le décourager d’accepter l’offre et il préfèrera rester au chômage et chercher un autre emploi.