Le calvaire exemplaire d’un transporteur routier
Charges sociales qui explosent, vols d’essence impunis, faillite de Mory Ducros… Un patron franc-comtois livre ses malheurs résumant à merveille les difficultés des transporteurs français.
La Société Nouvelle des Transports Franc-Comtois a notamment vu ses charges s'envoler avec la fin des exonérations des charges patronales sur les heures supplémentaires. (DR)
Fin 2012, Laurent Girard, le patron d’une société de transport routier, retrouvait le sourire. Sorti d’une liquidation judiciaire en 2009, il ne s’était pas laissé abattre et avait fondé une entreprise au nom porteur de renouveau: la Société Nouvelle des Transports Franc-Comtois (SNTFC).
La conjoncture était rude, les obstacles nombreux, –notamment la défiance des banques, très réticentes à faire crédit à un chef d’entreprise passé par la case "liquidation", mais il se battait et voyait enfin le bout du tunnel. Avec l’aide de la Médiation du crédit, il avait pu obtenir des lignes de trésorerie. Son chiffre d’affaires, en forte croissance, dépassait les 2 millions d’euros. En deux ans, il avait réembauché 35 salariés.
Un an plus tard, c’est un chef d’entreprise totalement découragé qui s’adresse à Challenges. "Je ne souhaite qu’une chose, c’est ce que ça s’arrête. Je vais partir de France et essayer autre chose ailleurs", lance-t-il sombrement.
Car cet entrepreneur essuie depuis un an une incroyable série de difficultés. D’abord, il y a eu l’effet de l’augmentation du prix du fuel. Un surcoût de 11% en trois ans, qui entame fortement la marge des transporteurs routiers. "Avant cela, le fuel représentait 9% de mes dépenses. Aujourd’hui, il pèse 22%", a calculé Laurent Girard. Et bing.
Les réservoirs de ses camions siphonnés par des routiers roumains
Ensuite, le gouvernement a annoncé la fin de l’exonération des charges patronales sur les heures supplémentaires. Les 35 heures s’appliquent mal au transport routier, où les employeurs, pour "faire du chiffre", sont contraints de d’augmenter les charges de travail. "En moyenne, un chauffeur tourne à 200 heures par mois", explique l’entrepreneur.
Pour son entreprise, l’ardoise est très lourde: à compter de septembre dernier, date d’entrée en vigueur de cette décision, ses charges Urssaf ont doublé passant de 17.000 à 36.000 euros par mois, pour un même nombre de salariés. Et bang.
Troisième coup dur: les vols d’essence. "Des chauffeurs immatriculés en Roumanie, cassent les bouchons et siphonnent les réservoirs de mes camions avec des pompes électriques", raconte le chef d’entreprise. "Les caméras de surveillance installées à proximité de mes entrepôts ont filmé régulièrement ces scènes, mais la gendarmerie française ne peut agir car elle n’a pas accès au fichier des immatriculations roumaines". Et pif.
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