La loi de Say fonctionne t-elle ?

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El Fredo
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La loi de Say fonctionne t-elle ?

Message non lu par El Fredo » 16 sept. 2014, 16:43:19

Albedo a écrit :De manière très simple, c'est l'application de la loi des débouchés (ou loi de Say), une politique de l'offre essentiellement qui considère que le produit crée son propre débouché sans plus rentrer dans le détail.

Après, concernant le 1% du PIB et le 100.000 emplois, c'est effectivement une grosse fumisterie et une estimation au doigt mouillé qui n'engage que ceux qui la croit et c'est un libéral qui te dit ça! (je n'apprécie pas particulièrement le Medef et son utilitarisme pro-PIB)

La question est bonne concernant le tourisme et absolument personne ne peut savoir si, à la fin, la mesure sera positive. Disons que le tourisme ne concerne pas trop le MEDEF alors les effets de bords, ils s'en fichent un peu.
Soit dit en passant, la loi de Say ne fonctionne pas.
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Albedo
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Albedo » 16 sept. 2014, 16:54:34

Si tu fais référence à la réfutation par Keynes dans la théorie générale, tu tapes à coté ou alors on a pas la même version de la loi ^^

La loi de Say est presque tautologique, elle est parfaitement valide et "fonctionne" pour reprendre ton terme et il faut la remettre dans son contexte (1803 - Traité d'économie) pour mieux la comprendre. Elle affirme seulement que des produits s'échangent contre d'autres produits et que l'argent n'est qu'un intermédiaire et, qu'en soit, une augmentation de la production générale (et pas partielle, il peut y avoir surproduction partielle) n'est pas un facteur de crise économique alors que dans cette période, c'est l'hypothèse de la surproduction qui prime pour expliquer les crises.

Bref, les producteurs sont aussi des consommateurs et les activités sont entrelacées ce qui fait qu'une baisse de production d'un certain coté peut impacter d'autres domaines. C'est tout ce que dit la loi de Say et c'est parfaitement valide.
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par El Fredo » 16 sept. 2014, 17:36:26

Non ça va un peu plus loin que ça, la raison pour laquelle on peut se permettre d'affirmer qu'elle ne fonctionne pas est que ses prédictions sont en contradiction avec l'observation dans le cas des trappes à liquidité (c.a.d en ce moment). C'était d'ailleurs le fondement de la critique keynésienne.
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Albedo » 16 sept. 2014, 18:23:45

Absolument rien à voir avec la trappe à liquidités qui est le phénomène, dans le cas où le taux d'intérêt est déjà au minimum ou presque, où les investisseurs préfèrent garder de la monnaie sous la forme la plus liquide possible avec des placements "liquides" et "sures" comme des obligations d'états en période d'incertitude ou de spéculation plutôt que d'investir dans l'économie la monnaie de la banque centrale. C'est ce que Krugman a repris pour expliquer la crise du Japon en 1990 et sa décennie perdue. Les entreprises et les projets risqués sont donc à court d'investissement. D'où la nécessité de la dépense publique et avec pour résultat d'accroitre les déficits publiques.

--

Et quelle sont donc les prédictions de la loi de Say? La loi de Say rend compte d'un phénomène économique de base, elle n'a pas vocation à proposer une solution politique. A mon avis, on n'est pas sur la même longueur d'ondes du tout, ou tu lui fait dire ce qu'elle ne dit pas.

1. Dans la théorie générale, Keynes ne prend pas la peine d'utiliser comme référence le "traité d'économie" de Say, mais la version reformulée par Mill (Principles of Political Economy). Cette citation est hors du contexte du bouquin de Mill, plusieurs auteurs ont également fait part de ce biais dans la partie de Keynes consacrée à cette loi (Emil Korner, B. M. Anderson, Patinkin) sur le fait qu'il n'ait pas cité un passage juste avant, qui éclaire la phrase différemment.

2. Par ailleurs, dans "Commerce Defended", le même Mill reformule et explicite la loi de Say d'une bien meilleure manière que dans le texte original. Je pense que Keynes n'avait pas connaissance de ce bouquin non plus. En ce sens, je pense que la critique est de Keynes est honnête mais qu'il n'a pas saisi le sens de la "law of market" qui l'autre nom de la loi de Say.

3. La loi de Say, énoncée par lui même, est la suivante : "les produits s'échangent contre des produits" ou en anglais "One can only buy with what one has produced," ce qui donne déjà une meilleure compréhension du phénomène et Say précise par la suite qu'il considère l'épargne et les revenus du salaires comme des produits, l'argent étant un intermédiaire. Ce qui est précisé par la suite "Le produit constitue le moyen d'en acheter un autre". Il poursuit ensuite "Ce produit crée offre, à cet instant (l'italique est de Say lui même), un marché pour d'autres produit à hauteur de sa valeur". Ce qui signifie que la création d'un produit constitue un débouché pour d'autres produits. Et c'est tout.

4. Je me permets de citer la reformulation de Mill (1808) qui est aussi très claire. "The production of commodities . . . is the one and universal cause which creates a market for the commodities produced." "The collective means of payment of the whole nation . . . consist in its annual produce." "A nation's power of purchasing is exactly measured by its annual produce." "The one part of (the annual produce) is employed in purchasing the other."

5. Au final (je ne vais pas refaire tout le traité d'économie), une baisse de la production dans une domaine (peu importe la raison) peut réduire les débouchés d'autres produits.

6. A aucun moment Say ne dit que la seule raison d'une dépression économique est un problème de production, il rend compte d'un phénomène et de son impact sur le marché

7. La loi de Say est valide, elle représente un mécanisme de base de l'économie.

8. La tentative la plus sérieuse de réfutation de la loi de Say est ce que Keynes appelle "The unemployement equilibrium thesis". Keynes a essentiellement 3 thèses que je résume en anglais, (a) in "excess" aggregate supply (surproduction) (b) in "deficient" aggregate demand (crise de la demande) (c) in aggregate demand somehow not being "effective." (problème de demande). Ce qui apparaissait en 1940 et après comme la réfutation de la loi de Say n'est plus défendu actuellement par les keynésiens eux-même après des critiques de Haberler, McCord Wright, Modigliani et Patinkin pour ne citer que les "amis".
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Jeff Van Planet » 16 sept. 2014, 19:05:11

El Fredo » 16 Sep 2014, 17:36:26 a écrit :Non ça va un peu plus loin que ça, la raison pour laquelle on peut se permettre d'affirmer qu'elle ne fonctionne pas est que ses prédictions sont en contradiction avec l'observation dans le cas des trappes à liquidité (c.a.d en ce moment). C'était d'ailleurs le fondement de la critique keynésienne.
8 Pages intéressantes qui disent le contraire http://www.institutcoppet.org/wp-conten ... -K-say.pdf
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par El Fredo » 16 sept. 2014, 20:46:04

Les élucubrations de la secte autrichienne ne m'intéressent pas (un corpus théorique basé sur un postulat invérifiable et des raisonnements circulaires est une pseudo-science).

Pour le reste, qu'est-ce que j'entends par prédiction ? Simple : toute théorie scientifique émet des prédictions qui doivent être confrontées à l'observation, sinon ce n'est pas une théorie scientifique (condition de réfutabilité). C'est la définition même d'une théorie. Une "théorie" non réfutable n'est pas une théorie. La "loi" de Say n'échappe pas à la règle (et je ne parle pas de sa formulation quelle qu'elle soit mais de sa base théorique). Donc elle émet des prédictions qui doivent être réfutables par l'observation. Et il se trouve que nous sommes en plein milieu d'une expérimentation économique à grande échelle, qu'en termes profanes on appelle "crise", où toutes les prédictions keynésiennes sur la trappe à liquidité sont vérifiées par l'observation, où aucune de ces prédictions n'est réfutée (conditions sine qua non pour qu'une théorie soit valide), et comme trappe à liquidités et "loi" de Say sont mutuellement exclusives, je vous laisse en tirer les conséquences théoriques.

Il y a une autre observation sur laquelle la loi de Say échoue, c'est sur la source structurelle du chômage. Si le chômage était principalement dû à l'inadéquation des qualifications des demandeurs d'emploi, alors on devrait voir le taux de chômage augmenter beaucoup plus sur les secteurs en question que sur ceux bénéficiant de main d'oeuvre qualifiée. Or le chômage augmente sur la période à peu près en proportions égales dans tous les secteurs. Donc le chômage n'est pas structurel mais conjoncturel.

Etc, etc.

Si la loi de Say dit juste alors la stimulation fiscale ou monétaire n'a aucun effet sur la demande. Si au contraire elle est fausse alors la stimulation fiscale ou monétaire a un effet sur la demande, et il est criminel de refuser d'utiliser ces outils. Donc on n'est pas en pleine masturbation intellectuelle entre économistes mais au cœur d'un débat essentiel pour le traitement de la crise actuelle, avec des vrais chômeurs derrière.


Bref, stimuler l'offre comme l'exige le MEDEF n'aura aucun effet ni sur le chômage ni sur le PIB. Je sais bien que les aspects théoriques de ce genre de questions sont séduisants, mais à un moment donné il faut confronter une théorie à l'observation, c'est la raison d'être de la science. Une théorie qu'on ne confronte jamais à l'observation n'a aucune valeur pratique.
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Albedo » 17 sept. 2014, 10:46:08

@El Fredo

Juste, mon dernier message sur le hors-sujet concernant la loi de Say car je ne cherche ni à convaincre, ni à être convaincu. J'ai relu les messages avec l'esprit frais ce matin et je crois que tout est un grand quiproquo sur ce qu'est la loi de Say et ce que (peut-être) tu penses que je cherche à démontrer.

- J'ai dit que la politique que l'on appelle "de l'offre" est basée sur un encouragement de la production d'où la proposition de supprimer 2 jours fériés. La logique sous-jacente étant la loi de Say qui constate qu'un produit crée son propre débouché (revoir mes explications au dessus) et qu'une cause de la dépression (baisse des échanges) dans un secteur peut-être causée par un manque de débouchés. Je ne défend ni le MEDEF ni la politique de l'offre dans ce message, je renseigne seulement Adeline sur le background de la politique de l'offre. A aucun moment, je ne dis que la politique de l'offre est la solution à toutes les crises ou à celle là.

- Tu dit que la loi de Say n'est pas valide car (je pense) tu es opposé à la politique de l'offre car pour toi, ce n'est pas la solution

- Je recadre les hypothèses de la loi de Say en disant, qu'en elle même, elle est un constat d'un phénomène économique bien connu qui est que la création d'un produit crée, à cet instant, un débouché supplémentaire pour un autre produit à hauteur de sa valeur. Une baisse de la production peut donc supprimer des débouchés pour les autres produits car il y a tout simplement moins à échanger . A aucun moment dans son traité Say ne dit que la seule solution à une crise est d'augmenter la production, il a bien conscience des phénomènes de demande et de thésaurisation ainsi que des mauvaises anticipations des entrepreneurs sur la demande, des raréfications de matières premières, etc...Le contexte de cette constatation par Say est sa correspondance avec Malthus (avec Sismondi, autre opposant, Ricardo accepte la loi des débouchées) sur la stagnation économique qui, pour ce dernier, est causé par un trop plein de production générale.

- Je connais la théorie générale de Keynes, je l'ai lu ainsi que des commentaires. Keynes battit sa thèse suite à la crise de 1929 en partie autour d'une "réfutation" de la loi de Say d'après, non pas le traité économique, mais sur une citation de Mill ainsi que la correspondance entre Malthus et Ricardo en caricaturant sa loi par "l'offre crée sa demande". Dans ce que pose Keynes comme étant la loi de Say, il pense que les dépenses (investissement monétaires) de production permettre d'accroitre l'offre (volume de produit) et de permettre d'acheter (monétaire) grâce à la demande, ce qui est évidemment incorrect mais tel n'est pas le concept de la loi de Say qui axé sur (produit) <-> (monnaie) <-> (produit). Say, et les économistes l'ayant commenté jusqu'au début XX n'ignore pas les problèmes de crises et de chômage de baisse de la demande. Ce que la loi de Say nous apprend sur les crises, c'est qu'une baisse de la production dans un domaine (peu importe la cause: douanes, catastrophe, mauvais investissements) peut affecter des autres domaines en réduisant ses débouchés ainsi, de proche en proche, on peut avoir une baisse de la production et des échanges entre certains domaines (pas tous)

- Je partage complètement ton épistémologie qui est rationnelle critique (Problème -> Théorie à Tester -> Essai expérimental) et permet, par une approche finalement évolutioniste, d'élimer les mauvaises hypothèses au profit de celle qui semble la plus vraisemblable

- Je suis également d'accord que l'effet de trappe à liquidité est vérifié par le gonflement, à intérêt bas, des produits financiers les moins risqués (dettes souveraines par exemple). Par contre, c'est un faute de logique totale d'affirmer que si la trappe à la liquidités (pour faire court) est vérifiée alors la loi de Say est fausse. Ou alors, il te faut prouver que la théorie générale de Keynes et l'exact opposé, point par point, de la loi de Say. C'est plus compliqué que blanc/noir. Autant dire que comme la théorie de l'évolution semble la plus valide actuellement, alors la loi de la gravitation qui est mutuellement exclusive est fausse. Elle ne parle pas des mêmes choses du tout et il manque un bout dans la raisonnement. Les économistes keynésiens cité plus haut n'accepte pas l'hypothèse selon laquelle la loi de Say est réfuté par la théorie générale de Keynes

- Je trouve dommage après avoir exposé le rationalisme critique de faire des erreurs ensuite sur les conclusions. Tout ce que tu montre, c'est que tes hypothèses à toi sur les conséquences la loi de Say sont fausses, ce qui est exact car la loi de Say est plus limitée et simple que tu ne le penses et ne s'aventure pas à proposer une solution de résolution de crise. Comme toute hypothèse, elle a un cadre et c'est toi qui cherche à l'étendre A aucun moment dans le traité d'économie Say nie le problème du chômage sur les crises, Say ne parle pas non plus de la stimulation monétaire Je distingue la loi de Say et les politiques de l'offre tout comme la théorie générale de Keynes et les QE.

- La remarque sur l'école autrichienne ne sert en rien ta démonstration que tes propres hypothèses sur la loi de Say sont fausses, au contraire elle révèle une croyance par le rejet d'une autre théorie. D'autant plus que si tu es utilises le rationalisme critique alors tu sais bien que le postulat n'importe que peu dans la progression des théories car ce qui compte sont les idées (les hypothèses) et les tentatives de réfutations par l'expérience et l'observation. Il ne faut pas confondre le rationalisme critique avec les épistémologies dérivées du cartésianismes (ou rationalisme naïf ou rationalisme constructiviste) pour qui, effectivement, le postulat de base est le plus important et le reste une construction logique sur cette seule fondation considérée comme vraie, sinon la pyramide s'écroule. Personne dans les sciences physiques et la recherche appliquée n'utilise le rationalisme "naif" ou le "cartésianisme" pour valider des hypothèses mais le rationalisme critique basé sur la réfutation d'hypothèse.
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par El Fredo » 17 sept. 2014, 14:16:41

Pour ce qui est de la contradiction entre loi de Say et trappe à liquidité, ce n'est pas moi qui l'affirme mais tous les économistes qui ont étudié la question, donc je me contente de reprendre leur conclusion sans prétendre vouloir la redémontrer. Je veux bien admettre une légère faille logique dans mon commentaire, car la non falsification par l'observation de la trappe à liquidités n'implique pas directement la falsification de la loi de Say, seulement il se trouve que d'autres observations invalident la loi de Say, donc tu voudras bien me pardonner ce raccourci logique que je ne me serais jamais permis sans cela et qui s'apparente plus à l'application du rasoir d'Occam qu'autre chose :)

Pour ce qui concerne la portée de la loi de Say telle qu'il la énoncée à l'époque, c'est bien gentil de vouloir restreindre l'examen de cette loi à son expression initiale, sauf que comme toute théorie elle a des implications, et si ces implications s'avèrent fausse alors la théorie l'est également. Tu parles par exemple du chômage, absent des discours de Say, là encore ce n'est pas moi qui ait établi ce corollaire mais des économistes sérieux. Sinon ce serait comme vouloir restreindre la théorie newtonienne de l'attraction universelle à son contexte de l'époque et refuser d'admettre qu'elle ne s'applique que dans des cas bien précis et s'avère fausse dans le cas général, comme l'a montré Einstein avec sa théorie de la relativité. On peut affirmer de même pour la loi de Say, qui ne s'avère exacte que dans des cas bien précis (équilibre général etc.), sauf que contrairement à la physique newtonienne qui est une approximation dont l'application quotidienne s'avère très utile, la loi de Say ne s'applique que dans des situations économiques très improbables, on le constate tous les jours. Son intérêt pratique est donc assez discutable voire carrément dangereux.

Pour ce qui est de ma remarque un peu acerbe sur l'école autrichienne, elle s'adressait à Jeff et non à toi, car Jeff a un peu trop tendance à balancer des affirmations définitives en provenance directe de cette école de pensée qui ne s'est jamais distingué par son esprit critique ou sa rigueur scientifique. Mais je ne lance pas cette affirmation sans rien pour l'étayer. D'abord, mea culpa pour "postulat", je voulais dire "axiome", ce n'est pas exactement la même chose (J'avais bu. Désolé). Je parle bien entendu de la praxéologie, qui constitue la base "théorique" infalsifiable de la pensée autrichienne. Pour le reste je préfère laisser la parole à Noah Smith qui en parlera certainement mieux que moi et avec beaucoup d'humour :

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Ça ne veut bien évidemment pas dire que tout ce qui sort du cerveau des Autrichiens est forcément faux, mais qu'il ne faut pas prendre leurs affirmations définitives pour argent comptant vu qu'elles sont déduites à partir d'un axiome sans valeur scientifique. Pour qu'on puisse en tenir compte il faudrait les reformuler sur des bases théoriques plus solides, ce qui permettrait de les confronter à l'observation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui vu qu'étant soi-disant obtenues par pure déduction logique à partir de l'axiome fondamental, elle sont inattaquables et infalsifiables par construction. Ce n'est pas moi qui l'affirme mais le grand L. von M. himself :

http://mises.org/humanaction/chap2sec1.asp
Praxeology is a theoretical and systematic, not a historical, science. Its scope is human action as such, irrespective of all environmental, accidental, and individual circumstances of the concrete acts. Its cognition is purely formal and general without reference to the material content and the particular features of the actual case. It aims at knowledge valid for all instances in which the conditions exactly correspond to those implied in its assumptions and inferences. Its statements and propositions are not derived from experience. They are, like those of logic and mathematics, a priori. They are not subject to verification or falsification on the ground of experience and facts.
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Albedo » 17 sept. 2014, 16:14:42

El Fredo » 17 Sep 2014, 14:16:41 a écrit :Pour ce qui est de la contradiction entre loi de Say et trappe à liquidité, ce n'est pas moi qui l'affirme mais tous les économistes qui ont étudié la question, donc je me contente de reprendre leur conclusion sans prétendre vouloir la redémontrer. Je veux bien admettre une légère faille logique dans mon commentaire, car la non falsification par l'observation de la trappe à liquidités n'implique pas directement la falsification de la loi de Say, seulement il se trouve que d'autres observations invalident la loi de Say, donc tu voudras bien me pardonner ce raccourci logique que je ne me serais jamais permis sans cela et qui s'apparente plus à l'application du rasoir d'Occam qu'autre chose :)
D'accord, je comprends et tu es tout pardonné!
El Fredo » 17 Sep 2014, 14:16:41 a écrit :Pour ce qui concerne la portée de la loi de Say telle qu'il la énoncée à l'époque, c'est bien gentil de vouloir restreindre l'examen de cette loi à son expression initiale, sauf que comme toute théorie elle a des implications, et si ces implications s'avèrent fausse alors la théorie l'est également. Tu parles par exemple du chômage, absent des discours de Say, là encore ce n'est pas moi qui ait établi ce corollaire mais des économistes sérieux. Sinon ce serait comme vouloir restreindre la théorie newtonienne de l'attraction universelle à son contexte de l'époque et refuser d'admettre qu'elle ne s'applique que dans des cas bien précis et s'avère fausse dans le cas général, comme l'a montré Einstein avec sa théorie de la relativité. On peut affirmer de même pour la loi de Say, qui ne s'avère exacte que dans des cas bien précis (équilibre général etc.), sauf que contrairement à la physique newtonienne qui est une approximation dont l'application quotidienne s'avère très utile, la loi de Say ne s'applique que dans des situations économiques très improbables, on le constate tous les jours. Son intérêt pratique est donc assez discutable voire carrément dangereux.
Mais justement, bien sur que dans le schéma du rationalisme critique tu as Problème1 -> Thèse à l'essai 1 -> Expérimentation/Observation 1 -> Non réfutation? / Alors Problème 2 -> Thèse à l'essai 2 -> Expérimentation Observation 2, je suis d'accord avec ça du point de vue épistémologique et le but est d'aller vers des théories avec le plus grand pouvoir explicatif possible et qui ne soit pas réfutée par l'expérience ou l'observation.

Ce que j'essaye de dire, peut-être maladroitement, c'est que la loi de Say tient plus du simple constat d'un mécanisme économique, de l'observation d'une relation entre la production et le nombre de débouchés offerts que d'une politique économique comme la politique de l'offre qui elle a un dessein, une fin identifiée qui est de "résoudre la crise". La loi de Say n'a pas vocation à résoudre une crise du tout c'est en ça que je dit que tu lui prêtes plus qu'elle ne suppose réellement, je ne sais pas si je suis clair? Q

Say, dans son traité, considère qu'une crise économique peut-être causée par différents facteurs et lui même ne prône pas une politique économique en particulier dans le traité d'économique, il pointe un mécanisme, une observation qui dit en réponse à la croyance répandue à l'époque que les dépressions étaient causées par une surproduction générale (Malthus, voir les correspondance pour l'ensemble de l'argument). Le but de la loi des débouchés est de montrer qu'une crise de surproduction générale n'est pas possible car les produits s'échangent contre les produits. Say note, Mill aussi, qu'il peut y avoir une crise de surproduction partielle si la demande n'est pas là, mauvaises prévisions des entreprises ou autres. Donc, si je devais réellement qualifier la loi de Say, ça ne serait pas forcément comme une théorie économique mais comme une observation quasiment tautologique qui invalide l'hypothèse de la crise économique à cause de surproduction générale.

J'ai cherché sur google un article typique de la pensée mainstream de l'hypothèse qui est prise sur la loi de Say et qui conduit à des malentendus

La loi de Jean-Baptiste Say (1767-1832), qui postule que l'offre trouve toujours la demande nécessaire, repose sur l'idée que les entreprises distribuent les revenus permettant d'acheter la production. Or, une partie des revenus est thésaurisée, si bien que la loi de Say est erronée.
http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html

L'auteur ici prend des largeurs avec la loi de Say et ce qu'il dit est factuellement faux, c'est écrit noir sur blanc dans le traité d'économie. Non, Say ne dit pas que les entreprises distribuent les revenus nécessaires pour acheter la production suivant la simplification "l'offre crée sa propre demande". Cet économiste est à coté de la plaque sur sa critique de la loi de Say.

Après, les hypothèses (développer la production va résoudre la crise) suivant cette observation peuvent ne pas être correctes et adaptées à la situation. Entendons nous bien, la validité de la politique de l'offre est une tout autre histoire et je suis tout à fait prêt à en discuter tout comme la validité de la trappe à liquidité de Keynes que je reconnais parfaitement plus haut.

Pour le parallèle avec Galillé/Kepler -> Newton -> Einstein je ne sais pas si la comparaison tient. On ne peut pas déduire la mécanique newtonienne des lois de Galilée et de Kepler. Par contre, les phénomènes décrits par Galilée et Kepler sont inclus dans la mécanique newtonienne. De la même manière, on ne peut pas déduire la mécanique relativiste de la mécanique newtonienne, il faut aussi une hypothèse supplémentaire mais la théorie de la relativité explique les phénomènes de la théorie réfutée et plus. Entre la loi de Say et la trappe à liquidité, on a à faire à deux mécanismes, à deux observations dans l'économie qui servent à bâtir des politiques économiques basées sur l'offre et/ou la demande. Que les théories soient opposées, je veux bien en convenir mais qu'un phénomène "produits s'échangent contre des produits" invalide un autre phénomène "trappe à liquidité", je ne comprends pas.

El Fredo » 17 Sep 2014, 14:16:41 a écrit :Pour ce qui est de ma remarque un peu acerbe sur l'école autrichienne, elle s'adressait à Jeff et non à toi, car Jeff a un peu trop tendance à balancer des affirmations définitives en provenance directe de cette école de pensée qui ne s'est jamais distingué par son esprit critique ou sa rigueur scientifique. Mais je ne lance pas cette affirmation sans rien pour l'étayer. D'abord, mea culpa pour "postulat", je voulais dire "axiome", ce n'est pas exactement la même chose (J'avais bu. Désolé). Je parle bien entendu de la praxéologie, qui constitue la base "théorique" infalsifiable de la pensée autrichienne. Pour le reste je préfère laisser la parole à Noah Smith qui en parlera certainement mieux que moi et avec beaucoup d'humour :

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D'accord, pas de soucis pour postulat et axiome, on s'est compris ^^.

El Fredo » 17 Sep 2014, 14:16:41 a écrit :Ça ne veut bien évidemment pas dire que tout ce qui sort du cerveau des Autrichiens est forcément faux, mais qu'il ne faut pas prendre leurs affirmations définitives pour argent comptant vu qu'elles sont déduites à partir d'un axiome sans valeur scientifique. Pour qu'on puisse en tenir compte il faudrait les reformuler sur des bases théoriques plus solides, ce qui permettrait de les confronter à l'observation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui vu qu'étant soi-disant obtenues par pure déduction logique à partir de l'axiome fondamental, elle sont inattaquables et infalsifiables par construction. Ce n'est pas moi qui l'affirme mais le grand L. von M. himself :

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Praxeology is a theoretical and systematic, not a historical, science. Its scope is human action as such, irrespective of all environmental, accidental, and individual circumstances of the concrete acts. Its cognition is purely formal and general without reference to the material content and the particular features of the actual case. It aims at knowledge valid for all instances in which the conditions exactly correspond to those implied in its assumptions and inferences. Its statements and propositions are not derived from experience. They are, like those of logic and mathematics, a priori. They are not subject to verification or falsification on the ground of experience and facts.

Ludwig von Mises, Human Action, Ch. 2


Le passage que tu cites, tiré du livre phare de LvM, me semble plutôt être révélateur d'une certaine honnêteté intellectuelle non? C'est dans le chapitre qui est nommé ( "épistémologie et praxéologie" dans lequel il replace sa "discipline" dans le cadre épistémologique. Il dit bien que cet axiome de base est une croyance (ni vérifiable ni réfutable) et qu'ensuite il déroule son raisonnement dans un cadre purement théorique. Car il ne conteste pas la méthode d'acquisition des connaissance par expérience mais conteste l'utilisation de l'expérience pour juger les discipline comme la logique, les mathématiques et la praxéologie.

Je cite le chapitre 2.2, page 32. LvM fait bien la différence entre le rationalisme critique pour les sciences naturelles et le le rationalisme "cartésien" qui part d'un axiome supposé vrai. En soit, la praxéologie (dans l'action humaine en tout cas) est la discipline théorique de l'étude de l'action humaine sous l'angle des choix et des préférences et, LvM insiste beaucoup sur cet aspect, qui ne doit concerne que l'action et est distincte de la morale.

The modern natural sciences owe their success to the method of observation and experiment. There is no doubt that empiricism and pragmatism right as far as they merely describe the procedures of the natural sciences. But it is no less certain that they are entirelv wrong in their endeavors to reject any kind of a priori knowledge and to characterize lopic, mathematics, and praxeology as empirical and experimental disciplines.

Par la suite, LvM divague un peu sur la connaissance a priori, l'évolution de la raison humaine et d'autres choses. En quelques lignes, je vais essayer de préciser ces axiomes (3) et caractéristiques de l'actions (2)

Puis, les deux caractéristiques que fait LvM concernent le caractère de l'action, objet de l'étude de la praxéologie. La premiere concerne le fait que l'action soit consciente au sens de volontaire et intentionelle, l'action "réflexe" est considérée comme subie par le sujet. La deuxième est en relation avec l'efficacité attendue, projetée mentalement de l'action permettant de choisir, d'écarter et de sélectionner l'action qui semble la mieux appropriée pour atteindre le but, c'est mobiliser des moyens pour arriver à une fin attendue.

Ces deux caractéristiques requiert 3 présupposés/axiomes que l'on peut appeler les 3 consciences: i) l'homme n'est pas parfaitement et complètement satisfait de son sort, c'est ce qui le pousse à agir pour combler un manque, il a conscience d'un problème. ii) L'imagination et l'anticipation d'une situation jugée meilleure après une action, il a conscience qu'il peut exister une situation meilleur. iii) Les conséquences de ses actions sur le réel, la conscience du pouvoir de ses capacités.

C'est ce qui fait que l'homme est rationnel (au sens d'utilisation de la raison) dans ses choix actions, il conjugue une volonté et une préférence pour faire son choix en se basant sur la situation présente, une situation espérée et son anticipation (qui n'est pas infaillible) sur les résultats des différentes hypothèses/possibilités pour atteindre la situation espérée.

Par exemple, un fan de la marque Apple apprend qu'un iPhone 6 va sortir bientôt, il juge que son iPhone5S sera obsolète (conscience de la situation présente) il pense que sa situation/satisfaction sera meilleure s'il possède l'iPhone 6 (conscience la situation anticipée jugée meilleure). Il ne va avoir un iPhone6 par réflexe, il va devoir choisir consciemment une action pour satisfaire son désir. Il compare (utilisation de la raison) les différentes possibilités qui s'offrent à lui (conscience du pouvoir de ses actes et de leurs conséquences) entre : aller faire la queue tout de suite devant un Apple Store pour être le premier à l'avoir, attendre le lancement officiel et le commander sur Internet, attendre d'en trouver un d'occasion avant la sortie de l'iPhone 6s. Si, pour cette personne, le critère de choix est l'immédiateté et faire partie des premiers, il ira faire la queue devant la boutique, si le critère est le fait d'avoir une iPhone 6 dès que possible sans toutefois perdre son temps, il choisira de le commander sur internet, si le critère est le coût de l'objet, alors il le cherchera d'occasion.

La praxéologie, c'est l'étude théorique du couple moyen/fin en relation avec le rapport avantage/inconvénient suivant des critères propres à la personne si je devais l'expliquer avec mes mots à moi ce que j'ai compris. :)




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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Jeff Van Planet » 17 sept. 2014, 17:14:28

El Fredo » 16 Sep 2014, 20:46:04 a écrit :Les élucubrations de la secte autrichienne ne m'intéressent pas (un corpus théorique basé sur un postulat invérifiable et des raisonnements circulaires est une pseudo-science).
Cette réaction est décrite dans le lien que j'ai donné. Coïncidence? icon_mrgreen
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Re: La loi de Say fonctionne t-elle ?

Message non lu par artragis » 17 sept. 2014, 18:16:05

Je pense au contraire que c'est exactement pour cela que El Frédo utilise le vocable de "secte". C'est un raccourcis facile mais le fondement même d'une secte c'est de prédire que les "incultes" diront que la secte a tort parce qu'ils sont "incultes".

Je ne connais pas les théories autrichiennes. J'ai déjà eu pas mal de débat avec toi sur des points précis tels que ta volonté de réfuter la macroéconomie. Mais bon...

J'ai décidé, parce que je trouve que c'est toujours intéressant d'avoir un débat qui pousse les retranchements de chacun afin que chacun puisse nuancer ses propos vers quelque chose de plus correct, de lire et de commenter tes articles.
Il reste par définition des besoins non satisfaits qu’une quantité offerte plus importante puisse satisfaire.
Image
La pyramide de Maslow (ci dessus) nous apprend que "les besoins" ne sont pas forcément matérielles. Justement, des exemples actuels tendent à nous prouver que pour certains produit, les gens ont besoin qu'une certaine pénurie soit organisée pour les acheter, pour se distinguer socialement.
Donc qu'il existe des besoins restant, certes, mais qu'ils puissent être satisfaits par l'offre matérielle, non, et encore moins si l'offre est trop importante.
Au contraire, l'état actuelle de notre marché du téléphone est basiquement dû à une augmentation de l'offre (via un doublement (passage de deux à trois puis quatre)) des licenses "réseau" et à l'obligation des réseaux de vendre à des "opérateurs virtuels" des "paquets" moins chers. Résultat, toutes les entreprises font de moins en moins de marge et même le petit dernier, qui marge bien (free), n'arrivent pas à réinvestir, réduisant ainsi la demande chez les fournisseurs de matériel réseau (Nokia, Cisco, HP, Sagem, Alcatel...).
Il ne peut jamais y avoir surproduction absolue en matière de biens
économiques
Cf la nécessité pour les entreprises de l'automobile de fermer des appareils productifs à cause de la crise. Il y avait surproduction absolue avant la crise, mais il y a eu un déficit de demande pendant la crise, du coup il a fallu produire moins. Pour le coup la réalité nie la théorie.
S’agissant de biens économiques, il ne saurait y avoir que
surproduction relative. Par exemple, alors que les consommateurs demandent des quantités
bien déterminées de chemises et de chaussures, l’industrie a produit trop de chemises et pas
assez de chaussures. Ce n’est pas à une surproduction générale de tous les biens qu’on a
affaire : la surproduction de chaussures correspond à une sous-production de chemises.
Non seulement l'exemple est bancale car ce sont deux industries pas forcément liées qui produisent ces deux produits différents, mais qu'en plus il n'y a aucun étalon commun qui permette de dire qu'il y a correspondance entre sur production de l'un et sous production de l'autre. Il y a d'un côté un déficit de demande (ou un surplux d'offre selon la conjoncture) et un déficit d'offre (aka pénurie) de l'autre.

Je continue ma lecture (je suis à la fin de la page 4 quand je valide ma réponse) sans faire de réponse paragraphe par paragraphe car je sais que ça serait le premier reproche que tu me ferais. Mais je dois avouer que tout ce que j'ai lu jusqu'à présent me paraît incongru.
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Re: La loi de Say fonctionne t-elle ?

Message non lu par Nombrilist » 17 sept. 2014, 18:35:32

Albedo, je ne comprends pas. Say dit "tout produit s'échange contre un autre produit. L'argent n'est qu'un intermédiaire", je suppose que cela sous-entend que l'intermédiaire "argent" est fugace et que le temps d'existence de l'intermédiaire "argent" est un paramètre négligeable dans la modélisation de Say. Donc, la loi de Say implique qu'une trappe à liquidité ne peut pas exister. Or les trappes à liquidités existent. Donc Say se goure. Ou alors j'ai loupé un truc ?

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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par El Fredo » 17 sept. 2014, 21:41:11

Jeff Van Planet » 17 Sep 2014, 17:14 a écrit :
El Fredo » 16 Sep 2014, 20:46:04 a écrit :Les élucubrations de la secte autrichienne ne m'intéressent pas (un corpus théorique basé sur un postulat invérifiable et des raisonnements circulaires est une pseudo-science).
Cette réaction est décrite dans le lien que j'ai donné. Coïncidence? icon_mrgreen
Oui, coïncidence, les grands esprits se rencontrent icon_mrgreen

Sinon merci pour l'explication, je ne voyais pas les choses sous cet angle. Si je comprends bien ton point de vue, la loi de Say se contente de décrire une situation théorique dans une position d'équilibre, un peu comme deux droites parallèles se croisant sur un horizon inatteignable (vue de l'esprit qui s'apparente à la notion d'infini ou de limite en mathématiques), et dans ce cas elle n'a en effet pas besoin d'être réfutée. En fait l'erreur est du fait de ceux qui prennent cette loi pour argent comptant et en tirent des conclusions qui ne sont pas applicables en pratique parce que justement cette condition d'équilibre n'est jamais atteinte. Du coup la critique keynésienne doit être vue comme portant sur l'inutilité pratique de cette loi dans le choix des politiques à mener en temps de crise.

Pour ce qui est des politiques de l'offre vs. de la demande, il est clair pour moi que l'observation actuelle valide totalement la seconde hypothèse, mais ceci est un autre débat.
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Re: Les propositions du Medef pour l'emploi

Message non lu par Incognito » 17 sept. 2014, 22:05:58

Albedo » Mar 16 Sep 2014 - 16:54 a écrit :La loi de Say est presque tautologique, elle est parfaitement valide et "fonctionne" pour reprendre ton terme et il faut la remettre dans son contexte (1803 - Traité d'économie) pour mieux la comprendre. Elle affirme seulement que des produits s'échangent contre d'autres produits et que l'argent n'est qu'un intermédiaire et, qu'en soit, une augmentation de la production générale (et pas partielle, il peut y avoir surproduction partielle) n'est pas un facteur de crise économique alors que dans cette période, c'est l'hypothèse de la surproduction qui prime pour expliquer les crises.
Tout est dit ici. Le fait est que les produits ne s'échangent pas contre des produits, mais contre de l'argent. Si cet argent est redépensé pour acheter d'autres produits, la loi de Say tient la route. Si collectivement, les acteurs économiques thésaurisent l'argent obtenu par la vente de leur produits, et que la quantité de monnaie n'est pas ajusté en conséquence, la loi de Say ne tient plus.

Dans le language moderne, on dira que la loi de Say ne tient pas parce que la demande de monnaie supplémentaire n'est pas satisfaite par une augmentation de l'offre de monnaie. C'est donc une contraction monétaire qui fait que la demande de produits est insuffisante par rapport au potentiel de production.

Je crois d'ailleurs que Say lui-même savait cela fort bien. Mais ce qu'il voulait mettre en avant, c'est l'interdépendance de la production et de la demande.
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Re: La loi de Say fonctionne t-elle ?

Message non lu par Albedo » 18 sept. 2014, 10:49:55

Nombrilist » 17 Sep 2014, 18:35:32 a écrit :Albedo, je ne comprends pas. Say dit "tout produit s'échange contre un autre produit. L'argent n'est qu'un intermédiaire", je suppose que cela sous-entend que l'intermédiaire "argent" est fugace et que le temps d'existence de l'intermédiaire "argent" est un paramètre négligeable dans la modélisation de Say. Donc, la loi de Say implique qu'une trappe à liquidité ne peut pas exister. Or les trappes à liquidités existent. Donc Say se goure. Ou alors j'ai loupé un truc ?
Dans le traité d'économie (plus pur style fin XVIIIèm!)

« L'homme, dont l'industrie s'applique à donner de la valeur aux choses en leur créant un usage quelconque, ne peut espérer que cette valeur sera appréciée et payée, que là où d'autres hommes auront les moyens d'en faire l'acquisition. Ces moyens, en quoi consistent-ils ? En d'autres valeurs, d'autres produits, fruits de leur industrie, de leurs capitaux, de leurs terres : d'où il résulte, quoiqu'au premier aperçu cela semble un paradoxe, que c'est la production qui ouvre des débouchés aux produits. »

« puisque chacun de nous ne peut acheter les produits des autres qu’avec ses propres produits ; puisque la valeur que nous pouvons acheter est égale à la valeur que nous pouvons produire, les hommes achèteront d’autant plus qu’ils produiront davantage. De là cette autre conclusion que vous refusez d’admettre, que si certaines marchandises ne se vendent pas, c’est parce que d’autres ne se produisent pas ; et que c’est la production seule qui ouvre des débouchés aux produits. »

« Vous-même, vous n'êtes mis à même de lui acheter son froment et ses laines, qu'autant que vous produisez des étoffes. Vous prétendez que c'est de l'argent qu'il vous faut : je vous dis, moi, que ce sont d'autres produits. En effet, pourquoi désirez-vous cet argent, n'est-ce pas dans le but d'acheter des matières premières pour votre industrie, ou des comestibles pour votre bouche ? Vous voyez bien que ce sont des produits qu'il vous faut, et non de l'argent. La monnaie d'argent qui aura servi dans la vente de vos produits, et dans l'achat que vous aurez fait des produits d'un autre, ira, un moment après, servir au même usage entre deux autres contractants ; elle servira ensuite à d'autres ; et à d'autres encore, sans fin : de même qu'une voiture qui, après avoir transporté le produit que vous aurez vendu, en transportera un autre, puis un autre. […] L'argent n'est que la voiture des produits. Tout son usage a été de voiturer chez vous la valeur des produits que l'acheteur avait vendus pour acheter les vôtres… C'est donc avec la valeur de vos produits, transformée momentanément en une somme d'argent, que vous achetez, que tout le monde achète les choses dont chacun a besoin. »

« Que si un marchand d'étoffes s'avisait de dire : « Ce ne sont pas d'autres produits que je demande en échange des miens, c'est de l'argent », on lui prouverait aisément que son acheteur n'est mis en état de le payer en argent que par des marchandises qu'il vend de son côté. « Tel fermier, peut-on lui répondre, achètera vos étoffes si ses récoltes sont bonnes ; il achètera d'autant plus qu'il aura produit davantage. Il ne pourra rien acheter, s'il ne produit rien. »

Je cite un passage de la correspondance avec Malthus, page 620

« C'est avec le fermage, les intérêts, les salaires, qui forment les profits résultant de cette production, que les producteurs achètent les objets de leur consommation. Les producteurs sont en même temps consommateurs ; la nature des besoins, influant à différents degrés sur la demande des différents produits, favorise toujours, quand la liberté existe la production la plus nécessaire, parce que la plus demandée, c'est dès lors celle qui donnera à ses entrepreneurs le plus de profit. »

Toujours tiré des lettres à Malthus, page 625

« Une fois pourvus des moyens de produire, les hommes approprient leurs productions à leurs besoins. (…) créer une chose dont le besoin ne se ferait pas sentir, ce serait créer une chose sans valeur : ce serait ne pas produire. »

Traité d'économie

« La théorie des débouchés, en montrant que les intérêts des hommes et des nations ne sont point en opposition les uns avec les autres, répandra nécessairement des semences de concorde et de paix ».

« Dans les lieux qui produisent beaucoup, se crée la substance avec laquelle seule on achète : je veux dire la valeur. L'argent ne remplit qu'un office passager dans ce double échange ; et, les échanges terminés, il se trouve toujours qu'on a payé des produits avec des produits. Il est bon de remarquer qu'un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d'autres produits pour tout le montant de sa valeur. »

Cette dernière montre sa "philosophie" qui est de dire que l'économie est avant une collaboration et non pas une compétition. Un producteur a finalement intérêt à ce que ses voisins soient riches.

Que l'on peut résumer en 4 points:

- Les produits s'échangent contre les produits.
- La création d'un produit crée un débouché pour d'autres produits
- L'achat d'un produit se fait avec la valeur d'un autre
- La monnaie est intermédiaire d'échange

Dit autrement, Say a conscience du phénomène d'épargne, de salariat, de plus-value et de thésaurisation car le monnaie n'est pas tout à fait un produit comme les autres. Il pense que ce qui crée la richesse lors des échanges, ce n'est pas le bien de transaction (la monnaie) mais plutôt l'échange de deux produits de manière volontaire où chacun des intervenants juge qu'il est gagnant. Une chose crée qui n'est pas demandée, ce n'est pas vraiment de la valeur car elle n'est pas échange, elle n'intéresse personne.

Pour répondre plus précisément à ta question, je dirai que (de mon interprétation du point de vue de Say) quelqu'un qui épargne dans un but d'échanger ultérieur ne fait que retarder un échange mais au final il envisage d'acquérir un produit ou un service avec cette monnaie épargnée. Le cas de la thésauristation, qui est l'accumulation de monnaie à des fins de spéculations ou parce que il semble préférable pour la personne de conserver cette monnaie (peur du lendemain, amorce de déflation ou autre) (ou par syndrome de Picsou) la monnaie n'est effectivement pas gardée pour épargne (achat retardé) ou investissement. C'est ce que Keynes appelle la trappe à liquidité qui, pour dire vite, va influer sur la demande et donc le niveau de la richesse nationale.

Tout cela me semble non contradictoire avec ce que dit Say. En effet, si l'investissement se tarit, si la consomation diminue le "revenus" des producteurs va lui aussi diminuer et va, de proche en proche, diminuer les débouchés totaux de l'économie y compris le pouvoir d'achat. On pourrait dire qu'une conséquence de la loi de Say, c'est qu'elle explique le mécanisme par lequel une "crise de production" (peu importe sa cause, ça peut-être la demande) va nécessairement influencer les débouchés des autres, donc leurs productions et y compris sur les salaires et les plus pauvres

Say fut l'un des premiers à dire, à l'encontre des moralistes, que le mécanisme de marché n'est pas un transfert de richesse qui se fait nécessairement au dépend de quelqu'un, mais que la valeur se crée dans l'échange et que tout un chacun a intérêt à avoir des voisins ayant des possibilités d'échanger, des débouchés.

Plus qu'une théorie monétaire, Say parle d'un mécanisme économique et du fait que consommation/production sont 2 faces d'une même pièce.

@Incognito +1

@El Fredo

Pour moi, le principal enseignement de la loi de Say est que tout le système économique est interconnecté (l'évidence même, c'est pour ça que je dis que la loi de Say est presque tautologique ou un truisme), que les producteurs sont aussi des consommateurs et que plus la production (réelle au sens de Say, celle qui trouve a être échangé, pas creuser des trous dans le vide) est active, plus elle offre des débouchés aux autres productions et ainsi augmente la richesse de tous. Ca tient de l'observation.

Après Say dit bien que le mécanisme n'est pas parfait (notamment dans le passage sur les surproductions partielles) et qu'il tient en un temps de transmission de l'information par le système de prix de proche en proche. Il parle notamment (en réponse à Sismondi) des "frottements" dans l'économie que peuvent être les droits de douanes, le contrôle des prix, des mauvaises anticipations des investisseurs et des situations de monopoles qui "faussent" les valeurs d'échanges et freinent la création de richesses.

En ce sens, si la politique de l'offre (que je considère effectivement comme une interprétation plus ou moins fidèle des observations de la loi de Say) consiste uniquement en des "subventions" à un certain type de producteur (les grandes entreprises) alors non, ce n'est pas ce que dit la loi de Say. Pour moi, une politique qui serait réellement tirée de la loi de Say serait de permettre à tous les agents économiques d'avoir plus de possibilités d'échanges afin d'augmenter les débouchés de l'ensemble de l'économie. Par exemple, baisser simultanément l'IS et la TVA. La loi de Say montre que les producteurs sont des consommateurs (2 faces d'une même pièce) et que n'importe quelle politique économique qui ne se concentre que sur une seule partie des acteurs n'a rien compris à la dynamique des échanges.
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