Cet article est très intéressant car il anticipe un changement profond de notre économie. On lit souvent "[qu']il n'y a pas de travail" en France ou dans les pays développés... En réalité, n'est-ce pas seulement le travail salarié qui dégringole ? La demande est toujours là, Airbnb, Uber et BlaBlaCar sont pris d'assaut. On peut en effet regretter que cela a pour conséquence un recul des emplois traditionnels mais d'un autre côté, cette nouvelle forme d'économie permet à chacun de vendre ses services très facilement. Une certaine frange de la gauche radicale plaide pour l'abolition du salariat mais pas dans ce sens je pense.Ils s'appellent Uber, Airbnb, KissKissBankBank ou BlaBlaCar et forment l'avant-garde d'une horde de start-up qui bouscule la "vieille" économie. Secteurs visés, effet sur les prix, impact sur l'emploi... L'Expansion a enquêté sur l'ubérisation qui vient.
Uber. Quatre petites lettres en référence à l'application lancée par Travis Kalanick, à San Francisco, et qui met directement en relation clients et chauffeurs privés : en six ans d'existence, Uber a dynamité le secteur pourtant ultraprotégé et réglementé des taxis partout dans le monde. (...)
Une invasion terrifiante de rapidité. Aujourd'hui, Uber compte 5 000 chauffeurs en France, soit dix fois plus qu'il y a un an ; Airbnb propose 40 000 logements en Ile-de-France, contre 50 il y a cinq ans! Une nouvelle économie qui prospère sur les décombres de la crise, du chômage de masse et du pouvoir d'achat laminé. "Un bon loueur peut gagner 1 500 euros par an et valoriser sa voiture qui dort 95% du temps au parking", explique Paulin Dementhon, dirigeant de Drivy. (...)
Beaucoup de capital numérique, peu d'emplois
Cas d'école: le nouveau géant de la location hôtelière Airbnb - propriétaire d'une immense plateforme mais d'aucune chambre - vaut aux alentours de 13 milliards de dollars, autant que son concurrent Accor et ses 3700 hôtels, mais emploie 300 fois moins de personnel. Le principe "Beaucoup de capital numérique, peu d'emplois stratégiques" fait même partie intégrante du modèle. Le fondateur de Drivy ne s'en cache pas: "Les loueurs de voitures classiques [Europcar, Hertz...] prennent des commissions très élevées pour couvrir le coût de leur personnel et de leurs infrastructures. Sans cette source de dépense, un loueur sur Internet peut ainsi prélever un courtage bien inférieur et assurer des prix très bas."
Le raisonnement appliqué à une série de services pourrait supprimer d'ici à 2025 quelque 3 millions d'emplois en France, selon les estimations du cabinet Roland Berger. "Ces nouveaux acteurs du transport détruisent des emplois pérennes et créent des emplois précaires", résume avec une certaine colère martiale dans la voix Gilles Boulin, gérant d'Alpha Taxis. (...)
"La fin du salariat ou la 'freelancisation' de l'économie fait de chaque individu une marque", s'emballe Frédéric Mazella, le fondateur de BlaBlaCar. Demain, tous ces intermittents du travail se livreront sous leur propre logo une guerre des prix sur Internet, mais batailleront sous le commandement centralisé de quelques plateformes, toujours là pour percevoir des commissions, quel que soit le gagnant.
Une sorte d'économie mixte risque bien d'émerger avec d'un côté une concurrence exacerbée entre "producteurs" et d'un autre quelques "applis" en situation de quasi-monopole. "Les consommateurs ne peuvent vivre qu'avec un nombre limité d'applications. Les plus grosses plateformes vont donc naturellement avoir tendance à agréger les plus petites et à proposer d'autres services", prévient Marc-Arthur Gauthey, animateur du think tank Oui-Share. (...) Terrible logique darwinienne : le plus gros attire à lui toujours plus d'offres et de demandes pour assurer ainsi la profondeur du marché recherchée par tous les utilisateurs.
Beaucoup de capital numérique, peu d'emplois
Alors, question à plusieurs milliards de dollars : que peut faire l'Etat pour ralentir la percée de ces nouveaux barbares ? Son réflexe naturel, c'est d'élever des digues - des barrières à l'entrée, disent les économistes. Mais comme l'eau finit toujours par infiltrer un barrage, ces "disrupteurs" trouvent de toute façon la faille juridique ou économique pour passer au travers. Les taxis Uber et leur armée de lobbyistes parviennent à s'arranger avec les différentes législations. Comme les plateformes spécialisées dans le droit (CaptainContrat, Testamento...) commencent à grignoter le business des avocats et des notaires.
"L'Etat ferait mieux de s'associer à ce mouvement au lieu de le contenir. Une solution consiste à canaliser l'épargne vers ces start-up pour les aider à grandir", propose Nicolas Colin. La banque publique BPI vient de placer quelques billes dans Drivy. De même, sous la férule de l'Etat, la French Tech éparpille 200 millions d'euros sur quelques pépites tricolores. Mais, au regard des canons américains, ces sommes passent pour de l'argent de poche. En avril et juin 2014, Uber et Airbnb ont levé à eux deux 1,75 milliard de dollars. Pratiquement deux fois le montant annuel du capital-risque sur toute la France. (...)
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Au moins dans certains secteurs de l'économie, cette mutation est une très bonne nouvelle : les banques sont de moins en moins sollicitées au profit du crowdfunding (qui a mis du temps à émerger en France). Le crowdfunding est une excellente source de financement puisque, contrairement à un financement bancaire, il permet de sonder la popularité d'un projet. Les candidats à l'entrepreneuriat se confrontent donc à moins de risques.