Métaphores footbalistiques, médiocres politiques économiques

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 07 avr. 2010, 00:01:00

http://econoclaste.org.free.fr/dotclear ... 5-les-meta…
Les métaphores footballistiques font de médiocres politiques économiques

La métaphore footballistique est à la mode en ce moment parmi les commentateurs économiques. Il y a ceux qui s'inquiètent de voir l'Europe "aux portes de la deuxième division". Le jeu a été lancé par le ministre de l'économie allemand, Wolfgang Schauble, qui suite aux remarques de Christine Lagarde sur la contribution allemande aux déséquilibres macroéconomiques de la zone euro, les a comparées à celles d'un supporter de football qui pour voir son équipe favorite obtenir de meilleurs résultats, souhaiterait voir les meilleures équipes plus mauvaises. Ces métaphores de la compétition sportives sont familières : elles ouvrent la porte à la double rhétorique de l'obsession de la compétitivité et celle de la "réforme".

La première étape de cette rhétorique consiste à mesurer le succès économique d'un pays à l'aune d'un indicateur majeur : l'excédent commercial. La "compétitivité" est avant tout une resucée du mercantilisme, mesurant à sa capacité à exporter la performance économique d'un pays. On admire ceux qui ont un excédent commercial, et les déficit commerciaux sont le symptome d'un problème à traiter.

Et le problème doit toujours être traité de la même façon : il faut "changer", faire les réformes "courageuses" que ceux qui ont un excédent commercial ont su mener. Il faut aller sur le chemin de la vertu salvatrice, et imiter le succès de ceux qui ont les meilleures performances. Le fait que tout cela soit intégralement contradictoire avec l'analyse économique n'a pas d'importance : nous sommes dans un discours idéologique, parfois moral, jamais pragmatique. Nous sommes insuffisants, nous devons nous corriger. Dans le cas d'une compétition sportive, ce discours a un certain sens; la performance d'une équipe de football se mesure à un étalon unique, sa capacité à remporter des victoires, ce qui implique sur le long terme de mieux jouer que les autres au même sport que ceux-ci. Sauf que l'économie ne fonctionne pas comme cela. La prospérité d'un pays se mesure à celle de ses habitants, et dépend uniquement de la capacité de ceux-ci à se fournir des choses utiles. La prospérité économique ne repose pas sur la compétition, mais sur des interdépendances.

Les interdépendances signifient par exemple que pour que certains connaissent des excédents commerciaux, il faut que d'autres connaissent des déficits commerciaux; que pour que certains épargnent, il faut qu'il y en aient d'autres qui consomment plus que leur revenu; que pour une vente, il y a nécessairement un achat. Et que si quelques-uns sont spécialisés dans un type d'activité, il faut que d'autres soient spécialisés dans d'autres activités. Si tout le monde fabrique la même chose, tout le monde va manquer des mêmes choses. Cela peut sembler évident lorsque c'est exprimé de cette façon; les conséquences de ces idées simples sont pourtant rarement comprises.

Cela implique par exemple que si un pays connaît une crise d'endettement extérieur excessif, comme la Grèce aujourd'hui, c'est qu'il y a quelqu'un quelque part qui est son exacte contrepartie en accumulant des excédents extérieurs excessifs. Un solde extérieur excédentaire est, tout comme un solde déficitaire, le symptome d'un problème. Mais c'est là que le discours moral entre en jeu : celui qui connaît un déficit est caractérisé comme ayant le problème, tandis que celui qui a un excédent excessif peut se targuer de sa "vertu" et expliquer que si tout le monde agissait comme lui, tout le monde s'en porterait mieux. Oubliant que ce n'est tout simplement pas possible : si ceux qui sont en déficit se rééquilibrent, cela ne peut que passer par la réduction d'excédents ailleurs. C'est très exactement la situation dans laquelle se trouve l'Europe actuellement : l'incapacité, sous la pression idéologique du discours de la "réforme courageuse", des allemands à reconnaître qu'ils sont une partie du problème, au même titre que la Grèce.

Le discours de la réforme douloureuse est pernicieux parce qu'il suppose que dès lors que l'on mène des réformes "désagréables" c'est forcément un signe de vertu. Il y a probablement une dose d'esprit judéo-chrétien mal assimilé dans cette considération, selon laquelle c'est par la souffrance et l'ascétisme que l'on se rapproche du paradis. Et il est exact que l'Allemagne a entrepris toute une série de réformes particulièrement douloureuses, largement orientées vers la compétitivité des entreprises exportatrices nationales. Mais pour quel résultat? Le bilan de l'économie allemande de la dernière décennie n'a rien de brillant et d'exemplaire. L'essentiel des gains péniblement obtenus à coup de modération salariale pour accroître les exportations a disparu en un an lorsque le commerce international s'est effondré sous l'effet de la récession. Qu'on ne s'y trompe pas : la raison principale pour laquelle la France a mieux résisté que l'Allemagne à la crise, c'est précisément qu'elle n'a pas mené la stratégie et les réformes allemandes. C'est le grand problème des stratégies mercantilistes : elles soumettent un pays à la bonne volonté du reste du monde pour acheter ses produits. La seule façon dont l'Europe pourrait être "plus allemande" est d'accroître son solde extérieur dans son ensemble. Mais cela dépend de la bonne volonté du reste du monde, qui lui aussi cherche à accroître le sien; ce n'est pas gagné.

Le discours de la "réforme douloureuse" comporte toujours sa comparaison : il faut faire "comme untel". Ha, si nous avions la flexibilité du marché du travail américain, la puissante industrie allemande, nous serions... Quoi, au fait? ce qui caractérise les pays riches, c'est d'être à la fois très similaires et très différents. Comme le rappellent Rodrik et Hausmann, le développement économique est avant tout un processus d'auto-découverte. Un mécanisme par lequel des pays, ou des individus, ont la possibilité par essai et erreur de découvrir les spécialités qui leur permettront de s'insérer parmi les autres. Ce processus ne fonctionne que lorsque l'on sait à l'avance que la destination n'est pas connue, mais va devoir être découverte. Il est paralysé lorsque l'idéologie de la "réforme" indique d'emblée la direction à prendre. A trop déplorer que nous ne soyons pas assez "comme les autres", nous oublions deux choses : premièrement, que le succès des "autres" n'est pas si grand que cela et implique des coûts. Et deuxièmement, cela ne conduit qu'à un regard déprécié sur ce que nous sommes, empêchant d'identifier ce qui peut déterminer notre propre succès et les domaines dans lesquels nous ferions mieux de ne pas nous avancer. Nous échouons lorsque nous soutenons des Bull à bout de bras pour avoir notre propre IBM (et pour constater que finalement, IBM n'était pas tant que cela l'exemple à suivre). Nous réussirons lorsque nous seront capables de regarder sans complaisance, mais avec lucidité, ce qui nous rend spéciaux.

Et après tout, cela vaut aussi en sport. Nous nous souvenons plus de l'étincelante équipe de Hollande des années 70, que des équipes qui l'ont battue en coupe du monde. Notre admiration pour les All Blacks va bien au delà de son palmarès. Ce qui dure, ce ne sont pas tant les succès que les identités.
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Golgoth
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Message non lu par Golgoth » 07 avr. 2010, 06:34:00

La morale judéo chrétienne parle à l'électorat de droite. Le réformes sont bonnes car elles rapportent du pognon aux plus riches, le reste personne n'en arien à cirer. D'ailleurs la dernière crise est du à la stagnation des salaires aux USA, mais au final si on fait le bilan sur dix ans avant/après, les plus riches sont plus riches et c'est bien l'essentiel (à part ceux qui ont filé trop de sous à Madoff).

Si le gouvernement était une équipe de foot, ce serait le PSG icon_mrgreen
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artragis
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Message non lu par artragis » 07 avr. 2010, 09:36:00

La morale judéo chrétienne parle à l'électorat de droite. Le réformes sont bonnes car elles rapportent du pognon aux plus riches, le reste personne n'en arien à cirer.
mouai bof
ce qui caractérise les pays riches, c'est d'être à la fois très similaires et très différents.
on est plus que d'accord. Il faut parfois "réformer", ou plutôt "évoluer" car les temps changent, les technologies ne sont plus les mêmes etc. Mais vouloir à tout prix des réformes "courageuses" pour des réformes courageuses, non. On appelle ça le bougisme, or, la première force d'un pays, n'est-ce pas sa stabilité?
http://zestedesavoir.com une association pour la beauté du zeste.

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Golgoth
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Message non lu par Golgoth » 07 avr. 2010, 09:47:00

mouai bof
Moui bof icon_mrgreen
->
Insee a écrit :Entre 2004 et 2007, les revenus moyens des très hauts revenus ont augmenté plus rapidement que ceux de l’ensemble de la population. Le nombre de personnes franchissant des seuils symboliques de revenus annuels s’est également accru, d’où une augmentation notable des inégalités par le haut.
Qui était au pouvoir de 2004 à 2007 ? La suite du rapport ici : http://didier-hacquart.over-blog.com/ex ... fc/docs_ff…
J'attends avec impatience celui de 2008 - 2011.
T'es vraiment kon François, fallait créer une SCI. :mrgreen2:

logan
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Message non lu par logan » 07 avr. 2010, 19:05:00

De toute façon l'erreur de l'Union Européenne c'est d'avoir fondé tout son système économique sur les thèses néolibérales de la guerre économique.
L'europe aurait mieux fait de baser son système économique sur la coopération entre les peuples comme il est hypocritement inscrit dans ses textes fondateurs.

Un système d'organisation économique international alternatif est évidemment possible mais on n'en parle jamais.
Et je vais essayer de vous l'expliquer au mieux. C'est ainsi qu'aurait du se construire l'union européenne.

Ce système est basé sur la coopération, la solidarité et le protectionnisme. Et je n'ai pas peur ici d'utiliser le mot protectionnisme parce que là encore celui-ci a été diabolisé à tort par les néolibéraux.

Dans ce système, il ne s'agit plus de se développer au dépend des autres pays, ce qui est bien le but de la guerre économique, ce qui se caractérise par des "excédents commerciaux", mais au contraire de mettre en place un co-développement basé sur l'equilibre du commerce extérieur de chaque pays.

Et cet objectif d'équilibre du commerce extérieur dissipe aussitôt l'épouvantail placé par les néolibéraux à propos du protectionnisme, il ne s'agit pas ici de mettre en place des protections en vue d'en retirer un avantage sur les autres pays ( et donc des excédents commerciaux ), cette pratique n'est évidemment pas très loyale. Mais remarquons au passage le fait que les politiques qui consistent à faire concurrence sur la fiscalité ou les protections sociales, ne sont pourtant pas plus loyales non plus et sont de toute façon des formes de ce protectionnisme qu'ils dénoncent au final. Ce qui les gène n'est donc pas le fait d'agir déloyalement pour en retirer des excédants commerciaux, ce qui les gène ce sont les entraves à la liberté commerciale ou à la liberté de circulation des capitaux, faire concurrence sur la fiscalité ou les protections sociales ne les gène absolument pas vu qu'au contraire cela signifie au final plus de profits pour les intérêts industriels ou financiers qu'ils défendent.
En mettant en place des protections tarifaires qui compenseraient les inégalités ( fiscales ou sociales ) qui peuvent exister entre les différents pays, la concurrence que pourraient se faire entre elles une société produisant localement et une société important des produits pourrait alors se faire sur de bons critères, comme la qualité du produit, du service, l'innovation etc ...

Le protectionnisme est aussi nécessaire pour une question de démocratie. La démocratie n'est pas possible sans souveraineté. Si c'est le "marché" qui décide, alors ce ne sont pas les citoyens, eux, ils ne font que subir. C'est le grand enseignement de l'application des thèses libérales ces 40 dernières années.

Si on a besoin de telle ou telle production dans une chaîne de production, si c'est une production stratégique, on peut démocratiquement vouloir continuer à maintenir cette production sur notre sol plutôt que l'importer.
On peut prendre l'exemple de l'industrie Acetex Chimie rachetée par le groupe Américain Celanese puis ensuite délocalisée avec tous ses brevets, cette entreprise était la seule à produire dans toute l'europe un acide nécessaire dans plusieurs chaines de productions industrielles, c'était donc une production stratégique qu'il n'aurait jamais fallu laisser être délocalisée. Au lieu de produire cela sur notre sol, on va donc être obligé de l'importer de je ne sais quelle destination, à l'autre bout du monde, sans doute la chine ou les états-unis.

Ce sont donc des emplois en moins, et de la pollution en plus pour transporter ces productions jusqu'en France, des coûts énergétiques et du gaspillage de ressources fossiles non renouvelables supplémentaires et dramatiques pour la planète.

Relocaliser ces productions, pour des questions de démocratie ( on doit souverainement pouvoir décider de ce que l'on veut produire dans notre propre pays et non plus être soumis aux lois du marché, bref à des ingérences extérieures ), pour des questions sociales ( l'emploi ) et pour des questions écologiques évidentes, est plus que nécessaire et passe par du protectionnisme de ce genre.

Et c'est en mettant en place un système de coopération et de solidarité avec les autres pays que l'on complète le système.

Chaque pays ne peut pas tout produire sur son propre territoire, déjà parce que chaque pays n'a pas les ressources nécessaires sur son territoire.
Et puis il y a tout plein de petits pays, la taille du territoire compte énormément par exemple en ce qui concerne l'agriculture. Les différentes cultures dépendent du climat et des terres ( leur composition en certains minéraux ( et leur renouvellement ( pluies / nappes phréatiques ) ), leur température, leur humidité etc ... )
Donc il ne s'agit évidemment pas d'empécher tous ces échanges entre les pays qui sont évidemment nécessaires à chacun de ces pays.

De ces échanges naissent naturellement des excédants commerciaux.

L'objectif étant d'équilibrer les balances commerciales entre les différents pays, il s'agit donc de mettre en place des accords où chaque pays s'engage à réinvestir les excédants commerciaux qu'ils peut avoir avec un pays dans le développement de ce pays.
Et tout le monde ainsi y trouve son compte, si un pays a besoin d'un certain produit, il l'importe alors d'un autre pays, ce second pays est donc en excédent commercial par rapport à ce premier pays, mais étant donné qu'il a lui même certains besoins, il investit son excédent commercial dans le développement dans le premier pays de la production de ce dont il a besoin et qu'il ne peut ou ne veut pas produire lui-même.

Tout excédent obtenu par des protections tarifaires engagerait le pays, de la même manière, à réinvestir dans le pays en déficit commercial pour compenser cet excédent et rééquilibrer leur balance commerciale.

C'est ce qu'on appelle le "co-développement". Plus aucun pays ne se développe au dépend des autres, les différents pays s'entraident et se développent mutuellement.

Et c'est ainsi que nous aurions du construire l'UE dès le départ. C'est ce type de rapport entre les pays qu'une instance internationnale comme l'OMC devrait promouvoir et non pas le libre échange.

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mps
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Message non lu par mps » 15 avr. 2010, 18:24:00

Et que crois-tu qu'il se passe ? Prends l'Afrique, par exemple. Pas un bien n'y entre sans que des productions locales n'en sortent à destination du pays expéditeur, pour le double.

Sans parler des "délocalisation polies" : pratiquement toutes les grandes industries ne satisfont les amrchés locaux que par ce qu'elles produisent sur place, avec de la main d'oeuvre locale.

Pour l'UE, c'est tout aussi! manifeste.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

Georges
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Message non lu par Georges » 15 avr. 2010, 21:31:00

Le problème est que ce ne sont pas ces pays qui sont propriétaires de ces productions, mais des multinationales.

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