Pierre,
J'ai en tête plusieurs de vos commentaires et plusieurs de vos réflexions. Toutes touchent au cœur du sujet. Je me dois de faire de mon mieux pour y répondre.
Quand je parle de révolution fiscale, je n'utilise pas le mot à la légère. Je ne fais pas comme Picketty qui dans son livre "Pour une révolution fiscale", ne parle finalement que de bouger les meubles sans rien changer aux fondations du système.
J'ai déjà expliqué
pourquoi une véritable révolution fiscale est impérative. Je ne vais pas redire ce que j'ai déjà expliqué là. Je vais maintenant compléter ce que j'ai déjà écrit.
Je l'admets: comprendre ce que je propose nécessite de mettre de côté de nombreuses idées reçues, certaines étant enracinées dans notre mémoire collective depuis plus de 100 ans. Donc oui, je remets toute la logique fiscale des 100 dernières années sens dessus dessous. Je chavire toute la logique fiscale actuelle. Je m'attaque directement à la source du problème, la cause même de la maladie dont notre économie ne semble pas pouvoir se remettre. Si on veux que les choses changent... alors il faut bien changer les choses. Et il y a une logique profonde dans ma méthode.
Je viens de revoir les
bases constitutionnelles et légales de la fiscalité ainsi que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et je ne vois aucune entrave à ce que je propose.
L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 établie le principe d'égalité devant la loi, et par extension, devant la loi fiscale. L'article 13 établie le besoin d'un impôt, et l'obligation de le payer. L'article 14 établie l'autorité des législateurs (représentants élus par les citoyens) d'établir des impôts et d'en définir les propriétés. L'article 13 peut être sujette à interprétation: pour les dépenses publiques "une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés". Ce n'est pas là une justification pour l'impôt sur le revenu, ni sur quelconque impôt qui taxe la richesse elle même. L'impôt sur le revenu ne date que de 1914. Il n'a donc rien à voir avec les principes fiscaux établis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Cela fait tout juste plus de 100 ans que nous sommes assujettis à l'impôt sur le revenu, de sorte que pour la majorité des français, il est devenu impensable d'avoir une fiscalité qui ne dépende pas de celle-ci. Dans les années après guère, la France a innové en matière fiscale en inventant une taxe nouvelle qui depuis s'est répandue un peu partout dans le monde (à l’exception notable des États Unis), une taxe dite sur la consommation: la Taxe sur la Valeur Ajoutée. Le problème est que celle-ci est une taxe indirecte sur le travail. Comme la très bien démontré
Jacques Lemaire, la consommation qui est taxée est la consommation du fruit du travail des autres. Il vaudrait mieux taxer la consommation du patrimoine public, des ressources naturelles.
Évidemment, au début, je laisse les gens un peu perplexes. J'exclus un impôt centenaire, basé sur les revenus. J'exclus les cotisations. J'exclus la TVA. Mais que reste-t-il, me demande-t-on souvent.
En fait, puisqu'on parlait de constitutionnalité, ce que je propose va tout à fait dans le sens de la Charte de l'environnement, qui a été ajouté au bloc constitutionnel en 2005. La fiscalité organique que je propose suit tout à fait le principe de prévention, le principe de précaution, et le principe pollueur-payeur qui font maintenant partie de la constitution française. De plus, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel est de mon côté (je vais un jour répondre à johanono sur ce sujet).
Tout ceci pour dire qu'il est grand temps d'abandonner la notion d'imposer la richesse. Imposer le revenu ou la richesse n'est pas une obligation constitutionnelle. Imposer la richesse, a une
utilité sociale et économique négative: c'est normal que notre économie souffre autant. Il faut arrêter de pénaliser le succès.
Dire que sous un système fiscal organique, un grand nombre de producteur de richesse ne seraient plus imposé, est faut. Le postulat est faut. Ce qu'il faut dire, c'est: plus aucun producteur de richesse ne sera plus imposé. Point. Ou du moins, jamais en fonction de la richesse qu'ils produisent. Tous les citoyens et toutes les entreprises continueront à payer des taxes, le plus souvent de façon indirecte, tout simplement parce que tous autant que nous sommes, nous consommons du bien public. Nous occupons du territoire. Nous polluons par notre mode de vie et par les objets matériels que nous achetons et consommons.
Prenons un exemple. Imaginons une dame qui travaille pour une agence de soutient scolaire. Elle se déplace en vélo, en bus, en taxi ou en voiture, et va à domicile pour aider les familles avec les devoirs des enfants. Elle est une très bonne éducatrice. Ses services sont très demandés. L'agence peut se permettre d'appliquer un prix horaire relativement élevé, de sorte que cette dame gagne très bien sa vie. Elle crée de la richesse, d'abord bien sûr pour elle même. De par son travail, elle crée de la richesse dans les familles où elle enseigne: pour les enfants, c'est la valeur d'une scolarité réussie, de débouchés pour des études supérieurs et la possibilité future d'avoir un bon travail et de bien gagner sa vie. La nation profite aussi de cette richesse, même si de façon encore plus indirecte. Que diable irions-nous pénaliser une telle aubaine pour notre pays? Cette éducatrice paye déjà toute une panoplie de taxes: celles inhérentes au mode de transportation qu'elle choisit; celles incluse dans le prix d'achat des livres scolaires qu'elle achète ou fait acheter (pollution induite par la publication de livres); l'impôt foncier organique qu'elle paye pour sa maison (le seul impôt qu'elle paye directement); toutes les taxes organiques incluses dans le prix d'achat de tous les biens matériels qu'elle achète pour elle même, etc... N'est-ce pas suffisant?
Un autre exemple. Imaginons un gros industriel qui aurait le choix entre deux méthodes de production pour un produit quelconque. Une méthode demanderait plus de travailleurs qualifiés, mais serait plus économe en terme d'utilisation de matières premières et d'énergie. L'autre méthode dépend elle d'une utilisation massive de machine-outils, dépenses importante d'énergie et un certain gaspillage de matières premières, mais ceci étant compensé par un besoin bien moindre de salariés, et n'utiliserait que quelques salariés peu qualifiés (juste ce qu'il faut pour appuyer sur le bouton vert de la machine outil) et donc beaucoup moins bien payés.
Il est évident que sous le système actuel, c'est la deuxième méthode qui va prévaloir, car plus économique pour l'industriel. Sous une fiscalité organique, ce serait bien sûr l'inverse: une incitation à employer plus de salariés qualifiés, et une diminution de la pollution et du gaspillage de ressources limitées.
Ainsi, les services publics ne sont pas gratuits. Tout le monde paye pour ceux-ci. Tout le monde continuera à être imposé. Ce qu'on change, c'est la base d'imposition. On s'assure que chaque impôt ait une utilité sociale positive, de sorte que d'une façon ou d'une autre, la Nation toute entière soit gagnante.