Krugman : Wall Street n'est pas à plaindre

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 25 avr. 2010, 20:41:00

http://www.rtbf.be/info/economie/chroni ... treet-nest…
Wall Street n'est pas à plaindre

Jeudi, le président Barack Obama est allé à Manhattan, où il a appelé un public venu largement de Wall Street à soutenir la réforme financière. "Je pense, déclarait-il, que ces réformes sont en fin de compte non seulement dans l'intérêt de notre pays, mais aussi dans l'intérêt du secteur financier".

Eh bien, j'aurais préféré qu'il n'ait pas dit cela, et non seulement parce qu'il a besoin, politiquement, de se placer du côté du peuple, de mettre un peu de distance publiquement entre lui et les banquiers. C'est un fait, Barack Obama devrait tenter de faire ce qui est bon pour le pays, point final. Et si cela doit faire mal à Wall Street, ce n'est pas grave.

Je dirais même plus, la réforme devrait même faire mal aux banquiers. Un nombre croissant d'analystes économiques suggèrent qu'un secteur financier trop important fait souffrir l'économie dans son ensemble. Réduire ce secteur ne rendra pas Wall Street heureux, mais ce qui est mauvais pour Wall Street est bon pour l'Amérique.

Or, les réformes en cours d'étude, et que je soutiens, pourraient bien finir par être bonnes aussi bien pour le secteur financier que pour nous (les Américains, ndt). Mais c'est parce qu'elles ne s'attèlent qu'à une partie du problème : elles rendraient la finance plus sûre, mais n'en réduiraient pas forcément la taille.

Que se passe-t-il dans le monde de la finance ? Commencez par le fait que le secteur financier moderne génère d'énormes profits et revenus, tout en distribuant peu de bénéfices réels.

Vous souvenez-vous du film "Wall Street" de 1987, dans lequel Gordon Gekko déclarait "l'avidité, c'est bien"? Selon les critères d'aujourd'hui, Gekko serait un petit joueur. Dans les années qui ont mené à la crise de 2008, le secteur financier représentait un tiers des profits nationaux, environ deux fois plus que deux décennies auparavant.

Ces profits étaient justifiés, nous disait-on, parce que le secteur faisait de grandes choses pour l'économie. Il canalisait les capitaux vers des usages productifs ; il répartissait les risques ; il améliorait la stabilité financière. Rien de tout cela n'était vrai. Les capitaux étaient canalisés non pas vers des innovations créatrices d'emploi, mais vers une bulle immobilière qui ne pouvait pas durer ; les risques étaient concentrés, et non répartis ; et quand la bulle immobilière éclata, le système financier soi-disant stable implosa, entraînant la pire crise mondiale qu'on ait connue depuis la Grande Dépression.

Alors, pourquoi les banquiers amassaient-ils tout ? À mon avis, vus les efforts que font les économistes financiers pour donner un sens à la catastrophe, il s'agissait avant tout de jouer avec l'argent des autres. Le secteur financier a fait de gros paris risqués avec des fonds d'emprunt, des paris qui rapportaient gros jusqu'à ce qu'ils tournent mal, mais pouvait emprunter à des taux faibles, parce que les investisseurs ne se doutaient pas à quel point le secteur était fragile.

Et qu'en est-il des bénéfices des innovations financières, autour desquels on a fait tant de foin ? Je suis d'accord avec les économistes Andrei Shleifer et Robert Vishny, qui expliquent dans un récent article qu'une grande partie de ces innovations consistaient à créer une illusion de sécurité, fournissant aux investisseurs de faux substituts aux avoirs traditionnels que sont les dépôts bancaires. L'illusion n'a pas duré, et le résultat fut une crise financière désastreuse.

Au fait, dans son discours de jeudi, Barack Obama insista, par deux fois, que la réforme financière ne freinerait pas l'innovation. Dommage.
Et voilà le problème : après avoir souffert un grand coup juste après la crise, les profits du secteur financier repartent à la hausse. Il ne semble que trop évident que le secteur reprendra bientôt les mêmes activités qui nous ont mis dans cette pagaille.

Alors que faudrait-il faire ? Comme je l'ai dit, je soutiens les propositions de réforme du gouvernement Obama et de ses alliés au Congrès. Entre autres choses, il serait regrettable de voir la campagne républicaine contre la réforme, une campagne marquée par une malhonnêteté et une hypocrisie stupéfiantes, réussir.

Mais ces réformes ne devraient être qu'un premier pas. Nous devons aussi ramener le secteur financier à des proportions raisonnables.
Et il n'y a pas que les adversaires critiques pour s'inquiéter de cela (non que j'aie quoi que ce soit contre les adversaires critiques, qui ont eu bien davantage raison que les partisans soi-disant bien informés ; prenez par exemple Greenspan, Alan). Une curieuse proposition est sur le point d'être dévoilée, venant, tenez-vous bien, du Fonds Monétaire International. Dans un rapport destiné à être rendu public lors d'un meeting ce weekend, le Fonds propose une taxe sur les activités financières (Financial Activity Tax, FAT) prélevée sur les profits et les rémunérations du secteur financier.

Une telle taxe, affirme le FMI, pourrait "limiter la prise de risques excessive". Elle pourrait également "induire une réduction de la taille du secteur financier", que le Fonds présente comme une bonne chose.

Or la proposition du MFI est en fait relativement modérée. Néanmoins, si elle devient réalité, Wall Street va hurler.
Mais le fait est que nous avons consacré une part bien trop importante de notre richesse, et du talent du pays, à inventer et colporter des plans financiers complexes, des plans qui ont tendance à foutre l'économie en l'air. Mettre fin à cela fera mal au secteur financier. Et alors ?
Pour info l'économie réelle mondiale pèse 60 trillions de dollars, alors que le secteur financier des produits dérivés représente 600 trillions, soit 10 fois plus.
http://www.nakedcapitalism.com/2010/04/ ... te-derivat…
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pierre30
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Message non lu par pierre30 » 26 avr. 2010, 14:57:00

Krugman est prix nobel d'économie (sauf erreur), mais cet article n'a rien de révolutionnaire : c'est ce qu'on entend un peu partout y compris chez Sarko.

Le point nouveau, c'est la taxe que proposerait le FMI. Cela ressemble à la taxe TOBIN. Reste à mettre d'accord toutes les places financières et c'est pas gagné d'avance. Krugman propose-t-il un mécanisme de recouvrement de cette taxe ?

Un avantage serait de limiter les opérations gérées à la microseconde par des ordinateurs. Ces opérations sont controlées pour une grande partie par les grands opérateurs (Goldman Sachs par exemple) et permettent de contrôler la tendance des marchés. Selon les chroniqueurs de AGORA, elles expliquent en grande partie du comportement haussier des marchés financiers depuis la crise.

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Dantedu48
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Message non lu par Dantedu48 » 27 avr. 2010, 00:49:00

Taxer le capital/flux financiers ? autant croire au père noël


 Tiens c'est tout chaud et cela démontre clairement la complaisance de la classe politique américaine avec ce système crapuleux :

 
    

USA: premier coup d'arrêt au Sénat pour la réforme de Wall Street

La réforme de la régulation financière a subi un revers au Sénat américain lundi avec l'échec d'un vote destiné à ouvrir les débats en séance plénière, en raison notamment d'une opposition en bloc des élus républicains.
Seuls 55 sénateurs démocrates et deux indépendants ont voté en faveur de l'ouverture des débats, soit 57 "oui", alors que 60 étaient nécessaires.
Aucun des 41 élus républicains opposés au projet de loi en l'état, n'a voté en faveur de l'ouverture des débats.
Le démocrate Ben Nelson a voté contre.

 Suite et source : le point

 

lancelot
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Message non lu par lancelot » 27 avr. 2010, 07:32:00

Les républicains sont vraiment des bouseux, c'est a se demander si ils ne sont pas tous corrompus jusqu'a la moelle.

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mps
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Message non lu par mps » 27 avr. 2010, 09:01:00

Tout cela m'a l'air bien romanesque ...

Pierre : des opérations en micro seconde, "contrôlées largement par GS, par exemple". Curieuse remarque : toutes les bourses du monde sont en accès direct à n'importe qui, même un berger landais ...

Dantelu : Taxer les flux financiers, ha la bonne idée qui fait saliver  ... Pourquoi pas un "zéro", comme à certaines roulettes des Casino, où l'Etat raffle tout ce qui est sur la table ? Dans la pratique, les flux financiers sont étroitement contrôlés et déjà taxés.

Lancelot : "les républicains sont des bouseux". N'est-ce pas exactement le contraire (je ne les aime pas beaucoup, mais c'est un autre problème). Le marché des valeurs et devises est par nature international, et tout pays qui se mettrait à les taxer autrement qu'ils ne le sont perdrait simplement sesa marchés au profit de pays moins cupides.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 27 avr. 2010, 09:51:00

mps a écrit :Pierre : des opérations en micro seconde, "contrôlées largement par GS, par exemple". Curieuse remarque : toutes les bourses du monde sont en accès direct à n'importe qui, même un berger landais ...
Oui c'est ça, tous les bergers landais ont dans leur remise un datacenter pour faire du high frequency trading (et la centrale électrique et les tours de refroidissement qui vont avec). Renseigne-toi un peu avant de raconter n'importe quoi, on ne parle pas de Boursorama ici.
Dans la pratique, les flux financiers sont étroitement contrôlés et déjà taxés.
C'est faux.
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pierre30
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Message non lu par pierre30 » 27 avr. 2010, 09:58:00

mps a écrit :Tout cela m'a l'air bien romanesque ...

Pierre : des opérations en micro seconde, "contrôlées largement par GS, par exemple". Curieuse remarque : toutes les bourses du monde sont en accès direct à n'importe qui, même un berger landais ...

Dantelu : Taxer les flux financiers, ha la bonne idée qui fait saliver  ... Pourquoi pas un "zéro", comme à certaines roulettes des Casino, où l'Etat raffle tout ce qui est sur la table ? Dans la pratique, les flux financiers sont étroitement contrôlés et déjà taxés.

Lancelot : "les républicains sont des bouseux". N'est-ce pas exactement le contraire (je ne les aime pas beaucoup, mais c'est un autre problème). Le marché des valeurs et devises est par nature international, et tout pays qui se mettrait à les taxer autrement qu'ils ne le sont perdrait simplement sesa marchés au profit de pays moins cupides.
Il y a des ordinateurs qui passent des ordres en fonction de la tendance de l'instant. Ces ordinateurs permettent de d'instiller des tendances sur les marchés, surtout lorsque les volumes d'échanges sont faibles et les tendances proches de l'équilibre. Les traders rêvent tous de marchés haussiers et c'est suffisant parfois pour faire régner un optimisme lucratif. Ces organismes peuvent ainsi manipuler les tendances (même si ils ne les contrôlent pas comlpètement).


Une taxe permettrait de limiter ces opérations peu volumineuses mais très nombreuses. Elles sont un outil qui facilite la spéculation et favorise les gros investisseurs par rapport aux petits porteurs.


Les américains en général et les républicains en particulier sont très largement favorables à la liberté en matière d'économie. La réaction du Sénat n'est pas très surprenante.

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mps
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Message non lu par mps » 27 avr. 2010, 11:45:00

Pierre, les traders gagnent autant à la baisse qu'à la hausse. Ce qui les tue, ce sont les marchés "plats".

Les petits opérations, même nombreuses, ne dérangent personne, vu qu'elles vont en sens divers. La réalité est toute autre :

deux brokers prennent le petit déjeuner à Wall Street; l'un dit à l'autre "je hais les plastiques, ce matin" ; l'autre acquièce.

Ils entrent au bureau, et se mettent à vendre des plastiques à tout berzingue. Les marchés s'inquiètent, se mettent à vendre massivement, les cours dégringolent ... a 16 heures, nos brokers rachètent le tout à la baisse, ils ont bien gagné leur journée !

Inutile de te dire que la valeur réelle des entreprises de plastique n'a pas changé d'un poil ...
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 27 avr. 2010, 11:59:00

mps a écrit :Pierre, les traders gagnent autant à la baisse qu'à la hausse. Ce qui les tue, ce sont les marchés "plats".

Les petits opérations, même nombreuses, ne dérangent personne, vu qu'elles vont en sens divers. La réalité est toute autre :

deux brokers prennent le petit déjeuner à Wall Street; l'un dit à l'autre "je hais les plastiques, ce matin" ; l'autre acquièce.

Ils entrent au bureau, et se mettent à vendre des plastiques à tout berzingue. Les marchés s'inquiètent, se mettent à vendre massivement, les cours dégringolent ... a 16 heures, nos brokers rachètent le tout à la baisse, ils ont bien gagné leur journée !

Inutile de te dire que la valeur réelle des entreprises de plastique n'a pas changé d'un poil ...
LOL. A ce niveau ça tient de l'image d'Epinal ou du film Wall Street (dont la suite va bientôt sortir).

En réalité le high frequency trading permet justement d'accumuler les toutes petites opérations en très grand nombre et à haute fréquence (de l'ordre de la milliseconde, d'où leur nom). Les grands groupes comme Goldman Sachs font ainsi l'acquisition de datacenters très puissants qui leur permettent d'effectuer des milliards de micro-opérations afin d'influer sur les tendances des marchés (même quand ils sont "plats", et oui) en générant ex-nihilo des profits considérables, grâce à des algorithmes très complexes (dont nos diplômés français sont les spécialistes mondialement reconnus). Sauf quand l'algorithmique foire, provoquant bulles ou krachs. C'est du trading à l'échelle industrielle, le trading "traditionnel" tenant de l'artisanat local en comparaison. De nos jours le HFT représente plus de la moitié des transactions mondiales et les 3/4 aux USA, ce qui est extrêmement préoccupant. En gros c'est Skynet : l'économie mondiale est à la merci d'un réseau de super-ordinateurs échappant à tout contrôle humain. Une taxe de type Tobin serait suffisante pour enrayer cette dérive dangereuse. Sauf pour ceux qui comme mps vivent dans un monde merveilleux peuplé de petits lapins et de petits oiseaux et pour qui ce genre de mesure n'est qu'une ingérence d'inspiration communiste dans l'univers de la finance.
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Message non lu par El Fredo » 27 avr. 2010, 12:08:00

Tiens sinon quelques infos sur le High Frequency Trading en provenance de l'excellent vidéoblog Warrant Marrant :

http://warrantmarrant.blog.capital.fr/i ... e&id_artic…
http://warrantmarrant.blog.capital.fr/i ... e&id_artic…
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Message non lu par pierre30 » 27 avr. 2010, 13:00:00

mps a écrit :Pierre, les traders gagnent autant à la baisse qu'à la hausse. Ce qui les tue, ce sont les marchés "plats".

Les petits opérations, même nombreuses, ne dérangent personne, vu qu'elles vont en sens divers. La réalité est toute autre :

deux brokers prennent le petit déjeuner à Wall Street; l'un dit à l'autre "je hais les plastiques, ce matin" ; l'autre acquièce.

Ils entrent au bureau, et se mettent à vendre des plastiques à tout berzingue. Les marchés s'inquiètent, se mettent à vendre massivement, les cours dégringolent ... a 16 heures, nos brokers rachètent le tout à la baisse, ils ont bien gagné leur journée !

Inutile de te dire que la valeur réelle des entreprises de plastique n'a pas changé d'un poil ...
El Fredo a déjà répondu, mais je voulais signaler que les traders peuvent gagner en effet à la baisse, mais il est bien plus facile de gagner sur un marché dont la tendance lourde est à la hausse : tu prends des positions et tu attends qu'elles montent.

Par contre, si le marché est à la baisse, tu ne peux faire que des coups en serrant les miches : n'oublies pas qu'il s'agit de vendre à découvert, puis d'acheter. Dans ce cas il ne faut pas avoir un portefeuille déjà constitué sinon il y a d'autres traders qui vont parier contre toi.

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Message non lu par mps » 27 avr. 2010, 16:17:00

Quoi qu'il en soit, ce sont des marchés pipés, pour les mêmes nazes que dans les casinos.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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