L'austérité fiscale rassure-t-elle les marchés ?

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 13 juin 2010, 23:24:00

(Traduction by mézigue)
http://krugman.blogs.nytimes.com/2010/0 ... -reassure-…
L'austérité fiscale rassure-t-elle les marchés ?

Voici une pensée que j'aurais dû avoir plus tôt au sujet du débat sur l'opportunité actuelle de l'austérité fiscale.

Pour l'essentiel, ce débat a eu lieu entre ceux qui, comme moi et Brad DeLong, affirment que les coupes budgétaires devraient être reportées jusqu'à ce que nous ne soyons plus dans une trappe à liquidité, et ceux qui insistent pour faire des coupes immédiates, quand bien même elles infligeraient des dommages économiques et ne contribueraient guère à améliorer la position budgétaire à long terme, parce que ces coupes immédiates sont nécessaires pour obtenir la crédibilité auprès des marchés.

Ma réponse, et celle de Brad, a été de dire qu'à présent il n'y a aucune indication factuelle disant que les États-Unis (ou le Royaume-Uni) aient un problème avec les marchés, et de se demander pourquoi les faucons du déficit (deficit hawks) sont tellement sûrs de ce que le marché voudra à l'avenir, même s'il ne le veut pas maintenant.

Mais j'ai soudain réalisé ce matin qu'il y avait encore une autre question à poser aux faucons du déficits : quelles preuves avez-vous que l'austérité budgétaire que vous demandez puisse rassurer les marchés, même s'ils perdaient confiance?

Considérons, si vous le voulez bien, les cas comparatifs de l'Irlande et de l'Espagne.

Les deux pays semblaient, en surface, être fiscalement responsables jusqu'à ce que la crise éclate, avec des budgets équilibrés et des dettes relativement faibles. Les deux ont découvert que ce n'était qu'une illusion : les revenus étaient soutenus par d'immenses bulles immobilières, et quand les bulles ont éclaté, ils ont plongé dans le déficit - et se sont trouvés potentiellement sous la menace de grandes pertes bancaires.

Les pays ont réagi différemment, cependant. L'Irlande a rapidement adopté une austérité sévère, l'Espagne a dû être poussée à l'austérité, et souffre toujours de troubles politiques majeurs.

Alors, comment vont les choses ? Cet article est typique de ce que qu'on peut lire : il décrit les Irlandais faisant ce qui doit être fait, tandis que les Espagnols tergiversent. Et il a de bonnes choses à dire sur la façon dont la réponse irlandaise fonctionne:

"le stoïcisme, mais aussi beaucoup d'amertume ; les marchés impressionné par les Irlandais se résolvent à l'austérité."

Eh bien, je suppose que c'est vrai - si par «marchés impressionné» on entends un CDS spread de 226 points de base, contre 206 points pour l'Espagne; sans oublier un taux obligataire à 10 ans de 5,11 %, contre 4,46 % pour l'Espagne.

Donc, je suis heureux d'entendre que l'acceptation stoïque de l'austérité par l'Irlande rassure les marchés ; ça doit être vrai, parce que c'est ce que tout le monde dit. Parce que si je ne le savais pas, je pourrais regarder les données et en conclure qu'en réalité les marchés ont moins confiance en l'Irlande qu'en l'Espagne, et qu'en réalité l'austérité dans une situation de profonde dépression économique ne rassure absolument pas les marchés.

Mais bon, qu'allez-vous croire: ce que tout le monde sait, ou vos propres yeux menteurs?
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Message non lu par mps » 14 juin 2010, 10:13:00

Cela s'appelle du "monisme" : attribuer fictivement un phénomène complexe  à une seule cause.

Tu peux aussi bien remplacer ton raisonnement par un autre sur les différences climatiques : devant se chauffer d'avantage que les espagnols, les irlandais auraient plus de mal à sortir de la crise. icon_biggrin
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Message non lu par Nombrilist » 14 juin 2010, 10:26:00

A noter la schizophrénie de notre gouvernement: vouloir lancer une cure d'austérité à peine quelques mois après avoir lancé un grand emprunt ! Il fallait y penser !

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 14 juin 2010, 10:26:00

mps a écrit :Cela s'appelle du "monisme" : attribuer fictivement un phénomène complexe  à une seule cause.
Tu te trompes, il analyse les conséquences et non les causes. Les conséquences d'une confiance accrue des marchés devraient être des indicateurs meilleurs pour l'Irlande que pour l'Espagne.
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Message non lu par El Fredo » 14 juin 2010, 10:29:00

Nombrilist a écrit :A noter la schizophrénie de notre gouvernement: vouloir lancer une cure d'austérité à peine quelques mois après avoir lancé un grand emprunt ! Il fallait y penser !
Très juste ! C'est comme demander en 2009 aux collectivités locales de participer au plan de relance (et les tançant vertement dans l'hypothèse où ces salauds de socialocommunistes traineraient des pieds, mauvais patriotes qu'ils sont), pour ensuite leur reprocher en 2010 d'être trop dépensières.
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Message non lu par mps » 14 juin 2010, 11:07:00

On peut à la fois, par un emprunt, irriguer ce qui doit l'être, et arrêter d'arroser ce qui n'en a nul besoin, non ?
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Message non lu par Nombrilist » 14 juin 2010, 12:15:00

On peut aussi arrêter d'arroser ce qui n'en a nul besoin et reporter cette eau là où il en faut. La différence, c'est qu'on n'a rien à emprunter et donc pas de dépenses supplémentaires en intérêts.

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Message non lu par mps » 14 juin 2010, 12:51:00

C'est de l'esprit, ces affirmations de "bébé" ?
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Message non lu par Nombrilist » 14 juin 2010, 13:08:00

??????????????????????????????????????????????????

logan
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Message non lu par logan » 14 juin 2010, 13:14:00

L'exemple argentin de Jean luc Mélenchon :

http://www.jean-luc-melenchon.fr/2010/0 ... leurope/#m…
D’autre part je m’interroge sur les raisons qui conduisent autant d’éditorialistes et même une majorité de commentateurs à n’exprimer ni réserve ni même contre éclairage par rapport à la vulgate monétariste. Ni pourquoi aucun bilan n’est jamais présenté à propos de l’application dans le passé ou ailleurs des politiques d’austérité du style de celles qu’applique le FMI, Strauss Kahn ou pas, dans le monde. dans le passé ? La maladie de la ritournelle frappe fort de nouveau. Un exemple. On a entendu les récitations contre le protectionnisme qui aurait conduit au désastre après la crise de 1929. Le refrain fut repris partout. Tout le temps. Même dans la déclaration finale du G20. Bien sur dans « Le Monde ». Et dans les résolutions du parlement européen. Qui a vérifié ? Pourquoi ne rien imputer aux politiques d’austérité qui furent appliquées alors ? Pourquoi ne rien dire de la politique de « l’étalon or » qui imposait des taux de change fixe entre monnaie et donc cette absurde rigidité qui étouffe la production et l’échange quand elle est appliquée avec dogmatisme comme on le constate, aujourd’hui comme hier, avec la politique de l’Euro fort ? Du coup j’ai décidé de faire un exemple. Je vais comparer ce qui se passe en Grèce à ce qui s’est passé en Argentine dans les années 90. Je le fais parce que comme militant de gauche je m’étais intéressé et impliqué dans la compréhension de ce qui se passait à l’époque en Argentine. J’ai lu et ramassé ici et là de quoi remettre en ordre mes souvenirs personnels. Mes assistants ont butiné de quoi nourrir mes intuitions.

Les moins de vingt ans ne peuvent pas savoir. L’Argentine, a été l’enfant prodige du FMI. Le très bon élève, celui que le maitre mettait en valeur pour inspirer ses congénères. Michel Camdessus, l’actuel conseiller spécial en matière de déficit public de Nicolas Sarkozy, était à cette époque le génial directeur du FMI. « L’Argentine a une histoire à raconter au monde » pétulait-il ! En effet ! Mais ce n’est pas celle qu’il annonçait.. Commençons par le début. En ce temps là régnait l’hyperinflation. J’ai connus ces billets qui déteignaient dans la poche et dans les mains parce que l’encre pour réimprimer leur valeur était tout le temps fraiche. Ce mécanisme terrifiant était déclenchée par les voyous friqués qui planquaient leur argent aux Etats Unis et minaient la monnaie de leur pays. Une mesure radicale fut prise. Elle ne punissait, bien sur, aucun spéculateur. Quelle idée ! Au contraire elle les cajolait. Ce fut pour eux, en quelques sortes, comme un rêve de Trichet et de Merkel. On garantit aux tricheurs la valeur de leurs avoirs en peso, la monnaie argentine. C’était une trouvaille géniale. Seul un demi-dieu du type Camdessus pouvait avoir une idée pareille. Sous son impulsion, en 1991, le parlement argentin adopte une loi de convertibilité de la monnaie absolument sans précédent. A partir de là fut proclamé: « un peso est égal à un dollar ». La mise en place de régime de taux de change fixe correspondait à la création à partir de rien d’un peso fort et stable. Un peso fort comme un euro fort d’aujourd’hui. Bien sur tout cela était parfaitement et totalement artificiel puisque sans aucun rapport avec la production et les échanges réels à l’intérieur du pays. On connait. C’est la même doctrine que celle de notre chère banque centrale européenne (BCE). C’est ce que proclame le splendide article 127 du Traité de Lisbonne concernant le fonctionnement de l’Union : « L'objectif principal du Système européen de banques centrales, est de maintenir la stabilité des prix ».

Dans ce contexte, l’économie réelle s’anémie, l’activité vivote mais un porte feuille en fer est garanti aux puissants. Certes en Argentine, l’effet fut d'abord spectaculaire. Notamment sur l’inflation. Avec le retour des capitaux, elle passa de 5000 % à 4 % en à peine 3 ans. Toute la scène internationale fut aussitôt couverte par les cris de joie de la célébration du « miracle argentin ». Camdessus, dont le livre de recette économique ne quitte pas le chevet de son ami Nicolas Sarkozy si l’on en croit ce dernier, louangeait à grandes trompes. Carlos Menem le président argentin élu en 1989 accompagne évidemment cette merveille par un superbe plan d’austérité dont on affirmait qu’il garantirait le sérieux de l’opération. Il a fait ainsi avant l’heure la politique de Strauss Kahn en Grèce ! Quel visionnaire ! Le remède de cheval habituel a donc été mis en place : libéralisation commerciale et privatisation de la totalité des entreprises publiques. Tout est vendu ou presque : gaz, pétrole, compagnie aérienne, chemin de fer, téléphone, énergie … Une orgie de bonnes affaires pour les gros portefeuilles ! En peso ou en dollar, c’était tout du pareil au même. Le pays fut pillé. Evidemment ces fainéants de fonctionnaires argentins furent frappés les premiers par une vague de licenciements massifs. Camdessus était en épectase !

Hélas, si le peso était dorénavant stable, le dollar, lui, ne le sera jamais. Et, comme on le sait, les variations du dollar n’ont jamais rien à voir avec l’état de l’économie réelle des Etats Unis. Car sinon ce pays serait déclaré en faillite depuis longtemps. En tous cas à partir de 1999, une spéculation mondiale sur le dollar et les bourses américaines portent le dollar à des sommets. Horreur ! Les marchandises argentines, les matières premières agricoles que produit ce pays sont alors invendables. Mais dévaluer le peso n'est pas possible puisque tous les comptes sont libellés dans la monnaie magique « un peso égal un dollar ». L’Argentine est asphyxiée. Au secours ! Que faire monsieur Camdessus, vous qui êtes si intelligent ? Garantir la stabilité, vous a-t-on dit ! Sinon tous ceux qui vous ont fait confiance en vous confiant leur argent ou à qui vous en devez vont être très fâchés ! Bande de danseurs de tango ! L’Argentine était donc en camisole de force. Impossible d’ajuster la monnaie à sa valeur réelle. C’est ce qui arrive à la Grèce aujourd’hui. Elle aussi est également privée de l’instrument du taux de change. Elle ne peut dévaluer. Les préteurs la tiennent donc à la gorge comme ils tenaient l’Argentine. C’est d’ailleurs la situation de toute la zone euro actuellement. Les États n’ont pas la maîtrise de la monnaie puisque la politique de change de l’euro est gérée par la BCE et le Conseil. Voyons le résultat. En Argentine l’asphyxie avança. Le chômage explosa ! Du rio de la Plata à la Patagonie, le pays fut secoué par les protestations et les manifestations de chômeurs. Tous ceux qui possédaient le moindre peso couraient le changer en dollar pour se protéger en sachant parfaitement bien que le mythe d’un peso égale un dollar ne résisterait pas à l’épreuve de vérité. La pénurie de dollars, et donc de pesos s'aggrava donc vertigineusement.

Mais comme il faut bien vivre et que l’économie n’est pas un caprice des dieux mais une fonction de base de la vie en société, il fallait quand même produire et échanger. Des monnaies alternatives sont donc apparues ! Mais oui ! Ce fut le cas du « patacon » dans la région de Buenos Aires. Ce genre de monnaie de substitution permettait aux régions de maintenir de hauts niveaux de dépenses publiques pour empêcher l’activité de s’effondrer totalement. L'État central Argentin en vint donc lui-même à généraliser cette solution de contrebande. Il émet alors des reconnaissances de dettes appelées LECOP. Vous suivez ? L’état émettait des Lecop dont la signification était : je vous dois tant de pesos, que je n’ai pas, qui eux mêmes valent tant de dollar. Une vraie trouvaille, non ? Ces LECOP servent alors par exemple à payer les fonctionnaires. Dès lors ils se diffusèrent dans tout le pays. Jusqu'à 80 % du salaire finira par être versé de cette façon et près de 50 % de la masse salariale totale sera libellé sous cette forme. Ces papiers avaient d’ailleurs l'apparence de billets de banque. Ils finirent par être acceptés comme moyen de paiement dans beaucoup de magasins. Lesquels se firent banquiers en ajoutant une surtaxe pour tout achat payé de cette façon. Au pic de la crise déclenchée par les conséquences de la politique de monsieur Camdessus, ces papiers représentaient une part immense de la monnaie en circulation en Argentine : près de 6 milliards de Pesos. Pendant ce temps le gouvernement faisait, cela va de soi, une politique d’austérité, avec courage face à ce ramassis de latinos folkloriques ! Alors, bien sur, son parti fut battus par tous ces ingrats.

Le successeur du président Menem qui avait si bien appliqué la politique de monsieur Camdessus fut Fernando De la Rua, chef du parti radical, membre de l’internationale socialiste. Son équipe était un concentré de sociaux libéraux "réalistes" et "gouvernementaux", Bla Bla. Le ministre des finances, Domingo Cavallo, un illuminé du libéralisme, fut proclamé « homme de l’année » au jamborée de Davos ! La gloire à l’état pur. Le pillage du pays continua donc avec désormais la bonne conscience habituelle des sociaux démocrates. Et l’agonie économique continua aussi, à petit feu. J’étais présent dans la salle de réunion entre Jospin et De La Rua quand ce fou de Cavallo proposa d’échanger un prêt sans prime de risque contre un remboursement prioritaire sur des privatisations. La « prime de risque » était déjà le problème ! « Ah bon ? Il reste quelque chose à vendre dans ce pays » soupira le premier ministre argentin ! Non bien sur. Ca se savait. Aucun sacrifice n’était plus guère envisageable, faute d’avoir à qui l’imposer, la bête étant déjà tondue jusqu'à la peau. L’Argentine parti à la dérive dans un océan de chômage, d’économie de troc et de combines calamiteuses de gestion publique.

Le 5 décembre 2001, le bourreau qui a déclenché la machine infernale donne le coup de grâce. Le FMI annonce qu'il refuse de transférer 1,26 milliards de dollars, comme il l’avait promis. Car, disaient ces sadiques, le plan « Déficit zéro » de Cavallo n'avait pas été mis en œuvre « sérieusement » ! Le FMI abandonne ses proies sitôt que le moindre problème apparait. C’est ce qui attend la Grèce. Son plan d’austérité sera évalué tous les trimestres avant le versement de l’aide financière prévue. Cela a été exigé par le mémorandum du FMI et l’Union Européenne. Car « l’Europe qui protège » a délégué au FMI la surveillance du plan « d’aide ». Et comme on le sait, l’aide est conditionnée à des mesures de libéralisation forcenée sur le modèle argentin. C’est à dire la vente de ce qu'il reste des biens publics, les suppressions de postes de fonctionnaires et ainsi de suite. Que se passe-t-il alors ? Voyons l’Argentine. La mauvaise nouvelle du blocage de « l’aide » par le FMI provoqua une énormissime crise de confiance dans la classe moyenne. Et la navette des bas de laine repris son bal entre les deux rives du Rio de la Plata, nombre de grands naïfs croyant qu’en cachant leur argent en Uruguay, sur le trottoir d’en face, ils échapperaient au siphon.

Le socialiste De la Rua et sa bande de « courageux gestionnaires » décidèrent de séquestrer les comptes bancaires : interdiction aux particuliers de retirer plus de 250 pesos par semaine ! Cette invention reçu un joli nom qui sonnait doux : le corralito. Les sous se trouvaient en quelque sorte retenus pour leur bien dans un petit coral comme de bestiaux qu’on protège dans la pampa ! L’abime s’ouvrit sous les pas de l’Argentine. Grèves générales, fuites des petits patrons, disparition d’aigre fins banquiers en Uruguay et en Argentine, bref ce fut le chaos ! Les gens dans la rue devant les banques tous les jours tapant dans des casseroles. Les socialistes demandèrent à l’armée d’intervenir. Elle refusa. Ce fut donc la police qui tira dans le tas faisant vingt huit morts. Enfin, tout s’effondra. De La Rua s’enfuit. Domingo Cavallo finit en prison pour corruption. Le FMI maintenait pourtant toujours aussi fermement le pied sur la gorge des argentins. En trois mois le pays vit se succéder et démissionner trois présidents de la république. Puis l’équipe actuelle, alors composante de la vague de la révolution démocratique qui déferle sur l’Amérique latine, l’emporta. Cette séquence et très instructive. Ce qui est frappant c’est que les argentins savaient que rien ne pouvait s’améliorer jamais après des années de souffrances, les refrains ne changeaient jamais : austérité, dépenses excessives Bla Bla.

En Grèce ce sera tout pareil. D’ors et déjà le plan du FMI intègre dans ses prévisions la baisse d’activité due a ses plans d’austérité et le poids supplémentaire de la dette provoquée par l’augmentation des intérêts de celle-ci. En 2015, après cinq années de purge et de souffrance, la part de la dette dans le PIB en Grèce aura augmentée pour parvenir à 150 % C’est le FMI lui-même qui le dit. Les grecs auront souffert pour rien à part payer les intérêts aux banques. Pourtant, à ce moment là, on dira de nouveau aux grecs qu’ils doivent être « plus sérieux », mieux appliquer le plan de sacrifices et ainsi de suite. La solution est pourtant simple. Il faut voler les voleurs. C’est ce qu’on finit par décider les bons bourgeois qui dirigeaient l’Argentine.

En janvier 2002, Eduardo Duhalde, troisième président de la République consécutif en trois mois déclare l’insolvabilité du pays. C’est le défaut de paiement. Les créanciers sont floués. La monnaie magique est abolie de fait. Le change du peso fut fixé à 1.40 Peso pour 1 Dollar. Ce n’est pas beaucoup. Juste 28% de dévaluation. Tout ça pour ça ! Evidemment il y a eu de la casse. Mais plus pour les mêmes. Tous les contrats signés en dollars devinrent immédiatement caducs. Financiers et grands entrepreneurs hurlèrent a la mort. Mais aucun ne s’écroula en dépit des pertes qu’ils subirent. Mais la dévaluation eut son effet positif. Enfin les produits argentins redevenaient vendables. Le secteur agro-industriel redémarra. L'Argentine se dépêcha de rembourser certes avec beaucoup de retard sa dette vis à vis du FMI pour ne plus avoir à faire à cette institution que tout le monde après cela fuit comme la peste ! En 2005, Le ministre argentin de l'économie Roberto Lavagna annonce aux créanciers privés qu’ils ont 6 semaines pour accepter la proposition de restructuration de la dette. Il affirme qu’« il ne fera plus aucune offre dans le futur » et que ceux qui refuseront celle-ci risquent bien de ne jamais rien recevoir de l'État argentin. La dévaluation de cette dette est alors massive. La somme proposée pour le remboursement des prêts internationaux privés est d’environ 35% de ce qui est dû. Le montant des impayés de la dette privée argentine était de 81 milliards de dollars depuis 2001. Fin 2002, l'économie repart. Les effets favorables de la dévaluation sont alors clairement observables. Début 2003, la plupart des monnaies alternatives furent abolies et la valeur qu’elles représentaient fut garantie par l’Etat. La consommation redémarra et la vie commença à redevenir vivable. Je me souviens de la stupeur des argentins apprenants qu’ils pouvaient renoncer à leur régime de retraite par capitalisation et revenir au régime par répartition. En six mois un million de personnes firent leur transfert préférant offrir aux caisses de retraites par répartition leurs avoirs capitalisés plutôt que de rester dans les mains des sangsues bancaires.

Telle est la leçon de l’Argentine qui devrait être connue en Grèce et que nous ferions bien de méditer pour savoir que faire dans l’hypothèse où notre tour viendrait. "Gouverner contre les banques" ce sera le thème du forum du Parti de gauche le 12 juin prochain, avec la participation d’Oskar La Fontaine. Le contraire d’un colloque savant. Plutôt la préparation d’un mode d’emploi. Je ne finis pas mon récit sans vous dire qu'il reste toujours un peu d'espoir pour que les méchants soient punis à la fin du film. Dans ce cas, après avoir ruiné l'Argentine, et le Mexique parmi d'autres, Camdessus fut viré du FMI où il n'acheva pas son second mandat.

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Message non lu par Nombrilist » 14 juin 2010, 13:27:00

Oui j'ai lu cette note. Tu nous l'avais déjà montrée pour expliquer que la Grèce devrait sortir de la zone euro.

logan
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Message non lu par logan » 14 juin 2010, 13:27:00

me... je radotte ^^

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mps
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Message non lu par mps » 14 juin 2010, 16:26:00

Titulaire d’un CAPES de lettres modernes et d'une maîtrise de philosophie, il a été professeur de français dans l’enseignement technique, correcteur dans l'imprimerie, ouvrier d'entretien, journaliste, puis directeur de cabinet municipal en banlieue parisienne.

Voila pourquoi il excelle sans doute à raconter es histoires à dormir debout ! icon_biggrin icon_biggrin icon_biggrin

En fait, la monnaie argentine est devenue complètement rock & roll depuis Perron, avec des mesures maladroites, dont la principale est d'avoir, lors de la parité du peso avec le dollar, gardé une banque centrale qui a joué les faux-monayeurs contre sa propre monnaie.

Un cafouillage intégral, des fuites bouchées à la hâte sans plan d'ensemble, de quoi doner la migraine ...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_économique_argentine
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wesker
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Message non lu par wesker » 18 juin 2010, 13:54:00

Au vu de l'instabilité boursière, on peut tous constater que les mesures annoncées n'ont eu aucun effet sur les marchés qui ont simplement dicté leurs conduites aux politiques qui devaient faire preuve de hauteur et de responsabilité....Hélàs, la volonté de satisfaire les marchés ont conduit les gouvernants à prendre des mesures d'austérité qui entraineront à n'en pas douter une depression sérieuse et grave qui risque de menacer la cohesion sociale et les grands équilibres budgetaires !

logan
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Message non lu par logan » 18 juin 2010, 14:02:00

Faut être vraiment bète pour ne pas comprendre que c'est totalement tyrannique d'ériger la satisfaction de la volonté des marchés comme objectif premier de la nation. Ce n'est pas à ces "marchés" ( qui ne sont rien d'autre que les grandes banques / fonds de pension / hedge funds ) de gouverner, mais au peuple.
C'est quand même dingue ?
Vous vous rendez compte de la gravité des évènements que nous sommes en train de vivre ? Du coup d'état que cela représente ? Et tous ces médias aux ordres qui relaient la propagande du gouvernement sans se poser de questions, c'est affligeant.
Ca va mal se terminer tout ça, vous croyez que les peuples vont rester léthargiques et se laisser faire ?
Nous en tout cas on ne se laissera pas faire.

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