Industrie aéronautique : concurrence économie ecologie vont de pair

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pierre30
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Industrie aéronautique : concurrence économie ecologie vont de pair

Message non lu par pierre30 » 05 déc. 2019, 11:46:46

Forte domination de airbus sur les moyens courriers, domination de boeing sur les longs courriers. Chute du secteur pour les courtes distances.
Comment la constitution de duopoles dans tous les domaines, parfois déséquilibrés au profit de l'un des protagonistes, freine l'innovation et les solutions écologiques.
Plus d'un an après avoir claqué la porte d'Airbus dix mois seulement après son arrivée comme directeur commercial après de longues années passées à la présidence de Rolls Royce Aerospace, Eric Schulz, désormais président de SHZ Consulting, sort de son silence. La Tribune l'a rencontré le mois dernier lors de l'APG World Connect. S'il refuse d'évoquer les raisons de son départ d'Airbus, Eric Schulz a accepté de livrer sa vision du marché et son analyse des enjeux de l'industrie aéronautique civile pour le futur. Entretien.
Schulz

La Tribune. Pourquoi avez-vous quitté Airbus?

Eric Schulz : Je ne souhaite pas répondre à cette question. Cela appartient au passé. Je préfère parler de l'avenir.

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Quelles sont les tendances du marché aéronautique ?

La croissance du trafic aérien reste très soutenue, de l'ordre de 5% par an. Pour autant, on parle souvent d'un doublement du trafic aérien tous les quinze ans. Ce n'est pas tout à fait exact. Ce chiffre représente une moyenne. Le marché des gros-porteurs par exemple n'augmente que modérément, de 2,5% à 3,5% par an. Sa croissance est inférieure à celle observée pour les avions moyen-courriers car le transport aérien long-courrier est confronté à beaucoup plus de contraintes. Il y a notamment les droits de trafic entre pays et quand il y a une libéralisation des services aériens entre deux pays, l'accès aux aéroports est parfois limité par le manque de créneaux horaires de décollage et d'atterrissage. De l'autre côté de l'échelle, on voit que le marché des avions dits régionaux a été laminé ces dernières années par les low-cost qui ont opté pour de larges flottes d'avions moyen-courriers de type A320 ou B737 en raison de l'économie rapportée au siège de ces avions. Les tentatives de Bombardier et, à un degré moindre d'Embraer, d'attaquer le bas de la gamme moyen-courrier a non seulement échoué mais a débouché sur la prise du contrôle du C-Series de Bombardier par Airbus et le rachat de la division d'avions civils d'Embraer par Boeing. L'échec de ces stratégies a finalement conduit à une concentration renforçant de facto la domination des acteurs en place. Airbus domine largement Boeing sur ce secteur des avions moyen-courriers avec sa famille A320. Le B737 souffrait depuis plusieurs années et ce, bien avant son immobilisation en mars après les accidents de Lion Air et d'Ethiopian Airlines. Ce marché est en pleine expansion car les low-cost sont le moteur de la croissance mondiale et utilisent à large échelle ce type d'appareils monocouloirs. D'où les commandes massives de ces compagnies. Aujourd'hui, approximativement quatre livraisons d'avions commerciaux sur cinq sont des avions moyen-courriers. En revanche, Boeing possède toujours un avantage sur le monde du gros porteur. Les deux avionneurs ont donc tous deux leurs marchés privilégiés.

Selon l'Association internationale du transport aérien (IATA), le trafic aérien devrait doubler d'ici à 2037 par rapport à 2018, pour atteindre 8,2 milliards de passagers. Le secteur pourra-t-il absorber cette croissance?

Le marché est dopé par la croissance des classes moyennes dans les pays émergents et plus particulièrement par les compagnies low-cost de ces pays-là. Je pense que le marché est en mesure de doubler sur les 15 prochaines années en termes de demande. Il existe néanmoins quelques risques. Le passé récent a semblé démontrer que le trafic aérien de passagers résistait plutôt bien aux risques géopolitiques, mais les effets d'une crise plus profonde n'est pas à exclure, en particulier si celle-ci devait apparaître dans l'une des régions qui dope la croissance, en Asie et en Chine par exemple. La question des infrastructures, notamment aéroportuaires, reste également en suspens.Enfin, la pression environnementale va de mon point de vue s'accentuer et peut perturber la croissance attendue. Aujourd'hui avec 2,4% des émissions de CO2, l'aviation est déjà pointée du doigt. Dans ce contexte, l'activité moyen-courrier qui, rappelons-le, est le moteur de croissance de l'aviation commerciale, sera sous pression. Elle le sera d'autant plus qu'à l'exception des motorisations très récentes des avions qui occupent ce marché (A320, B737), le design initial de ces derniers remonte à plusieurs décennies. En revanche, le marché long-courrier a vu arriver de nouveaux avions équipés de nouvelles technologies (B787, A350) extrêmement efficaces.

Il y a comme un paradoxe. L'essentiel de la demande porte sur des avions de la famille A320 et B737 dont le design est très ancien. Comment expliquez-vous que les efforts en termes d'innovations n'aient pas été portés sur les avions les plus demandés?

On parle souvent du duopole Airbus-Boeing mais, en fait, toute "la supply chain" (chaîne des fournisseurs, NDLR), notamment au niveau des sous-traitants de rang 1, est elle aussi constituée de plusieurs duopoles. On peut noter, par exemple, le duopole General Electric-Rolls Royce pour la construction des gros moteurs, celui que constituent Pratt & Whitney et CFM International (Safran-General Electric) pour les moteurs d'avions moyen-courriers, celui d'Honeywell et UTC pour les APU (auxiliaires de puissance, NDLR), celui de Thales et Rockwell Collins dans l'avionique, celui de Collins Aerospace et Safran pour ce qui est des systèmes mécaniques (trains, roues et freins).... L'équilibre dans lequel l'industrie aéronautique commerciale évolue est très important. Dans la mesure où les barrières à l'entrée sont importantes dans l'aéronautique, le remplacement de fournisseurs est extrêmement difficile et très risqué pour les donneurs d'ordre dans un duopole. D'autant plus quand les taux de production augmentent et que l'industrie double tous les 15 à 20 ans. Dès lors, deux acteurs d'un même marché captent chacun une part de croissance significative en investissant moins car il n'y a plus de trublions capables de prendre des risques pour gagner des parts de marché et changer cet équilibre. Le marché devient alors plus établi, mais aussi indéniablement plus statique.

Doit-on par conséquent lier l'existence de ces duopoles à un manque d'agressivité en matière d'innovation ?

Cette question, en effet, mérite d'être posée. On peut noter qu'au moment où le marché se développe de manière soutenue (on parle tout de même de près de 40. 000 avions commerciaux à livrer au cours des 15 à 20 prochaines années), il n'y a pas aujourd'hui chez les deux gros avionneurs de nouveaux programmes en développement (si j'exclus le B777X) ce qui, je crois, est unique dans l'histoire de l'aviation commerciale. Certes il y a eu des développements récents de gros porteurs, qui sont aujourd'hui en production, mais les moyens porteurs qui concentrent l'essentiel des livraisons, n'ont connu que des remotorisations. Certains y verront une maturité bienvenue de l'industrie, d'autres probablement un manque d'ambition à l'heure où les défis écologiques polarisent l'attention.

Certains estiment que le modèle économique des motoristes, qui perdent de l'argent sur la vente d'avions neufs et se rattrapent sur les services après-vente, constitue un frein à l'innovation. Qu'en pensez-vous?

Sans vouloir trop défendre les motoristes, il faut noter que tous les programmes en production, sans exception, qu'ils soient totalement nouveaux (B787, A350) ou issus d'une remotorisation (A320neo, B737MAX, A330neo) ont tous des ensembles propulsifs de nouvelle génération. Lorsque l'on prend en compte le "business model" que vous décrivez dans votre question, on peut aisément dire que les motoristes ont largement investi dans l'innovation. Je ne suis pas sûr que l'intégralité de la "supply chain", en particulier sur les programmes de remotorisation, en ait fait de même. Cela dit, les motoristes ont aussi un intérêt bien compris à ce que chaque moteur délivré vole le plus longtemps possible, car il génèrera ainsi des demandes de rechanges essentielles à leur équilibre économique.

Que pensez-vous de la volonté d'Airbus et de Boeing est clairement affichée de pénétrer le marché des services?

Il est indéniable qu'Airbus et Boeing ouvre le marché des services à la "supply chain" en sélectionnant les fournisseurs au début des programmes. Il est donc probablement légitime, de leur point de vue, de souhaiter recevoir en retour une contribution aux marges dégagées sur les services. Mais d'un autre côté, les fournisseurs sont ceux qui investissent sur leurs fonds propres à un moment ou les programmes ne sont pas garantis de succès, et apportent leur propriété intellectuelle, laquelle, on l'oublie trop souvent, se situe très majoritairement chez les fournisseurs, en particulier pour ce qui concerne les moteurs et les systèmes. Dès lors, ces fournisseurs investissent à risque, perdent de l'argent (ou n'en gagnent pas beaucoup) au moment de la vente des produits neufs... et doivent attendre plusieurs années que le service après-vente commence pour dégager de la marge. Ce sont les "business model" plus ou moins prononcés des systèmes avions. On peut donc comprendre la crainte des fournisseurs de perdre une liberté sur l'après-vente. Surtout si cela devait concerner des programmes dans lesquels ils ont déjà investi. De mon point de vue, l'éventuelle entrée des avionneurs dans les services ne peut se faire que graduellement, dans un cadre négocié, surtout si les avionneurs ne lancent pas de nouveaux programmes et de facto perdent un outil majeur de levier.

Que vous inspire la crise rencontrée par Boeing ?

Le problème du système anti-décrochage MCAS (Maneuvring Characteristics Augmentation Systems) observé sur le Boeing 737 MAX est complètement lié à ce déplacement du marché des avions moyen-courrier vers plus de capacité et plus de rayon d'action. Cette évolution a favorisé l'avion l'A320 qui est légèrement plus gros et possède plus de marges pour soutenir ces évolutions. Dès lors, Boeing a été forcé d'user de stratagèmes techniques pour repousser les limites physiques du B737 (garde au sol moteurs, centre de gravité, position moteurs, logique de commande vol, marge au décrochage). L'ironie de cette situation est que Boeing pourrait, au final, avoir dépensé autant pour éponger les coûts générés par la crise du B737 MAX que ce qu'il fallait pour lancer le NMA (new midsize aircraft), un avion qui permettait de remplacer le 757 et le 767 et de freiner la percée de l'A321neo. Mais après ce coup dur, je pense que Boeing s'en remettra car le marché ne peut se satisfaire d'un seul fabricant.

Avec la crise du B737 MAX, certains estiment que Boeing devrait lancer un nouvel appareil. Qu'en pensez-vous ?

Même si Boeing voulait lancer un nouvel avion, que peut-il faire réellement ? Le principal gain d'efficacité d'un nouvel appareil est apporté par les moteurs. Sans l'appui d'une technologie moteur qui fait gagner environ 15% d'efficacité opérationnelle, les avionneurs ne sont pas en mesure de lancer un nouveau produit. Aussi, et même si Boeing avait la volonté de lancer un nouveau produit, il lui faudrait attendre longtemps avant qu'une nouvelle technologie moteur arrive à maturité dans la mesure où tous les programmes d'avions ont des motorisations très récentes.

A quelle horizon arriverait un tel avion selon vous?

Si Boeing prenait la décision aujourd'hui de lancer un successeur au B737MAX, ce nouvel avion volerait à l'horizon 2026-27. Si l'on ajoute le temps nécessaire pour monter en cadence de production, il vaut mieux parler de 2030 environ. Le tout, avec un avion qui n'afficherait probablement qu'un petit gain de performance par rapport à l'A320neo, peut être de l'ordre de 5 % au maximum, alors qu'il faudrait un gain de 15% pour apporter aux compagnies aériennes un produit radicalement meilleur. Le compte n'y est pas.

Dans ce schéma Airbus pourrait-il attendre quelques années pour sortir un nouveau produit en rupture ou devrait-il au contraire suivre Boeing dans la foulée?

Airbus est en position dominante aujourd'hui sur le marché moyen-courrier et peut effectivement attendre. D'autant plus qu'Airbus a techniquement, je pense, un coup d'avance sur Boeing avec la possibilité d'améliorer l'A320neo en introduisant une aile en composite. Notamment sur l'A321, comme l'a fait Boeing sur le B777-X. Une telle modification permettrait de réduire la masse avion (OEW) et de gagner encore en rayon d'action. Ce qui rendrait la vie encore plus difficile à Boeing. Concernant un nouveau produit de rupture, Airbus a le même problème que Boeing, et ne dispose pas (encore) d'une technologie moteur qui pourrait changer fondamentalement la donne.

Quel serait le coût d'une nouvelle aile ?

Ce serait probablement un programme de plusieurs milliards de dollars. Je l'estime entre 2 et 3 milliards contre au minimum 4 à 5 fois plus pour Boeing s'il devait lancer un nouvel appareil qui serait à peine plus performant. C'est une situation très difficile pour Boeing et je ne crois pas que l'avionneur américain ait de solutions à court-terme.

Dans ce paysage, la Chine, qui travaille toujours sur la certification de son appareil moyen-courrier, le Comac C919, peut-elle tirer son épingle du jeu ?

La question, pour moi, n'est pas de savoir si la Chine sera une puissance aéronautique ou pas, mais quand elle le deviendra. Et je pense aussi que le calendrier peut s'accélérer. On peut très bien imaginer que le gouvernement chinois demande à ses compagnies de soutenir le C919 en imposant, par exemple, l'achat d'un avion chinois pour tout achat d'un appareil occidental. Personnellement, cela ne me choquerait pas. L'industrie aéronautique est stratégique. Elle l'a été pour l'Europe aussi au début de l'extraordinaire histoire d'Airbus. Mais je ne pense pas que l'appétit chinois se limitera au seul marché intérieur. Dès lors que le C919 sera prêt et que les compagnies aériennes chinoises auront été encouragées à le choisir, il n'est pas inimaginable que la Chine utilise ses leviers géopolitiques pour placer son avion à l'export. N'oublions pas que Pékin joue un rôle actif dans plusieurs parties du monde, notamment en Afrique et en Asie du sud-est.

A quel horizon le C919 pourrait-il voir le jour à l'export selon vous ?

Je pense qu'il est probable de voir la Chine pousser les ventes de C919 de manière agressive vers les années 2022-2023.

Mais le C919 ne vole pas commercialement et la certification en vol semble laborieuse ?

La certification et les premiers pas sont à l'évidence laborieux. Mais la Chine a la possibilité d'acheter des compétences.

Qui d'Airbus et de Boeing serait le plus menacé par un tel scenario ?

Admettons que Comac continue à prendre du retard et que le C919 n'arrive à l'export qu'à l'horizon 2025 "seulement". À cet horizon, Airbus sera en position ultra dominante sur le marché des avions moyen-courrier, avec probablement 60% de parts de marché, voire plus. En tant qu'acteur dominant, Airbus serait donc le plus menacé lors d'une arrivée du C919. D'autant plus que l'ancrage géopolitique de la Chine est fort dans les zones géographiques où Airbus est plutôt bien positionné. De son coté les Etats-Unis restent un bastion fort du B737 et aussi de l'A320, mais il est peu probable que l'offensive chinoise commence par cette zone géographique.

Mais s'il a un coup d'avance sur Boeing, Airbus en a par conséquent au moins un sur Comac?

Airbus a des arguments en effet et ne doit pas être inquiet parce que le C919 peut arriver. L'effet de taille de la flotte lui sera favorable pendant encore de longues années.

Croyez-vous à un gros-porteur chinois ?

Là pour le coup, cela me semble beaucoup plus lointain. Le long-courrier, c'est une autre paire de manche. Le danger pour Airbus et Boeing est lié au C919 dans un premier temps. Le gros porteur chinois suppose une première réussite sur le moyen-courrier.

Quel impact la pression environnementale peut-elle avoir sur le transport aérien et l'industrie aéronautique ?

Il y a un changement fondamental des mentalités. Tout d'abord, par rapport à d'autres modes de transport (le train par exemple lorsque la comparaison existe comme c'est le cas sur des vols court et moyen-courriers), il faut noter la part disproportionnée des émissions du transport aérien par rapport au nombre de passagers transportés. Cette une réalité difficilement contestable. Je m'attends à ce que la société pousse pour cette mutation technologique qui a déjà commencé dans d'autres secteurs, comme l'automobile. L'industrie aéronautique ne peut plus seulement se contenter de dire, comme elle l'a fait par le passé, qu'elle n'émet que 2,4% des émissions mondiales de CO2... Cette remarque factuellement correcte, n'est plus émotionnellement acceptable et tous les acteurs du transport aérien sont aujourd'hui confrontés à ce défi.

On parle beaucoup d'un avion hybride pour les successeurs de l'A320 Neo et du B737 MAX. Quel est l'avantage d'un avion hybride ?

L'hybride permet une transition entre les avions actuels et potentiellement des avions électriques. Le principe consiste à utiliser une turbine à gaz pour la génération d'énergie. Mais au lieu de délivrer une puissance qui permet à l'avion d'avancer, cette puissance est récupérée sur un arbre et est ensuite transformée en un courant électrique qui permet de la distribuer et de la stocker dans des batteries. La technologie hybride va donc permettre de préparer le design d'un avion qui deviendra un avion électrique même si la source d'énergie restera le kérosène dans un premier temps. Cette technologie permettra donc aux avionneurs de travailler sur de nouveaux concepts d'avions. Elle risque fort de transformer la "supply chain" car certaines technologies d'aujourd'hui risquent de devenir obsolètes et de disparaître demain dans des avions purement électriques.

Ces nouveaux avions et ces nouvelles motorisations peuvent-elles entraîner un rapprochement motoristes-avionneurs ?

Tout est envisageable à ce stade, y compris la disparition de certains gros acteurs d'aujourd'hui et leur remplacement par de nouveaux acteurs qui se seraient adaptés plus rapidement aux nouvelles technologies. L'un des gros défis pour les sociétés aéronautiques, c'est qu'elles doivent se concentrer sur une phase d'augmentation très forte des cadences de production, et, en même temps, préparer l'avion de demain et d'après-demain. C'est extrêmement difficile de se projeter à 15 ou 20 ans, surtout quand le système de production actuel est sous tension. Cette possible transformation vers l'électrique ou vers une autre technologie est d'autant plus complexe qu'elle peut également chambouler les frontières entre les acteurs industriels (avionneurs, motoristes et fabricants de systèmes). Il y a donc un nouveau modèle à inventer et comme tout changement profond, il créera des opportunités. Il n'est pas impossible de voir une intégration verticale et des relations nouvelles entre motoristes et avionneurs.

L'avion à hydrogène est également évoqué pour la prochaine génération d'avions moyen-courriers? Qu'en pensez-vous?

Cela peut également fonctionner. La capacité de stocker l'hydrogène constitue néanmoins une difficulté. Des programmes routiers relativement performants ont vu le jour et la technologie semble prometteuse. Si l'on exclut le problème de stockage du carburant, l'hydrogène est techniquement plus facile à mettre en œuvre en termes de modification des aéronefs. Les piles à combustibles sont également une solution potentielle. A ce stade, il ne faut éliminer aucune technologie.

Ces nouvelles technologies peuvent-elles changer l'ordre établi?

L'industrie aéronautique occidentale doit faire attention. Certes, elle a totalement dominé la construction aéronautique depuis ses origines et cette antériorité lui donne des fondations pour l'avenir. Mais cela ne constitue pas une ligne de défense pour le futur. L'Asie a des ambitions claires, la Chine en particulier. Et un changement technologique majeur, qui remettrait en cause beaucoup de principes qui prévalaient jusqu'ici, peut être un détonateur pour l'émergence de nouveaux entrants.

Peut-on accélérer l'arrivée de ces nouvelles technologies en augmentant fortement l'enveloppe d'investissements ?

C'est une question importante. Pour l'heure, l'industrie est encore dans une logique de montée en puissance de sa production afin de délivrer les carnets de commandes et coller à la croissance mondiale. Les industriels font avec les priorités du moment et avec les attentes du marché. Certes toute l'industrie travaille déjà sur des projets technologiques plus ou moins avancés. Néanmoins, la question, fondamentale est de savoir si ces projets avancent à la bonne vitesse et si les priorités d'aujourd'hui seront bien celles qui préparent demain. Cela va bien sûr de pair avec les investissements et les différentes possibilités en matière de technologies. L'autre question concerne la règlementation. Va-t-on vers de nouvelles règlementations drastiques fixant un cap clair ? L'accélération des investissements suppose un cadre clair et des moyens. Aujourd'hui, notre industrie, comme beaucoup d'autres, est entrée dans une phase où le constat commence à être partagé, ce qui est un réel progrès par rapport à un passé encore récent. Le reste est à écrire mais exigera des décisions, des investissements et de la détermination... en tout état de cause une superbe ambition pour notre jeunesse.

pierre30
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Re: Industrie aéronautique : concurrence économie ecologie vont de pair

Message non lu par pierre30 » 06 déc. 2019, 08:36:16

Voici l'illustration concrète : Airbus refuse le système de roulage électrique des avions. Manque de pression de la concurrence ?
https://www.latribune.fr/entreprises-fi ... 34514.html

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Snark
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Re: Industrie aéronautique : concurrence économie ecologie vont de pair

Message non lu par Snark » 06 déc. 2019, 12:15:39

Le transport sera une des premières victimes du réchauffement climatique .
Le bétisier des atterrissages périlleux comme ci dessous va augmenter rapidement .

https://www.youtube.com/watch?v=w4EQuM_t8Fo

Comme beaucoup de secteurs économiques l'aviation va négocier
soit avec Greta Thunberg ... soit avec le climat beaucoup moins conciliant .

Il est possible et souhaitable de réserver l'aviation aux longs trajets .
Ceci étant dit des efforts sont déjà entrepris par l'industrie .

https://www.futura-sciences.com/planete ... vol-64644/
Et pendant ce temps là le permafrost décongèle .

pierre30
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Re: Industrie aéronautique : concurrence économie ecologie vont de pair

Message non lu par pierre30 » 09 déc. 2019, 13:40:02

Diminuer de 50% les émissions de l'aeronautique c'est possible !
https://www.latribune.fr/entreprises-fi ... 34909.html
Aviation sans CO2 : oublions l'avion électrique, la solution est ailleurs, dit Safran
Par Fabrice Gliszczynski | 09/12/2019, 9:51 | 2073 mots

L'open rotor pourrait être une solution pour réduire la consommation de carburant
L'open rotor pourrait être une solution pour réduire la consommation de carburant (Crédits : Reuters)
Pour le groupe aéronautique, l'objectif de baisse des émissions de 50% en 2050 par rapport à 2005 (malgré la hausse du trafic) est atteignable. Mais sa réalisation ne passera pas par des avions 100% électriques, mais par la combinaison de plusieurs facteurs : l'entrée en service vers 2035 de nouveaux avions ultra-efficaces à moteurs thermiques, la généralisation des carburants alternatifs associant des biocarburants et des carburants synthétiques, et l'amélioration de la gestion des opérations. Pour autant, les obstacles sont nombreux.
La suppression des vols de courte distance et la course à l'avion électrique ne permettront jamais, selon le groupe aéronautique français Safran, de réduire en 2050 les émissions de CO2 générées par l'aviation de 50% par rapport à 2005, comme l'a fixée l'organisation internationale de l'aviation civile (OACI).

Les batteries électriques sont insuffisamment puissantes
Faute de batteries électriques suffisamment puissantes, les avions électriques ou hybrides pourront, certes, faire voler sur des distances maximales de 500 km des engins volants de très petite capacité comme les VTOL (véhicules à décollage vertical), et des avions commuter de 10-20 places (voire éventuellement des avions régionaux), mais ils ne pourront jamais faire voler des avions de 200 places sur plus de 1000 kilomètres d'ici à 2035, étape nécessaire selon Safran pour faire un gain significatif en termes de consommation de carburant et atteindre les objectifs de 2050.

"Sur ce type d'avions et de distances, il y aura certes de l'hybridation avec de l'électricité qui arrivera aux moteurs thermiques, mais remplacer des moteurs thermiques par des moteurs électriques, il faut oublier. Nous avons été bernés par ce qui se passe dans le secteur automobile, mais la batterie électrique ne répond pas aux demandes de l'aviation commerciale", a déclaré la semaine dernière devant la presse le directeur général de Safran, Philippe Petitcolin.

Les batteries électriques, qui ont aujourd'hui une puissance de 200 watts-heure par kilogramme [Wh/kg], sont trop faibles. Et les spécialistes des batteries n'ont pas de solutions dans les cartons.

"Pour faire voler un A320 qui transporte 80 tonnes de charge sur des trajets pouvant aller jusqu'à 5 heures, il faudrait emporter 180 tonnes de batteries qui soient 5 fois plus énergétiques que celles que l'on sait faire aujourd'hui et qui sont au-delà de la feuille de route des scientifiques", explique Stéphane Cueille, le directeur de l'innovation et de la R&T chez Safran.

Les vols de plus de 1000 km représentent 80% des émissions de l'aviation
Or, traiter la problématique des vols de plus 1000 km est la condition sine qua none pour atteindre les objectifs fixés. Ils représentent en effet 80% des émissions mondiales de C02 et ne peuvent pas, le plus souvent, être remplacés par d'autres modes de transport. Et ne seront jamais équipés de moteurs 100% électriques d'ici à 2050, et encore moins en 2035.

Ce constat, Safran souhaite visiblement le partager au plus grand nombre. Histoire de ne pas se laisser entraîner sur des fausses routes.

"Nous avons besoin de travailler sur ce qui a de l'impact sur le CO2 et pas sur ce qui donne l'impression qu'on travaille. C'est important. Car si les politiques nous demandent de travailler sur les mauvais sujets, collectivement on ne résout pas le problème", explique Stéphane Cueille.

"L'objectif est atteignable, nous avons une solution crédible"
En revanche, si Safran écarte l'avion électrique pour les vols de plus de 1000 km, le groupe aéronautique ne dit pas que l'objectif de réduction de 50% des émissions de CO2 en 2050 par rapport à 2005 n'est pas réalisable. Bien au contraire.

"Pour nous, c'est jouable. Il y a quelques mois, nous n'étions pas sûrs. Aujourd'hui, nous pensons que nous avons une solution qui est crédible. Nous avons regardé chacun des pavés et ils sont tous jouables. Est-ce que c'est gagné d'avance, bien sûr que non. Mais si nous faisons cela, oui nous avons une très grande chance d'y arriver", assure Philippe Petitcolin.

Quelle est donc cette solution miracle qui ne passera pas par un moteur électrique ? En fait, il n'y a pas une solution unique, mais la combinaison de plusieurs leviers. Trois exactement : l'entrée en service vers 2035 d'un nouvel avion court et moyen-courrier ultra-efficace; le développement de carburants alternatifs, des biocarburants dans un premier temps, puis des carburants synthétiques, tous compatibles avec les moteurs thermiques; et une gestion des opérations aériennes optimisée. Si ce dernier point peut réduire à lui seul 10% les émissions de CO2, voire de 20% si des mesures de baisse de la vitesse des avions étaient décidées, le renouvellement des flottes pourrait quant à lui apporter un gain de 50% et les nouveaux carburants de 40%.

Sauter une génération d'avion
Ces nouveaux avions en rupture seront ceux qui succèderont aux A320 Neo et B737 MAX. Pour Safran, ils devront "sauter une génération". C'est à dire qu'ils devront apporter un gain de consommation deux fois plus important que celui généralement constaté lors du remplacement d'un nouvel avion par un autre (15%).

"Il faut faire 30 à 40% de gain. Si, en 2035, nous parvenons à généraliser sur tous les segments de marché des avions qui font au moins 30% de gain de consommation de carburant, nous parviendrons à stabiliser les émissions de CO2", explique Stéphane Cueille, précisant que "le moteur, même s'il apportera une grande partie des gains espérés, ne pourra apporter la totalité. Résultat : "Il faut que les avionneurs jouent le jeu, c'est à dire qu'ils prennent des risques" pour améliorer l'aérodynamisme notamment et l'optimisation de la capacité en sièges.

Le débat entre des architectures traditionnelles avec un fuselage et des moteurs sous les ailes et des architectures en rupture comme l'introduction de moteurs "open rotor", situés à l'arrière de l'avion se poursuit. Si les avionneurs n'étaient pas très chauds ces derniers temps avec le concept d'"open rotor", l'accentuation de la pression environnementale peut remettre ce type de motorisation sur le haut de la pile. L'"open rotor" pourrait en effet apporter un gain de 15% par rapport au moteur "Leap" qui équipe l'A320 Neo et le B737 MAX, et être disponible vers 2035, selon Philippe Petitcolin. Mais "toutes les options sont sur la table", rappelle néanmoins Stéphane Cueille.

Lire aussi : Safran dévoile l'Open Rotor, un moteur en rupture pour les Airbus et les Boeing du futur

"Figer les technologies d'ici 5 à 7 ans"
Selon ce dernier, pour être prêts en 2035, "il faut que les technologies soient figées d'ici 5 à 7 ans pour lancer la phase de développement". Dans tous les cas, ce nouvel avion passera nécessairement, selon Philippe Petitcolin, par un approfondissement des relations entre les avionneurs et les motoristes.

Surtout, l'objectif est de définir un système de production qui permette de baisser les coûts de production de cet avion, qui sera forcément plus onéreux qu'un avion qui n'aurait pas nécessité un saut de génération, afin d'introduire à "iso coûts" beaucoup de technologies qui permettront aux compagnies de faire des gains opérationnels et d'absorber les hausses de coûts du carburant ou le coût du CO2.

Des carburants plus chers
Car, pour réduire de moitié les émissions de CO2 en 2050 par rapport à 2005, ce nouvel avion aura besoin d'un carburant "vert", qui sera forcément plus cher que le kérosène d'aujourd'hui. Pour Safran, une partie de ces nouveaux carburants devra provenir des biocarburants. En raison de leur coût très élevé (ils sont 2 à 3 fois plus chers), ils sont quasiment inexistants aujourd'hui dans l'aviation. Ils ne représentent en effet que 0,1% de la consommation de carburant des compagnies.

"Aujourd'hui, 90 millions de tonnes de biocaburants sont produits dans le monde pour différents usages, essentiellement pour l'automobile. En 2035-2040, quand les transports terrestres auront migré vers des solutions adaptées, Il n'est pas délirant d'imaginer que la biomasse soit orientée pour des secteurs qui en ont besoin", explique Stéphane Cueille, précisant que cette "biomasse doit être durable", comme peuvent l'être les déchets, les huiles usagées, ...

Mais, si même un tel transfert se mettait en place, il ne permettrait pas de couvrir tous les besoins du transport aérien à cette échéance.

"Nous estimons que les carburants alternatifs pourront prendre le relais", indique Stéphane Cueille.

Pour lui, deux voies se dégagent : la première consiste à utiliser des carburants synthétiques verts, qui sont en fait des solutions à base d'hydrogène vert (ou Power to liquid). Concrètement, en combinant de l'hydrogène au CO2, on obtient du kérosène, sans biomasse, utilisable comme du carburant. Le CO2 pourrait provenir des industries qui en génèrent ou être capturé dans l'atmosphère. Aux yeux de Safran, c'est la solution la plus simple. Elle aurait par ailleurs l'avantage de pouvoir être introduite à hauteur de 75% dans un mélange avec du kérosène, voire à plus de 90% sans "énormes efforts de R&T".

Pour autant, si cette technologie ne parvenait pas à percer, il resterait, selon Safran, une autre solution, beaucoup plus complexe : utiliser l'hydrogène tel quel. Cette option, qui ne pourrait être envisagée qu'après 2040, constituerait un saut "énorme". Il faudrait en effet des avions spécifiques, plus gros pour embarquer des réservoirs cryogéniques très importants nécessaires pour emmagasiner de l'hydrogène liquide 2 à 3 fois plus volumineux que le kérosène.

Beaucoup d'incertitudes
Au final, la feuille de route de Safran tient en effet la route sur le papier. Mais elle suppose néanmoins un alignement parfait des planètes. Or, de sérieux obstacles existent. Tout d'abord, les espoirs portés sur les carburants durables et des carburants synthétiques sont conditionnés à un soutien politique pour mettre en place une filière, d'abord de biocarburants, ensuite d'hydrogène vert, pour l'aviation. Une telle filière ne pourra voir le jour que s'il y a une demande pour de tels carburants. Pour cela, il faut qu'il y ait une obligation d'incorporation pour les compagnies aériennes. Problème, au regard de la spécificité internationale du transport aérien, une telle règlementation ne peut se faire qu'à l'échelle mondiale, sous peine de créer des écarts de compétitivité entre les compagnies qui seraient obligées d'utiliser des carburants alternatifs beaucoup plus coûteux et celles qui n'y seraient pas contraintes. Vu la lenteur des débats pour mettre en place dans la douleur le système de compensation mondial des émissions de CO2 Corsia partir de 2020, il semble aujourd'hui illusoire d'espérer réunir tous les pays de la planète sur un tel projet.

"Dans l'idéal, il faudrait que cela soit à l'OACI. Au minimum en Europe", explique Stéphane Cueille. "L'Europe doit être en position d'influence et ne pas être en rupture avec certains pays", ajoute-t-il.

Lire aussi : Qui paiera le surcoût des biocarburants ?

Et si Boeing lançait prochainement le successeur du 737 MAX ?
Autre inconnue qui pourrait perturber le scénario de Safran. La date de lancement du programme du successeur des A320 Neo et des B737 MAX. Pour atteindre l'objectif, il faudrait que ces nouveaux avions arrivent sur le marché en 2035. Aujourd'hui, c'est grosso modo le calendrier d'Airbus. Récemment son directeur général, Guillaume Faury, indiquait qu'il tablait sur un lancement au milieu de la prochaine décennie pour une mise en service au début des années 2030. Jusqu'à la crise du B737 MAX, ce calendrier était également celui de Boeing. Le succès commercial des A320 NEO et des Boeing 737 MAX permettait de reculer la nécessité de lancer leur successeur. Et donc de laisser le temps aux technologies d'arriver à maturité.

Aujourd'hui, avec la crise du B737 MAX, il y a un doute. Un nouveau problème ou un boycott persistant de l'appareil après sa remise en service pourrait en effet pousser Boeing à lancer rapidement un nouvel avion comme le redoute Philippe Petitcolin. Une décision qui pousserait probablement Airbus à suivre dans les deux ans, selon lui. Or, le lancement d'un nouveau programme en 2022 pour une mise en service en 2027-2030 ne permettra pas d'atteindre les objectifs de réduction de la consommation de carburant espérée. Un avion lancé aussi tôt ne pourrait afficher qu'un gain de 5% seulement. Car les moteurs de nouvelle technologie ne seront pas prêts à ce moment-là. Et vu les sommes en jeu et la durée de vie des avions, il n'y aurait aucune chance, bien sûr, de voir les avionneurs relancer un avion dans la foulée qui soit disponible à l'horizon 2035.

Dans ce scénario, les déboires du B737 MAX conduiraient à l'échec de la réalisation des objectifs de réduction des émissions fixés pour 2050.

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