Sncf : ouverture à la concurrence

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pierre30
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Sncf : ouverture à la concurrence

Message non lu par pierre30 » 21 janv. 2020, 22:45:47

https://www.latribune.fr/entreprises-fi ... 37562.html
à la concurrence réussie, selon Alpha Trains
Par Fabrice Gliszczynski | 21/01/2020, 6:35 | 3839 mots


(Crédits : DR)
Dans la perspective de l'ouverture de la concurrence du marché ferroviaire intérieur de passagers, Vincent Pouyet, directeur général France d'Alpha Trains, numéro 1 en Europe de la location de trains fait un diagnostic peu reluisant du transport ferroviaire français et préconise de s'inspirer du modèle allemand. Pour lui également, les trains à hydrogène ne sont pas forcément "la panacée" pour sauver les petites lignes
LA TRIBUNE - Qui est Alpha Trains ?
VINCENT POUYET - Alpha Trains est le premier loueur de matériel ferroviaire en Europe. Nous possédons 432 trains régionaux qui circulent sur les marchés où la concurrence est ouverte, principalement en Allemagne, et 363 locomotives de fret que nous louons à des opérateurs dans une quinzaine de pays européens, dont la France où une cinquantaine de nos locomotives circule. La valeur de nos actifs s'élève à 2,5 milliards d'euros et nous réalisons plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. Nous sommes d'assez loin le numéro un du marché.

Vincent Pouyet

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Vincent Pouyet, directeur général d'Alpha Trains, en France. Photo: DR.

Quel est votre modèle économique ?
Nous faisons de la location opérationnelle et non du leasing financier. Nous achetons les trains, nous en sommes propriétaires et nous les louons aux opérateurs en associant un package de services. Dans le fret, nous louons les locomotives sur du court ou du long terme, soit en location simple, soit en incluant les travaux de maintenance pour le gros entretien uniquement, soit en offrant un service complet intégrant la totalité des phases de maintenance (maintenance courante et gros entretien). Ces services sont sous-traités à des partenaires spécialisés.
Le modèle est différent dans le transport de voyageurs. La location des trains est liée à la concession que les opérateurs se sont vus attribuer par les autorités organisatrices des transports (AOT). En Allemagne, ces AOT sont les 27 syndicats de transport et la durée des concessions varie de 8 à 15 ans. Comme dans le fret, nous proposons de la location simple et de location avec un package de services associés qui peut aller du financement de lots de pièces de rechange à la prise en charge du gros entretien. Un exploitant de trains régionaux dispose en général d'un atelier de maintenance courante mais pas forcément des infrastructures pour faire un entretien plus lourd. C'est l'opérateur qui décide in fine de son modèle de maintenance. Nous avons un vrai savoir-faire sur la partie rénovation et modernisation des trains arrivés à "mi-vie", qui regroupent des opérations complexes sur le plan technique. Par rapport aux opérations de rénovation proposées par SNCF, nous pensons pouvoir faire mieux, plus vite et moins cher. Pour ce faire, nous nous appuyons sur des entreprises spécialisées dans ces opérations et les constructeurs. Notre valeur ajoutée, se situe dans notre la maîtrise d'œuvre et notre capacité à bien spécifier, acheter et mener ces opérations de rénovation.

Quel est le coût de la location d'un train régional ?
Cela dépend du train puisque la capacité d'un train régional peut aller de 80 places à 600 places. Le prix d'un train régional neuf en Europe se situe autour de 30.000 euros la place assise.

Le manque d'homogénéité des standards de signalisation ou d'écartement des voies entre les pays ne sont-ils pas un frein à la location de trains puisqu'ils qui empêchent un matériel roulant de circuler sur des différents réseaux ?
Sur les locomotives de fret, il y a déjà un marché de la location. Il y a effectivement des équipements de signalisation différents entre les pays qui obligent à homologuer une locomotive pour un certain nombre de pays. Certains corridors de fret traversent jusqu'à huit pays, comme celui qui part de Rotterdam et va jusqu'en Russie.
Dans les trains régionaux, c'est effectivement différent. Une flotte de trains régionaux a souvent des spécificités liées au réseau sur lequel elle circule, notamment au niveau de la traction et de la signalisation. Mais ces spécificités n'empêchent pas l'émergence de gammes de produit à l'échelle européenne. La gamme de trains « Flirt » du constructeur suisse Stadler circule par exemple dans de nombreux pays européens. Une version roule déjà en France et une autre vient d'être homologuée pour le marché français. Le marché de la location européen ne fait que débuter. L'ouverture à la concurrence favorisera son essor. Notamment en France.

En France justement, le marché des lignes ferroviaires régionales exploitées dans le cadre d'un service public pour les régions va s'ouvrir à la concurrence fin 2023 (avec possibilité d'expérimenter la concurrence avant cette date). Les trains circulant en France sont-ils adaptés aux besoins des régions ?
Les matériels régionaux en France sont, comparativement au marché européen, sophistiqués, chers avec une efficacité très moyenne quand on regarde leur niveau de disponibilité et le nombre de kilomètres parcourus chaque année. Jusqu'ici, il y avait un opérateur unique, la SNCF, qui jouait un rôle majeur dans la conception des matériels. Les constructeurs, Alstom comme Bombardier, ont répondu à ses exigences en construisant des trains spécifiques. Sachant que les trains achetés par la SNCF sont subventionnés par les Régions, le prescripteur n'est pas incité à concevoir un train peu onéreux. D'autant que les régions n'ont pas suffisamment la capacité technique pour challenger la SNCF. Tout cela coûte au final très cher.

Est-ce différent en Allemagne où le marché est ouvert ?
Le système allemand est différent. Il est beaucoup plus localisé. A la manière des avionneurs, les constructeurs développent leur propre gamme de trains qu'ils adaptent aux besoins des opérateurs de chaque concession. En conséquence, les commandes de trains sont plus petites, il y a plus de concurrence entre les constructeurs, et plus d'innovations incrémentales car à chaque petite commande, plusieurs choses sont améliorées par le retour d'expérience. Au final, en Allemagne, les matériels roulants sont moins sophistiqués, moins chers mais plus performants en termes de fiabilité et de performance opérationnelle.

Cette "customisation" n'est-elle pas risquée ?
C'est plutôt l'inverse. Quand les constructeurs développent leur propre gamme, ils peuvent vraiment apporter leur propre savoir-faire. Cela les oblige à investir dans des produits et non à faire supporter l'investissement par le client. Et au final, ils protègent mieux leur marge. En France, les constructeurs se retrouvent dans des cycles de développement très longs dans lesquels ils sont confrontés à l'interventionnisme très important de la SNCF. La plupart du temps, ils perdent de l'argent sur ces phases. D'une part parce qu'il faut environ cinq ans pour homologuer un train et d'autre part parce que la chaîne logistique n'est pas optimisée puisqu'à chaque nouveau train il faut reformer les fournisseurs. La Deutsche Bahn fonctionnait sur ce principe il y a 20 ans. Depuis, toute l'industrie allemande a fait sa révolution.

Comment Alpha Trains fonctionne-t-il sur le marché allemand ?

Quand nous achetons un train, nous avons l'objectif de ne pas amener le constructeur à faire des modifications substantielles par rapport à son produit standard, car cela pourrait remettre en cause la fiabilité ou la performance du train. Cela nous permet aussi de pouvoir utiliser les trains sur différents réseaux. Quand une flotte de trains arrive en fin de concession, nous les rénovons pour les moderniser et les remettre sur d'autres concessions.

A quels constructeurs achetez-vous ?
Nous travaillons aujourd'hui avec les quatre grands constructeurs européens : Alstom, Bombardier, Siemens et Stadler. Selon les caractéristiques des réseaux et des concessions, les constructeurs ont des modèles plus ou moins pertinents. C'est notre travail d'acheter le meilleur produit pour chaque concession. Sur les petits trains diesel en Allemagne, c'est plutôt Alstom qui a la meilleure offre. Sur les trains électriques de moyenne-grande capacité, c'est plutôt Stadler, mais Siemens vient de sortir un nouveau modèle de train très intéressant que nous avons acheté à raison de six exemplaires pour une extension de flotte sur une concession.

A quels opérateurs louez-vous ?
Nous louons nos trains à des opérateurs comme Transdev, Keolis, Abellio (les chemins de fers hollandais). Dans le ferroviaire, les opérateurs sont majoritairement publics ou parapublics car ce sont des secteurs difficiles sur le plan financier. Mais nous avons également comme client des opérateurs locaux.

Le marché du transport ferroviaire régional va s'ouvrir à la concurrence. D'après ce que vous observez sur les marchés déjà ouverts, quels sont les recettes pour améliorer les services et baisser les coûts ?

Le transport ferroviaire régional est un transport conventionné. Il n'y a pas de besoin de masse critique pour être rentable. C'est l'excellence opérationnelle qui fait qu'un opérateur gagne ou pas de l'argent. « Faire du volume » n'apporte que très peu de gains de productivité. En Allemagne, les concessions qui affichent les meilleurs résultats en termes de remplissage des trains et de coûts de production sont celles qui sont organisées très localement, avec une couche managériale très légère, un atelier de maintenance, une flotte dédiée, et une bonne connaissance de la ligne et des besoins en termes de fréquentation.

Vous avez précédemment expliqué les différences dans l'achat de trains entre la France et l'Allemagne, quelles sont les différences en termes d'exploitation ?
Il y a de grosses différences. En Allemagne, l'offre de trains régionaux est beaucoup plus dense et il y a plus de voyageurs dans les trains. Avoir trois trains le matin et trois le soir sur une ligne comme on le voit en France n'existe pas en Allemagne. Les autorités organisatrices de transport estiment qu'une ligne de train doit avoir un train par heure. Si vous voulez que les voyageurs considèrent le train comme une vraie alternative, il faut programmer des trains toutes la journée, y compris en heure de creuse et y compris le soir. Sinon, ils choisissent un autre moyen de transport ou limitent leurs déplacements. Il y a également de grosses différences en termes de coûts de production. En France, le coût pour faire rouler un "train-kilomètre" s'élève à 25 euros. En Allemagne à 15 euros. Le train régional français est 60% plus cher à produire que le train régional allemand.

(...)


pierre30
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Re: Sncf : ouverture à la concurrence

Message non lu par pierre30 » 21 janv. 2020, 22:58:30

Quelle est l'origine de ce surcoût ? Est-ce lié au coût du personnel ?
Le coût du personnel ne représente qu'une partie des coûts de production d'autant qu'en Allemagne les conducteurs de trains sont très bien payés. La différence s'explique essentiellement par l'exploitation du matériel. Si l'on regarde le matériel roulant déjà plus sophistiqué et plus cher en France, les trains que nous louons en Allemagne roulent 200 000 kilomètres par an en moyenne (plutôt 150.000 pour les trains diesel et largement plus de 200.000 pour les trains électriques). En France, un train régional roule entre 80.000 et 120 000 km par an. Soit quasiment deux fois moins. Cela engendre un impact massif sur les coûts d'exploitation mais aussi sur la maintenance, car même s'il roule peu un train ne peut s'affranchir de certaines opérations de maintenance. Il y a des économies incroyables à réaliser en augmentant l'utilisation des trains. Sur la question du personnel, le décalage est moins sur les salaires que sur la partie organisationnelle qui doit s'adapter à l'exploitation. Un train régional roule toute la journée, ne roule pas la nuit en semaine, et roule un peu moins le week-end. Il faut donc du personnel dans les ateliers la nuit et le week-end.

Au regard de la photographie de la flotte de trains régionaux circulant aujourd'hui en France, quelles évolutions peut-on attendre au cours de cette décennie ?

Il y a trois générations de trains régionaux en France. La première a été achetée à la fin des années 90 et a été livrée au début des années 2000. Il s'agit essentiellement des trains diesel d'Alstom (X73500 et X72 500) de petite capacité (de 80 à 220 places). Ils n'ont pas un niveau de performance satisfaisant et vont sortir du parc de façon anticipée. Il y a aujourd'hui environ 400 unités qui devront être remplacés d'ici 2030 par des trains à faible émission polluante (et environ 900 unités à remplacer d'ici 2035 en ajoutant les AGC thermique et bi-modes).
La deuxième génération de trains correspond aux AGC (autorails de grande capacité) de Bombardier au nombre de 700, et aux TER 2N NG d'Alstom au nombre de 200 à 300 unités. Ils ont été livrés entre 2004 et 2011 et vont arriver à "mi-vie entre 2020 et 2025. La troisième génération correspond aux trains Régiolis et Regio2N qui viennent d'être livrés. Le gros du marché de l'ouverture à la concurrence du transport régional va donc concerner les trains de la deuxième génération, les AGC et les TER 2N NG.

Quels sont les enjeux sachant que les trains régionaux ont déjà été achetés par les régions et que celles-ci pourront les récupérer ?

Le matériel roulant est le principal enjeu de l'ouverture à la concurrence. Si l'on veut qu'un opérateur apporte de la performance il faut qu'il ait la main sur le matériel roulant et la maintenance, afin d'optimiser l'offre de transport par rapport à la flotte de matériel. Il y a un gros sujet de maintenance ferroviaire dans l'ouverture à la concurrence. Une question fondamentale va se poser aux régions : comment vont-elles récupérer les trains qu'elles ont subventionnés mais qui sont la propriété de la SNCF ? La loi sur la réforme ferroviaire leur permet de reprendre la propriété des trains dans la mesure où ils ont été achetés dans le cadre d'une délégation de service public. Plus que la seule reprise de la propriété des trains, il faut permettre aux opérateurs de définir des concepts d'exploitation et de maintenance qui soient plus performants par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
Les opérateurs qui veulent postuler à l'exploitation d'un réseau régional doivent avoir de la visibilité sur les conditions dans lesquelles ils vont récupérer ces trains, quels sont les coûts d'exploitation qui vont avec, quelles sont les grosses échéances de maintenance à venir, comment vont-ils pouvoir acheter des pièces de rechange... L'accès à ces données doit être équitable. La SNCF bénéfice d'une rente d'informations. Il ne faut donc pas qu'il y ait un candidat qui ait une connaissance parfaite de ces trains et d'autres qui n'en aient, a priori, aucune. Il y a un gros enjeu à la fois de continuité de service et de performance mais aussi un enjeu d'équité.

Alpha Trains est-il prêt à reprendre ces trains ?
Ces AGC et ces TER 2N NG vont arriver à « mi-vie ». Les Régions devront financer par conséquent les rénovations majeures nécessaires pour moderniser ces trains en installant par exemple du wifi, de vidéosurveillance... On parle de quelques centaines de milliers d'euros par rame. Faites le calcul : sur 1.000 rames, le montant n'est pas neutre. C'est donc un investissement de plusieurs centaines de millions d'euros que vont devoir supporter les Régions dans un contexte budgétaire contraint. Nous regardons donc comment nous pourrions leur racheter une partie de ces trains pour les moderniser et en faire une gestion indépendante (de la SNCF, NDLR) au bénéfice des opérateurs qui seront choisis pour exploiter les réseaux régionaux. La clé d'une vraie ouverture à la concurrence, c'est le matériel roulant. Si un opérateur doit utiliser des trains appartenant à la SNCF, entretenus par la SNCF, et embaucher des cheminots et leur sac à dos social, il n'y aura pas de concurrence. Les nouveaux entrants n'auront plus de marges de manœuvre pour améliorer la qualité du service et baisser les prix. Ils seront bloqués dans le système peu performant d'aujourd'hui. Même si on donne quelques miettes à des concurrents de la SNCF, on n'améliorera pas le service aux usagers. Alors qu'en se posant les bonnes questions, on peut faire mieux et moins cher !

(...)


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