Crise économique : les propositions de Jean Arthuis

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johanono
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Message non lu par johanono » 05 sept. 2010, 19:55:00

Crise. Les solutions radicales de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances.

Jean Arthuis : “On ne peut plus vivre à crédit”

Jean Arthuis. Fin des 35 heures, TVA à 25 % pour les produits confrontés à la concurrence internationale, augmentation des impôts, réforme de fond de notre fiscalité… Le président de la commission des finances du Sénat tranche dans le vif.

Que pensez-vous des promesses de Bercy consistant à ramener le déficit français de 8 à 6 % en 2011 à 3 % en 2013, prévisions qui s’appuient sur un taux de croissance revenu à 2,5 % ?

L’hypothèse d’une croissance à 2,5 % me paraît illusoire. La crise a porté un nouveau coup à notre potentiel de croissance. Je ne vois pas comment atteindre cet objectif en l’absence de réformes structurelles lourdes – et qui se font attendre – comme l’allégement des contraintes qui pèsent sur les entreprises et le travail. Cette trajectoire budgétaire est en réalité intenable parce que la croissance n’est pas suffisante, parce que les recettes correspondantes ne seront pas au rendez-vous et que nous aurons du mal à comprimer les dépenses publiques aussi rapidement qu’il le faudrait.

Pour alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises, seriez-vous favorable à l’abrogation des 35 heures ?

Oui, parce que les 35 heures sont une usine à gaz que l’on a tenté de contourner avec une autre usine à gaz, celle des exonérations sur les heures supplémentaires.

Par ailleurs nous commettons une erreur en continuant à financer les branches santé et famille de la Sécurité sociale par des cotisations assises sur le salaire. Je préconise l’allégement de ces cotisations et leur remplacement par un peu d’impôt sur le revenu mais surtout un impôt de consommation, en l’occurrence la TVA, que je nomme sociale.

Vous êtes donc dans le camp de ceux qui prêchent un retour de la TVA à 19,6 % dans la restauration ?

J’avais d’entrée de jeu voté contre cette mesure. Surtout, je propose une vision plus globale. Les entreprises font face à deux types de concurrence. Il y a d’un côté les activités et les produits c*n­frontés à la concurrence internationale, celle de l’Asie et en général des pays émergents. Pour l’ensemble de ce secteur, la TVA pourrait être portée à 25 %. C’est d’ailleurs le taux en vi­gueur dans plusieurs pays scandinaves, au Danemark, en Suède. Pour l’économie de proximité, qui n’est pas confrontée à la concurrence internationale et ne risque pas de se délocaliser, si ce n’est dans l’économie parallèle, le marché noir, il me paraîtrait judicieux de fixer un taux de TVA situé entre 10 et 12 %.

Quelles solutions mettriez-vous encore en œuvre pour tenir nos promesses de désendettement ?


Ne nous leurrons pas. Pour tenir son équation, le gou­vernement devra réviser à la hausse les barèmes d’imposition ou du moins obtenir une augmentation du produit de l’impôt. Il a deux solutions. La première consiste à raboter les niches fiscales (qui représentent un manque à gagner de 75 milliards d’euros), quitte à en supprimer un certain nombre. Mais il faudra passer à l’acte, avec de la volonté et du courage, et le gain sera de toute façon inférieur aux 5 milliards d’économies annoncés par le gouvernement. La seconde solution consiste à réviser à la hausse les barèmes d’imposition. On ne pourra pas y échapper.

Notre fiscalité est devenue excessivement complexe, illisible. Son rendement devient aléatoire. Les niches fiscales sont une sorte de délitement du pacte républicain. Au fil des an­nées, on a répondu à des revendications catégorielles, sans mesurer à quel point ces niches développaient une culture de la combine fiscale. La fiscalité environnementale, par exemple, est un gisement de niches fiscales. On vous explique qu’en achetant tel type de chaudière, vous aurez droit à un avantage fiscal. La di­men­sion fiscale finit par l’emporter sur les avantages techniques du pro­duit ven­du. Les avantages fis­caux faussent la fixation des prix. Dans l’immobilier aussi, les déductions d’intérêts d’emprunt sont l’occasion de faire monter le prix des biens. Il est urgent de faire disparaître ces niches-là. Il faudrait également ne plus créer de nouvelles niches. Les mi­nistres n’ont plus de crédits pour donner corps à leurs projets de loi, les dépenses nouvelles étant interdites. Comment détournent-ils la règle ? En créant des avantages fiscaux. Pour ne citer qu’un exemple, Jean-Louis Bor­loo, dans le Grenelle II, a ainsi laissé passer trois dispositions, liées aux investissements dans des zones à risque ou dans le domaine énergétique, qui sont clairement des niches fiscales.

Vous préconisez au fond une réforme majeure de notre fiscalité…

Il y a un débat que je n’arrive pas à porter devant l’opinion. Nous sommes paralysés par les tabous, les dogmes qui nous empêchent de tirer les conséquences de la mondialisation. Nous continuons à dire qu’il y a les impôts payés par les entreprises et ceux payés par les ménages. Souvenons-nous du débat sur la taxe carbone. Que disait-on ? Une taxe carbone serait payée par les entreprises, l’autre par les mé­nages. Mais qui peut encore croire qu’une taxe, quelle qu’elle soit, supportée par une entreprise, n’est pas incluse dans le prix de ses produits ? Et donc, à l’arrivée, payée par les ménages ? Chaque impôt payé par les entreprises est supporté par les consommateurs. Dans une économie globalisée, per­pétuer ces prélèvements sur les en­tre­prises c’est organiser assez mé­­tho­di­quement la délocalisation des ac­tivités et donc la perte d’emplois. C’est pourquoi la TVA me paraît un impôt d’avenir. Nous devrions ouvrir ce débat, sans dogmatisme ni idéologie partisane.

Il s’agit donc de siffler la fin de la récréation ?


Oui. Maintenant on n’a plus le choix. Il va falloir dépasser nos contradictions. Le ministre des Affaires étrangères, par exemple, il y a quelques jours, devant la commission des finances du Sénat, plaidait un dossier relatif à l’aide au développement des pays pauvres et se désespérait qu’il ne soit doté que de 0,5 % du PIB, au lieu des 0,7 % qu’il espérait. Immédiatement, on a eu droit au concert de lamentations habituel, sur le thème que l’on devait faire plus. Mais “faire plus” cela signifie emprunter plus, creuser un peu plus le déficit. Pourrait-on en finir avec ce spectacle pitoyable d’une France qui se flagelle en perpétuant une ambition qu’elle n’a pas les moyens de satisfaire ? Sommes-nous capables d’avoir la politique de nos moyens ?

Pourtant, quand on fait l’addition du RSA (1,5 milliard d’euros), des mesures c..­tre la crise (2,6 milliards), du manque à gagner avec le passage de la TVA à 5,5 % dans la restauration (2,5 milliards), on n’a pas le sentiment que le robinet de la dépense publique ait été fermé…

Nous sommes dans des contradictions perpétuelles. Et de ce point de vue, je suis persuadé que la crise actuelle marque en effet la fin de la récréation, du laxisme auquel nous nous sommes habitués. On ne peut plus vivre à crédit. Nous sommes face à l’obligation de démontrer qu’une démocratie est capable d’assumer des décisions difficiles de redressement. Cela suppose que l’on rende compte aux Français de la gestion publique, un domaine où régnait, jusqu’à maintenant, l’opacité. Jamais, jusqu’à aujourd’hui, on n’a présenté des comptes publics permettant d’emblée de porter une appréciation sur la situation du pays. Main­tenant il faut que la transparence s’impose.

La réforme des retraites, telle qu’elle se profile, tient-elle vraiment compte des impératifs budgétaires qui s’imposent ?

J’ai peur qu’elle n’aille pas jusqu’au bout. La réforme des régimes spéciaux de 2008, par exemple, est symptomatique. On a aligné ces régimes sur ceux de la fonction publique. Comme si les régimes de retraite de la fonction publique étaient un modèle dont les coûts étaient jugés supportables. Ma conviction est qu’il faudra revenir à la fois sur le régime de la fonction publique et corrélativement sur les régimes spéciaux. Nous devons nous méfier d’une réforme qui serait en demi-teinte et ne ferait que reporter le problème de financement de nos retraites.

Vous venez par ailleurs d’annoncer votre intention de ne pas voter l’amendement fixant le nombre de conseillers territoriaux. Avez-vous d’autres reproches à formuler sur la réforme des collectivités territoriales ? On voit que le nombre de conseillers territoriaux par département varie en fonction de la région. Lorsqu’un département se situe dans une région qui compte peu de départements, le nombre de conseillers est pratiquement inchangé. En revanche, quand les départements sont nombreux dans une même région le nombre de conseillers peut être divisé par deux. Cette répartition est incohérente. Plus globalement, je reproche le manque de vision dans la conduite de cette réforme. Les textes nous sont présentés par morceaux et il est impossible de savoir où le gouvernement veut aller. Le problème de l’enchevêtrement des compétences entre collectivités n’est pas réglé, le citoyen ne sait pas qui fait quoi.

Mon hypothèse, c’est que la région va absorber les départements. Dans ce cas, il faut le dire franchement et en tirer les conséquences. Le gouvernement donne au contraire le sentiment d’avancer masqué, pour cacher cette intention.

François Baroin, ministre du Budget, vient de reconnaître que l’objectif de conserver la note de notre dette (AAA) est tendu. Quel est votre sentiment ?

On n’a pas tiré les conséquences du passage à l’euro. C’était un vrai défi. On a vu au début des années 1990 à quel point les dévaluations compétitives étaient dévastatrices pour la croissance et l’emploi. Donc il fallait une monnaie unique. Et on a fait naî­tre la seule monnaie au monde orpheline d’État. Avec, pour compenser l’absence de gouvernance politique et économique, un règlement de copropriété sur notre monnaie unique. Ce règlement, c’est le pacte de stabilité et de croissance. Dès sa création, l’euro a servi de bouclier à des États qui se sont laissé aller à des déficits qu’ils n’auraient jamais pu atteindre avec une monnaie nationale qui aurait été immédiatement sanctionnée par les marchés. On a fini par penser que 3 % de déficit, c’était la norme. Non, la règle, c’est l’équilibre des finances publiques. Personne n’a bien compris, non plus, que c’en était fini de cette médecine douce que constitue l’inflation, pour alléger le poids d’une dette devenue excessive.

Le règlement de copropriété a été transgressé allègrement par plusieurs pays, dont la France, et au nom de leur souveraineté on a considéré que les comptes présentés par les États étaient nécessairement sincères, en tout cas pas discutables. Or il est apparu que la Grèce tri­chait de façon éhontée. Nos propres pratiques ne sont pas non plus à l’abri du soupçon dans ce registre. L’Europe a fonctionné comme une maison de tolérance jusqu’au jour où les agences de notation ont dégradé les notes de la Grèce, puis du Portugal et de l’Espagne.

Cette crise nous fait prendre conscience du caractère très relatif de la souveraineté. Qu’est-ce que la souveraineté quand vous êtes surendetté ?


La Grèce, à l’évidence, va être sous protectorat. Comment pourra-t-on éviter de se doter d’une vraie gouvernance ? En définitive, je crois que l’Europe n’a pas d’autre issue que de devenir fédérale.

Aujourd’hui, l’Union fonctionne comme un syndicat intercommunal à vocation multiple, où chacun est obsédé par ses intérêts personnels. Une Europe intergouvernementale mais qui n’a rien de réellement européen. Nous allons accorder une garantie plafonnée à 111 milliards d’euros à un fonds européen de stabilité financière. Quand on est engagé à cette hauteur, revendiquer un droit de regard sur les comptes des autres devient inévitable. Cela suppose que l’Europe demande à chaque État membre de présenter ses états financiers sur des bases normalisées d’un pays à l’autre et avec les gages requis de sincérité.    Propos recueillis par Josée Pochat
http://www.valeursactuelles.com/actuali ... 00610.html

Voici des propositions tout à fait pertinentes et courageuses, mais qui risquent d'être impopulaires, et qui n'ont donc guère de chances d'être mises en application...

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Message non lu par Nombrilist » 05 sept. 2010, 20:23:00

Instauration d'une TVA protectionniste ? Pourquoi pas.

Revenir à 19.6% dans la restauration ? Oui !

Augmenter les impôts de ceux qui n'ont pas grand chose ? Non !

Une Europe fédérale ? OK, mais alors il va falloir instaurer une vraie démocratie !

Au passage, je note:

"Dans l’immobilier aussi, les déductions d’intérêts d’emprunt sont l’occasion de faire monter le prix des biens."

Exactement ce qu'a dit Golgoth au sujet des effets induits par l'AU.

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johanono
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Message non lu par johanono » 05 sept. 2010, 20:36:00

L'Europe fédérale est une vieille marotte centriste. Dans l'idéal, c'est très joli, mais cet objectif se heurte à certaines réalités. Bref, c'est une utopie. Au demeurant, Arthuis est en bien conscient. Il dit qu'il n'y a d'autre issue que l'Europe fédérale, mais il ne dit pas sous quel délai.

Sous cette réserve, je suis d'accord avec le reste des propositions de Jean Arthuis.

Quant à la déduction des intérêts d'emprunt, elle procure clairement une augmentation de pouvoir d'achat pour les acquéreurs concernés, donc en effet, on peut penser qu'elle fait monter les prix, encore que ça dépend de la conjoncture du marché de l'immobilier et des rapports de force entre vendeurs et acquéreurs.

Pour l'AU, ce n'est pas la même chose, car l'AU a vocation à simplifier le système social, pas à procurer du pouvoir d'achat supplémentaire aux Français.

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Message non lu par mps » 07 sept. 2010, 09:00:00

Bien franchement, il ne suffit pas d'exprimer des avis pour être intéressant.

Le relève deux points dans le flux :

- si la déduction fiscale ds intérêts d'emprunts immobilier faisait monter les prix des loyers, ceux de Belgique seraient trois fois ceux de la France. Or, c'est exactment le contraire.

- monter la TVA en France ? Assez gaga ! Il suffira de la payer dans un autre pays moins vorace, ce qui est parfaitement légal dans l'UE. Les gens commanderont simplement un maximum de choses sur Internet.

Tout cela est donc assez c... 
 
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Message non lu par El Fredo » 07 sept. 2010, 09:30:00

mps a écrit :monter la TVA en France ? Assez gaga ! Il suffira de la payer dans un autre pays moins vorace, ce qui est parfaitement légal dans l'UE. Les gens commanderont simplement un maximum de choses sur Internet.
Non : pour les achats à distance (quel que soit le moyen) la TVA doit être acquittée dans le pays de résidence du client. Il y a des dérogations en dessous d'un certain seuil de CA vers le pays de destination.
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Message non lu par johanono » 09 sept. 2010, 23:18:00

Et on peut penser qu'un consommateur se délocalise moins facilement qu'une entreprise ou des capitaux. D'où l'utilité de taxer la consommation plutôt que la production. 

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Message non lu par mps » 10 sept. 2010, 08:28:00

Pour El Fredo: tu te trompes.  Tu paies la TVA dans le pays d'acquisition,du moins dans l'UE.

http://ec.europa.eu/youreurope/citizens ... /vat/index_…
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Message non lu par El Fredo » 10 sept. 2010, 09:25:00

On parle de la vente à distance et toi tu me parle des achats effectués à l'étranger ! Apprends à lire rogntudju !
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Message non lu par mps » 10 sept. 2010, 12:10:00

C'est exactement pareil, si tu achètes sur un site étranger.

Quand je commande sur un site français, je paie la TVA française.
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Message non lu par El Fredo » 10 sept. 2010, 12:15:00

mps a écrit :C'est exactement pareil, si tu achètes sur un site étranger.

Quand je commande sur un site français, je paie la TVA française.
Bon, encore une preuve que tu ne lis jamais les messages. Je t'invite donc à remonter 5 commentaires plus haut et à affiner tes recherches.
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Message non lu par mps » 10 sept. 2010, 12:17:00

On drait la Mère Supérieure  d'un couvent, à te lire !
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