Le faux débat des 35 heures

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 12 janv. 2011, 17:18:00

http://www.liberation.fr/economie/01012 ... -35-heures
Le faux débat des 35 heures

Venue des franges les plus extrêmes de l’UMP, une étrange rumeur s’est répandue en France ces dernières semaines. «Les 35 heures coûtent à l’Etat plus de 20 milliards d’euros par an d’allégements de charges», peut-on lire, y compris sous la plume de journalistes supposés compétents et indépendants.

Le problème de cette affirmation, c’est qu’elle est fausse. Les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires furent introduits par le gouvernement Balladur en 1993, puis renforcé sous Juppé en 1996, bien avant les 35 heures. L’objectif était de réduire le coût du travail peu qualifié. Certes, de 1998 à 2002, ces allégements furent - partiellement et provisoirement - conditionnés à la réduction du temps de travail : les entreprises signant des accords «35 heures» plus vite que les autres bénéficiaient d’allégements plus importants. Mais ce mécanisme incitatif a disparu en 2002, quand la durée légale du travail est passée à 35 heures pour tous. Le gouvernement Raffarin mit alors en place «l’allégement Fillon» (du nom du ministre du Travail de l’époque). Ce nouveau système de réduction de cotisations sociales sur les bas salaires, qui s’applique depuis près de dix ans (2002-2011), amplifie les dispositifs Balladur-Juppé en vigueur en 1993-1998 et est indépendant du temps de travail. Attribuer aujourd’hui ces allégements aux 35 heures, alors qu’ils ont été mis en place, amplifiés et pérennisés par des gouvernements de droite, relève de la désinformation pure et simple.

C’est d’autant plus regrettable que ces allégements de charges posent un vrai problème et mériteraient un débat de fond, avec à la clé une réforme du mode de calcul des cotisations patronales. Alléger le coût du travail n’est pas illégitime : le financement de la protection sociale ne doit pas peser excessivement sur les salaires, et en particuliers sur les bas salaires. Le problème de l’allégement Fillon est qu’il crée des phénomènes de trappe à bas salaire.

Reprenons par le commencement. Le taux global de cotisation patronale est actuellement de 45 %, voire de 50 % si l’on inclut l’ensemble des prélèvements assis sur les salaires. Autrement dit, pour un salaire brut de 2 000 euros par mois, un employeur paie près de 1 000 euros de cotisations patronales, soit un coût total du travail de 3 000 euros. Ces cotisations financent pour moitié les retraites et les allocations chômage, et pour moitié des dépenses sociales (assurance-maladie, allocations familiales, versements transports, logement, formation, etc.) bénéficiant à tous, et qui n’ont aucune raison de reposer uniquement sur les salaires.

Avec l’allégement Fillon, les cotisations patronales sont réduites de moitié au niveau du salaire minimum, mais remontent très rapidement au taux de 45 % au niveau de 1,6 fois le salaire minimum. Concrètement, les employeurs qui s’aventurent à augmenter les salaires de personnes payées entre 1 Smic (1 350 euros brut par mois, soit 1 050 euros net) et 1,6 Smic (2 100 euros brut par mois, soit 1 650 euros net) font face à de très fortes augmentations de coût total du travail - plus de deux fois plus fortes que l’augmentation de salaire net. Or près de la moitié de la population active se trouve dans cette plage de rémunérations !

Il n’existe malheureusement pas de solution facile permettant de sortir de cette situation. La suppression pure et simple de ces allégements, régulièrement brandie par les populistes de tous bords, n’est pas une option : aucun gouvernement ne prendra la responsabilité d’alourdir massivement les prélèvements au niveau du Smic. Le transfert des cotisations patronales sur la TVA (la fameuse TVA dite «sociale»), solution qui a de nombreux adeptes à droite, mais aussi à gauche, n’est guère plus maligne, et pèserait sur les plus pauvres, qui consomment la quasi-totalité de leur revenu. Au lieu de payer la note sur leurs bulletins de salaire, les salariés modestes (et les petites retraites et allocations) la paieraient en faisant leurs courses. D’où la forte opposition populaire à la fausse bonne idée de la TVA «sociale».

Une meilleure solution serait d’étendre progressivement l’assiette des cotisations patronales des salaires à l’ensemble des revenus : revenus non salariaux, revenus du patrimoine, pensions. Cette «cotisation patronale généralisée» (CPG) serait l’équivalent de la CSG créée il y a vingt ans par le gouvernement Rocard. Cela permettrait d’alléger fortement le taux pesant sur les salaires, et de lisser les effets pervers de trappe à bas salaire.

Pour qu’une telle réforme puisse voir le jour en 2012, il faudrait que le débat public sorte des chausse-trappes idéologiques et controverses dépassées sur les 35 heures. Et il faudrait bien sûr recycler dans cette réforme les quelque 5 milliards d’euros d’allégements de charges sur les heures supplémentaires créés en 2007. Cette mesure est sans doute la plus bête de toutes les niches fiscales inventées dans la foulée de la dernière présidentielle. Bizarrement, c’est pourtant la seule à laquelle le pouvoir en place semble s’accrocher. Encore un petit effort !
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lancelot
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Message non lu par lancelot » 12 janv. 2011, 17:51:00

Si mes souvenirs sont bons .... l'instigateur de la réduction du temps de travail négociée dans les entreprises en contrepartie d'allègement de charges était Mr De ROBIEN .... et c'était bien avant le gouvernement Jospin ....

La droite n'a pas que les idées courtes .... la mémoire l'est aussi.

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 12 janv. 2011, 18:04:00

Tout à fait, j'en ai même bénéficié personnellement.
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GIBET
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Message non lu par GIBET » 13 janv. 2011, 00:48:00

Excellent!
Il faut de temps rappeler aux "experts" de droite qu'il ne savent plus de quoi il parlent! L'idéologie n'est pas tout en politique.
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bye 2
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Message non lu par bye 2 » 13 janv. 2011, 03:42:00

Oui, et le clivage gauche-droite y prend tout son sens.

La gauche tendance Aubry ( héritière de la gauche chrétienne Delors,..) par idéologie, et par pragmatisme, propose et impose des réformes type 35 heures, sur la base de : gagnant-gagnant, partage des sacrifices, des gains,..inclinant tout de même le levier vers plus de justice sociale.
Cette réforme a donné plus de temps libre aux salariés, mais en accélérant les cadences, a fait contribuer les entreprises, mais en augmentant leur productivité,..
Elle a jeté aux orties des pans entiers du Code du travail: durée du travail hebdomadaire remplacé dans bien des situations par la moyenne annuelle, ou annualisation du temps du travail,..donc dépassement des 35 heures non payé, puisque contractualisé dans des négociations de branche, d'entreprise,..L'annualisation du temps de travail pouvant conduire ( pour allécher le client ) à ne faire travailler que 34 heures payées 35, en agrandissant l'amplitude ( plages de 10 heures voire 12 couvertes par les salariés,..) appelées ARTT ( aide à la réduction du temps de travail,..),.. Cette annualisation et tous les chamboulements qu'elle a créés au sein même des familles, des rythmes de vie, avait été longtemps combattue par les OS, mais comme les salariés étaient globalement "gagnants",..
Là où la gauche a collé encore de plus près à la société de marché, c'est qu'elle a marqué "à la culotte", les fluctuations de ce même marché, les courbes de commandes, de repli,..alors  q u'auparavant, tout en y étant sensible, cet alignement était moins marqué.Les flux du marché, tout en influant sur l'emploi, n'allaient pas jusqu'à modifier le rythme de vie, de repos des salariés.

En quelque sorte, le taux d'exploitation, ou rapport de la richesse produite/ salaires était modifié, puisque le taux horaire était augmenté de fait, ou plutôt pour un même salaire, le salarié travaille  moins sur la durée ( mais pas sur l'intensité ).

La droite part du théorème inverse: ce n'est pas le partage du travail qui peut en procurer pour un plus grand nombre, mais c'est plus de pouvoir d'achat( éventuel, le fameux" travailler plus pour gagner plus" ) qui peut relancer la machine économique.
Donc, dans ce cas, à supposer que cette théorie fonctionne ( on l'a bien vu!..), le rapport d'exploitation richesse produite/salaire, au mieux n'évolue pas ou involue.
Au coeur de l'éventuelle polémique qui pourrait voir le jour ( surtout si M.Aubry est la candidate du PS, voire DSK qui en a été l'instigateur ), c'est le clivage diminution des inégalités/ maintien ou glorification du travail comme seule sourcé d'émancipation, qui perdure.

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johanono
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Message non lu par johanono » 15 janv. 2011, 12:48:00

Tout d'abord, je n'en suis pas certain, mais il ne me semble pas que les allègements de charges liés aux 35 heures aient cessé. Il me semble qu'ils persistent, et que les allègements de charges institués ensuite par la droite sont venus se superposer à ceux des 35 heures.

Pour éviter aux entreprises une trop forte augmentation de leurs coûts de production, les 35 heures ont été financées à la fois par des allègements de charges, par un gel des salaires, et par des gains de productivité (autrement dit une dégradation des conditions de travail). La question du coût financier et social des 35 heures demeure donc entière : était-il bien nécessaire d'accepter un coût aussi élevé juste pour permettre à quelques salariés de profiter de jours de congés supplémentaires ? N'est-il pas contradictoire d'avoir défendu les 35 heures et de déplorer aujourd'hui le trop faible niveau des salaires et les mauvaises conditions de travail de beaucoup de salariés ? C'est pour ces raisons que j'étais contre les 35 heures. Je persiste, aujourd'hui encore, à penser que c'était une mauvaise mesure, néanmoins, je suis contre leur suppression également, car il me semble que cette suppression poserait plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. L'assouplissement des 35 heures institué depuis 2002 semble suffisant. 

L'article écarte également la TVA sociale. On ne va pas refaire ici le débat sur cette mesure, mais il faut quand même constate qu'il écarte cette proposition de façon assez simpliste, sans beaucoup argumenter. 

En revanche, on notera qu'il écarte également la tentation d'une suppression pure et simple des allègements de charges sur les entreprises. 

L'élargissement de l'assiette des charges sociales patronales aux revenus non salariaux est une idée assez séduisante, reste cependant à définir précisément ce que sont ces revenus non salariaux.

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Ilikeyourstyle
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Message non lu par Ilikeyourstyle » 15 janv. 2011, 16:42:00

Pour moi, avant de s'en prendre aux 35 heures, il faut savoir ce que l'on veut faire et où on veut aller. Si le choix, c'est on veut regagner de l'emploi industriel, il faut supprimer les 35 heures dans le cadre d'une politique beaucoup plus ambitieuse de compétitivité industrielle. Ce que je préconise de faire sans hésiter d'ailleurs.

Aujourd'hui, la ligne n'est pas claire et les aménagements de 2003 ou 2008 sont de la bouillie pour chats, des réformettes sans envergures et sans résultats, et coûteuses. La confusion du débat indique d'ailleurs à quel point le gouvernement, l'opinion et le patronat sont embourbés dans ce dossier. Le patronat le premier, qui dit NON à la suppression des 35 heures car s'il faut occuper les salariés 40 heures et les payer plus à business constant, et bien celà ne marche pas.

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GIBET
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Message non lu par GIBET » 15 janv. 2011, 18:00:00

Voila du réalisme intéressant et qui donne de la hauteur aux échanges.
Là encore je suis ton analyse . C'est pourquoi je prétends qu'une décisin de nature économique est avant tout une décision liée à des objectifs clairs et une analyse experte et non la satisfaction d'un discours idéologique qu'il soit de gauche ou de droite. Dans une approche économique la réforme sociale doit être chiffrée avec des plus et des moins objectivement estimée. D Seulement après on peut juger de l"'ampleur dui correctif. mauis attention une aanalmuyse de la valeur sse limite à l'oj bjet de l'étude , là il faut analyser aussi les impacts directs et indirects de la mesure dans la globalité. C'est pourquoi l'approche est difficile et la tendance simplificatrice est réductrice.
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Message non lu par El Fredo » 15 janv. 2011, 18:06:00

Cessons de tourner autour du pot. Supprimer les 35h, c'est en réalité baisser les salaires. De même que reculer l'âge de la retraite revenait à baisser les pensions. Foin de jésuitisme.

Autrement dit on veut poursuivre une politique de désinflation compétitive à la mode allemande. Sachant que les bénéfices d'une telle politique peuvent s'envoler en fumer à la moindre augmentation de l'Euro, je trouve ça extrêmement dangereux. Surtout si dans quelques années les salariés se révoltent et obtiennent des augmentations de salaires substantielles comme en Allemagne récemment.
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Message non lu par Nombrilist » 15 janv. 2011, 18:20:00

Ilike, si on fait comme tu dis, alors il faudra également prévoir par la loi de redistribuer une très grande part des profits vers le salarié.

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Message non lu par Ilikeyourstyle » 16 janv. 2011, 11:27:00

Nombrilist a écrit :Ilike, si on fait comme tu dis, alors il faudra également prévoir par la loi de redistribuer une très grande part des profits vers le salarié.
La loi intègre déjà une redistribution significative des profits. La France est le pays sans doute le plus généreux en la matière. Il y a des pays très capitalistes où les notions de participation ou d'intéressement est inconnue, les actions gratuites et les stock-options pas autorisées (ou pas pratiquées ou hypertaxées) et où on reste au simple bonus sur objectifs pour les cadres sup, et à rien pour les autres. Aller plus loin que le France dans ce domaine est simplement insuportable.


La récompense du salarié c'est dans l'ordre 1/ la solidité du business de la boite qui garantit l'emploi et 2/ qui permet de donner des augmentations et des bonus et 3/ qui permet de donner un bon package d'assurances (complémentaires). Le reste, c'est du luxe. 

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Message non lu par johanono » 16 janv. 2011, 12:31:00

Ilikeyourstyle a écrit : Pour moi, avant de s'en prendre aux 35 heures, il faut savoir ce que l'on veut faire et où on veut aller. Si le choix, c'est on veut regagner de l'emploi industriel, il faut supprimer les 35 heures dans le cadre d'une politique beaucoup plus ambitieuse de compétitivité industrielle. Ce que je préconise de faire sans hésiter d'ailleurs.

Aujourd'hui, la ligne n'est pas claire et les aménagements de 2003 ou 2008 sont de la bouillie pour chats, des réformettes sans envergures et sans résultats, et coûteuses. La confusion du débat indique d'ailleurs à quel point le gouvernement, l'opinion et le patronat sont embourbés dans ce dossier. Le patronat le premier, qui dit NON à la suppression des 35 heures car s'il faut occuper les salariés 40 heures et les payer plus à business constant, et bien celà ne marche pas.
Il n'est pas du tout certain que les 35 heures aient pénalisé la compétitivité des entreprises françaises. En effet, le surcoût engendré, pour les entreprises, par le passage aux 35 heures, a été compensé par le gel des salaires, la baisse des charges et les gains de productivité (notamment l'annualisation du temps de travail dans beaucoup d'entreprises). Les 35 heures ont beaucoup de défauts, notamment celui d'avoir coûté cher aux contribuables et aux salariés eux-mêmes, mais pas celui d'avoir pénalisé la compétitivité des entreprises françaises.

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Message non lu par GIBET » 16 janv. 2011, 20:45:00

Et- tu as oublié la défiscalisation des heures supplémentaires qui doit coûter bon an mal an 22 milliards/€ à l'état  pour rembourser aux entreprises!!
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