Qu'en pensez vous ?Lundi, Nicolas Sarkozy s'est élevé contre un pré-rapport européen - qui devrait être remanié - niant l'impact de la spéculation sur les marchés des matières premières. Qui a raison, qui a tort? Difficile de trancher: si la spéculation est un phénomène non négligeable pour expliquer l'extrême volatilité des prix des matières premières, elle n'en est pas le facteur dominant.
Au détour d'une question posée lundi par un journaliste à Nicolas Sarkozy lors de la conférence de presse organisée à l'Elysée, la tension est montée d'un cran entre Paris et la Commission européenne. En cause, un pré-rapport - minimisé par Bruxelles - rédigé par plusieurs commissaires - dont le Français en charge des services financiers, Michel Barnier - et intitulé Relever les défis sur les marchés des produits de base et de des matières premières. Cet écrit avait pour finalité d'aider les travaux du G20 français. Mais, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, il se retrouve aujourd'hui au cœur d'une polémique, à cause, notamment, d'une phrase: "Il n'y a aucun élément probant attestant d'un lien de causalité entre l'activité des marchés des produits dérivés et l'augmentation de la volatilité et la hausse des prix", est-il en effet indiqué. Autrement dit, rien ne permet d'affirmer que la spéculation est responsable de la volatilité des prix des matières premières sur les marchés, agricoles notamment. Une allégation bien encombrante pour Nicolas Sarkozy, qui a fait de la lutte contre la spéculation sur les marchés des matières premières, l'une des priorités majeures de "son" G20. La régulation comme solution "Si je me suis trompé, je serais le premier à le reconnaître avec beaucoup d'humilité", a convenu, sûr de son fait, le président français lundi matin, avant que son ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire ne se charge, dans la journée, de relayer le courroux présidentiel à Bruxelles. Pour autant, la question mérite d'être posée: la spéculation est-elle responsable de l'extrême volatilité des prix des matières premières? "C'est la question que tous les experts se pose en ce moment", indique au JDD.fr, Alexis Dufumier, journaliste en charge des cours céréaliers au sein de la revue spécialisée La France agricole. Toutefois, de là à dire qu'elle est l'une des principales causes de l'envolée des prix, il y aurait, selon lui, un pas difficile à franchir. "La spéculation, surtout à court terme, existe et elle a un impact sur les prix, c'est vrai, mais j'ai surtout l'impression qu'elle sert de bouc-émissaire pour les politiques", avance-t-il, pointant d'autres obstacles, bien plus importants, à des prix stables. Et de citer les "immenses déséquilibres" des stocks planétaires en matière agricole - la Chine et l'Inde, par exemple, produisent à elles seules 40% des stocks mondiaux du blé et les réservent à leur immense demande intérieure - ou encore les réalités "physiques", conditions climatiques en tête, qui jouent à plein sur les cours des prix des matières premières. Du côté du centre d'analyses stratégiques (CAS), rattaché à Matignon et auteur ces derniers jours de deux notes consacrées, précisément, à la volatilité des prix des matières premières, on ne nie pas l'impact de la spéculation sur les variations de cours, mais on n'en fait pas un problème isolé. Sur la même ligne que Nicolas Sarkozy, Vincent Chriqui, directeur général du centre, lie ce problème à la nécessaire régulation des marchés des matières premières, condition sine qua non pour une meilleure lisibilité des prix. "On ne peut pas laisser fonctionner les marchés librement quand il s'agit de biens de subsistance, comme le sont les produits agricoles", certifie-t-il, alors qu'Alexis Dufumier déplore, lui, "le démantèlement des outils de régulation qui ont placé l'agriculteur directement face au marché". La faute à un libéralisme effréné qui n'aurait plus la cote aujourd'hui? "L'économie est un pendule qui va d'un côté et de l'autre, tempère Vincent Chriqui. Il y a des périodes ou tout va bien et puis des périodes où l'on se rend compte que des contrôles manquent." Autant dire que le temps de la régulation est venu pour le G20. Spéculation ou pas. Le JDD
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