Qu'en pensez vous ?La BCE a mis fin jeudi à la période la plus accommodante de son histoire en annonçant une hausse de son principal taux directeur de 25 points de base, à 1,25%. Il était bloqué à son niveau plancher de 1% depuis mai 2009. Et il faut remonter à juillet 2008 pour retrouver une décision de hausse des taux. Même si le relèvement est encore très limité, il s'agit donc bien d'un tournant dans la politique monétaire européenne. Et il est d'autant plus remarquable que la BCE est la première grande banque centrale à opter pour un resserrement. Pourquoi augmenter les taux? Ce n'est pas un mystère, c'est bien sûr l'inflation qui a conduit le conseil des gouverneurs de la BCE à prendre cette décision. Et à l'unanimité. Le mois dernier, déjà, la hausse des prix avait amené Jean-Claude Trichet à admettre qu'un relèvement « modéré » était désormais possible dès la prochaine réunion. Et comme les prix ont continué d'accélérer en mars, passant de 2,4% à 2,6% en rythme annuel, l'affaire était pliée. L'objectif officiel à moyen terme de la BCE est en effet de maintenir l'inflation à un niveau « proche mais inférieur à 2% ». Cela n'empêche pas les critiques de cette décision de souligner que l'inflation est essentiellement liée aux matières premières, à commencer par le pétrole. Et que l'inflation sous-jacente - hors ces produits volatils - reste maîtrisée. Ce que reconnaît la BCE. Tout en ajoutant que les prix alimentaires augmentent aussi. Pourquoi la BCE tire-t-elle la première ? La décision de la BCE pourrait laisser penser que la hausse des prix est particulièrement inquiétante dans la zone euro. Tel n'est pas le cas. Le même jour, la banque d'Angleterre a en effet maintenu son taux d'intérêt directeur au niveau encore plus bas de 0,5% alors que l'inflation outre Manche atteint les 4%. L'Angleterre a clairement fait le choix de continuer à soutenir l'activité au maximum alors que l'austérité plombe l'activité. De son côté, Jean-Claude Trichet met en avant « les effets de second tour » de la flambée du pétrole. En clair, il craint que les autres prix se mettent à bouger dans la foulée. Il a déjà eu l'occasion de dire qu'augmenter les salaires dans ce contexte serait « la dernière bêtise à faire ». Il a récidivé jeudi en faisant sa priorité de la lutte contre ces effets de second tour. "C'est notre message très très fort à l'intention de tous ceux qui fixent les prix et des partenaires sociaux", a-t-il dit. D'autres hausses sont-elles à venir ? C'est la question clé car la hausse de jeudi - finalement assez limitée - avait déjà été anticipée. Interrogé, Jean-Claude Trichet a évité de redire, comme le mois dernier, qu'il ne faudrait pas considérer une première hausse comme « le début d'une série ». Il s'est contenté d'indiquer que la BCE continuerait de « prendre les mesures appropriées » pour défendre son objectif d'inflation. Une formulation qui laisse tous les scénarios ouverts. Moyennant quoi, les analystes tablent sur une ou deux autres hausses d'ici la fin de l'année, ce qui porterait le taux directeur à 1,75%, voire 2%. Et si ça continue, quelles conséquences ? Une hausse des taux par la banque centrale a potentiellement plusieurs effets négatifs sur l'activité. Car les banques qui se refinancent auprès d'elle vont répercuter cette augmentation du coût de leurs ressources sur leurs clients, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages. Et c'est encore plus vrai pour les banques les plus fragiles qui ont moins accès au marché. Au final, c'est la consommation et l'investissement qui risquent de souffrir. Mais les effets varieront suivant les pays. C'est en particulier le cas dans le domaine immobilier. Là où les crédits logement à taux variables dominent, la hausse des taux de la BCE aura pour conséquence d'alourdir immédiatement la charge de remboursement des emprunteurs. Or les taux variables représentent 90% des prêts immobiliers en Espagne et en Italie. En France, où les taux fixes règnent à 90%, la hausse a pour effet d'exclure du marché des candidats à la propriété. Et concernant l'euro ? Le marché des changes n'a pas attendu l'annonce de jeudi pour prendre acte de la hausse du taux directeur de la BCE. La monnaie unique a pris près de 3% depuis la pré-annonce de Jean-Claude Trichet. De fait, l'augmentation du taux rend automatiquement la monnaie unique plus attractive et entraîne son appréciation. Ainsi, l'euro oscillait jeudi autour du seuil de 1,43 dollar, son plus haut niveau depuis la mi-janvier 2010. S'il va permettre d'acheter plus facilement du pétrole, cet euro fort va en revanche pénaliser les exportations de tous les pays de la zone euro. Et d'abord ceux qui dépendent de la compétitivité prix pour imposer leurs produits. Un handicap de plus pour les pays qui peinent à redresser leur économique.
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