Qu'en pensez vous ?Les prix du pétrole continuaient leur glissade vendredi à New York, après une dégringolade de près de 10 dollars la veille qui les avaient conduit sous les 100 dollars pour la première fois depuis la mi-mars. Pourquoi le prix du pétrole chute ? La baisse du pétrole révèle d'abord que les marchés craignent pour la croissance mondiale. En effet ceux qui régissent une partie du prix du pétrole aujourd'hui sont les investisseurs financiers, qui achètent du pétrole en tant qu'indicateur de l'économie mondiale et pour se couvrir contre l'inflation. Or une combinaison de facteurs pèse sur les perspectives économiques du second semestre. En Chine, les autorités commencent à s'attaquer à la hausse générale des prix et n'hésitent pas à monter les taux d'intérêt. "S'ils arrivent à freiner l'inflation, cela risque de ralentir la croissance et la Chine importera moins de matières premières. Quant aux investisseurs, ils auront moins besoin d'en acheter pour se couvrir contre l'inflation", explique Emmanuel Fages, économiste à Société Générale CIB. Aux Etats-Unis, ensuite, "la Fed a laissé entendre qu'elle laisserait le QE2 finir en juin. Il y aura donc moins de liquidités à investir dans des actifs risqués comme les matières premières", poursuit-il. Enfin, la journée de jeudi a été marquée par une série de mauvais indicateurs comme la forte augmentation des nouvelles inscriptions au chômage et la chute brutale des commandes à l'industrie en Allemagne. Déjà que la semaine dernière, les chiffres du PIB trimestriel des Etats-Unis étaient décevants, les investisseurs commencent à se demander si les consommateurs américains sont capables de payer leur essence à quatre dollars le gallon. D'ailleurs, la hausse des stocks de brut aux Etats-Unis atteste d'une baisse dans la demande d'essence. "Toutes ces incertitudes sur la croissance ont incité les courtiers à prendre leurs bénéfices pour profiter de la forte hausse récente. Le phénomène identique s'était produit à la même époque l'année dernière", rappelle Guy Maisonnier, économiste à l'IFP. De fait, depuis début avril, la flambée du cours du pétrole s'essouffle, "les investisseurs ont senti qu'il y avait un risque qu'il reparte à la baisse et ont préféré prendre les profits avant", confirme Emmanuel Fages. Quel rapport avec les commentaires de Jean Claude Trichet ? C'est l'autre élément déclencheur. Le président de la BCE a non seulement maintenu le taux directeur jeudi mais, se montrant moins préoccupé par l'inflation, a laissé entendre qu'il n'augmenterait pas forcément de nouveau les taux dès le mois de juin. Résultat, le dollar s'est raffermi par rapport à l'euro qui est retombé à un peu plus de 1,45 dollar. Or c'est quand le dollar baisse que les investisseurs achètent des matières premières : d'une part, le pétrole joue le rôle de valeur refuge face à la dépréciation du billet vert et aux craintes d'inflation. D'autre part, le pétrole étant libellé en dollars, il coûte moins cher pour les pays importateurs qui acceptent donc un prix plus élevé. Avec le dollar qui baisse, c'est le phénomène inverse qui se produit. Est-ce la fin du boom pétrolier ? La plupart des analystes s'accordent à dire que la baisse est une correction saine après un emballement excessif, de près de 30% en un an. Pas sûr pour autant que les prix continuent de glisser. Un prix du Brent entre 105 et 110 dollars "devrait faire revenir les acheteurs et limiter la correction (à la baisse)", estime Filip Petersson, analyste de la banque suédoise SEB, mettant en avant l'approche de la saison estivale, marquée habituellement par d'importants déplacements en voiture et une consommation accrue de brut. Tout dépendra en fait de si les deux moteurs principaux du boom restent d'actualité, à savoir la demande des pays émergents et les tensions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. "Une détente est envisageable si une solution politique est trouvée en Libye et si les troubles restent concentrés en Syrie, qui n'est pas un gros producteur de pétrole, estime Guy Maisonnier. Mais si la situation en Libye ne se règle pas dans un contexte régional destabilisé, alors les prix du baril risquent de déraper". Les analystes de Société Générale s'attendent quant à eux à ce que les prix se stabilisent autour de 115 dollars dans les semaines qui viennent.
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