La mondialisation? Non coupable

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GIBET
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Message non lu par GIBET » 18 juil. 2011, 03:40:00

johanono a écrit :
GIBET a écrit :
Golgoth a écrit :


J'essaie juste de vous faire faire la différence entre investissement chez nous créateur d'emplois et délocalisation vers chez nous. Vous faite la différence entre quelqu'un qui se construit une maison secondaire et quelqu'un qui déménage, nan ? icon_mrgreen
En effet le bénéfice de la mondialisation est qu'elle amène des capitaux et des investisseurs chez nous et ouvre un marché plus grand. Mais elle amène aussi la concurrence salariale entre peuples et fiscale entre états, il serait donc bon de faire un bilan global sans mélanger les choses icon_cheesygrin



Là tout à fait d'accord avec toi d'où la nécessité d'avoir une position fiscale européenne et d'imposer une position et pas 27!!
Quand au bilan il est tellement complexe à faire que c'est une mission impossible entre les avantages fiscalisés directs et les retombées indirectes!!
En tout cas ta position est plus acceptablement équilibrée que celle de Johanono qui ne compte que dans un sens!
GIBET


Sauf que l'harmonisation fiscale européenne, c'est du foutage de g....., une escroquerie intellectuelle pure et simple. Cette harmonisation ne verra jamais le jour, car tous les Etats regardent leur intérêt personnel. Ceux qui défendent le libre-échangisme en faisant croire que les effets négatifs éventuels de ce libre-échangisme peuvent être contrebalancés par une harmonisation européenne sont des menteurs éhontés.
Et toi tu commence à me faire royalement ch... avec tes injures permanentes. Que tu sois un c.. peut encore se supporter mais que tu sois injurieux là tu dépasses les bornes. Tu te crois sorti d'une école d'économie alors que tu n'es qu'un intellectuellement défaillant.
GIBET
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johanono
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Message non lu par johanono » 18 juil. 2011, 08:05:00

El Fredo a écrit :
johanono a écrit :La balance commerciale est un indicateur très contestable, car il ne permet pas de vraiment mesurer les emplois en jeu. Les voitures fabriquées en France et exportées sont essentiellement des voitures hauts de gamme, donc plus chères. Même si ces voitures sont moins nombreuses, elles pèsent donc davantage, en valeur financière, sur la balance commerciale, que des petits véhicules moins chers mais plus nombreux et qui génèrent potentiellement davantage d'emplois.
Non, la balance commerciale est à peu près à l'équilibre tant en volume (2,2 millions d'unités/an) qu'en valeur (~50 Md€/an avant la crise). Quant aux gammes produites elles sont très variables, par exemple l'usine Toyota de Valenciennes produit la Yaris qui est exportée dans toute l'Europe. Chez PSA, l'usine de Rennes produit des 607 et des 508 qui sont effectivement des hauts de gamme, mais Vigo en Espagne produit des C4 Picasso qui sont également des hauts de gamme, tandis que Sochaux produit les 308 et Poissy les 207. Quand à Renault, ils ont récemment relocalisé une partie de la Clio II (l'ancienne version) à Flins, en plus de l'actuelle Clio III, et l'usine turque de Bursa produit la Fluence de milieu de gamme. La situation est donc beaucoup plus complexe que tu la décris, le choix d'un site de production ne dépend pas nécessairement de la gamme (notamment parce que des véhicules de gammes différentes peuvent partager les mêmes plateformes).
Le choix d'un site de production obéit à des critères multiples, nous sommes d'accord, n'empêche que ce soit aujourd'hui essentiellement les petits modèles qui sont produits à l'étranger : la Renault Twingo, la Renault Clio, les Peugeot 107/Citroën C1, etc. sont aujourd'hui produites dans les pays de l'Est. Et ce sont les voitures parmi les plus vendues en France, car les moins chères.
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Message non lu par mps » 18 juil. 2011, 08:16:00

Si vous laissiez les industriels déterminer leurs moyens d'action ?

Les points d'assemblage ne sont pas nécessairement les points de production - comme pour  Airbus d'ailleurs - et chaque décision est mûrement pesée.
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Message non lu par johanono » 18 juil. 2011, 08:19:00

Les industriels pensent mûrement leurs décisions, je n'en doute absolument pas. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est le bilan en termes d'emplois en France. Et force est de constater que ce bilan n'est guère satisfaisant depuis quelques années. 
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Message non lu par mps » 18 juil. 2011, 08:28:00

Petit rappel : le but d'une société ou d'une industrie n'est pas de créér des emplois, mais de gagner de l'argent, condition sine qua non de sa survie.

L'emploi découle de la réussite de cet objectif.
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Message non lu par johanono » 18 juil. 2011, 13:47:00

Et le but d'un gouvernement est de faire en sorte qu'il y ait le plus d'emplois possible sur son territoire. 
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Message non lu par mps » 18 juil. 2011, 15:44:00

Oui. Ce qui ne se fait pas en brimant ceux qui en créent ...
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Message non lu par un artisan » 18 juil. 2011, 19:14:00

L'Occident sait que la généralisation de son modèle est une chimère. À l'heure où notre planète souffre, où la vieille triade ne cesse de brandir ses exigences écologiques au nom du développement durable, l'Occident a compris que la Terre ne supporterait pas l'ensemble de l'humanité vivant avec les standards occidentaux. Un monde totalement occidentalisé est un monde épuisé, perdu, mort à court terme. La victoire de l'occidentalisation du monde signifierait donc sa défaite. Le modèle occidental ne peut se perpétuer que si une minorité d'êtres humains l'appliquent... tandis que la majorité s'en accommode tant bien que mal. C'est pourquoi le mondialisme occidental est un cauchemar. Pour l'éviter, l'Occident doit limiter sa puissance. Il doit faire preuve de tolérance et reconnaître que l'autre possède aussi une partie de la vérité. Souvenons-nous du cri des nouveaux philosophes : « Théoriser, c'est terroriser.
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Message non lu par lancelot » 18 juil. 2011, 19:25:00

mps a écrit : Petit rappel : le but d'une société ou d'une industrie n'est pas de créér des emplois, mais de gagner de l'argent, condition sine qua non de sa survie.

L'emploi découle de la réussite de cet objectif.
Non c'est fini cela ... et c'est bien un des Pb majeurs.
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Message non lu par johanono » 18 juil. 2011, 20:02:00

mps a écrit : Oui. Ce qui ne se fait pas en brimant ceux qui en créent ...
Si ça ne te gêne pas que des entreprises françaises détruisent des emplois en France pour en créer à l'étranger, alors en effet, nous ne serons pas d'accord.
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Message non lu par mps » 19 juil. 2011, 09:49:00

L'Occident sait que la généralisation de son modèle est une chimère. À l'heure où notre planète souffre, où la vieille triade ne cesse de brandir ses exigences écologiques au nom du développement durable, l'Occident a compris que la Terre ne supporterait pas l'ensemble de l'humanité vivant avec les standards occidentaux. Un monde totalement occidentalisé est un monde épuisé, perdu, mort à court terme. La victoire de l'occidentalisation du monde signifierait donc sa défaite. Le modèle occidental ne peut se perpétuer que si une minorité d'êtres humains l'appliquent... tandis que la majorité s'en accommode tant bien que mal. C'est pourquoi le mondialisme occidental est un cauchemar. Pour l'éviter, l'Occident doit limiter sa puissance. Il doit faire preuve de tolérance et reconnaître que l'autre possède aussi une partie de la vérité. Souvenons-nous du cri des nouveaux philosophes : « Théoriser, c'est terroriser.

Bien d'accord ! Nous n'avons que trop tendance à penser que nos recettes sont universelles ! Ce qui est outrecuidant, puisqu'elles ne fonctionnent pas bien, même chez nous ...

Si ça ne te gêne pas que des entreprises françaises détruisent des emplois en France pour en créer à l'étranger, alors en effet, nous ne serons pas d'accord.

C'est le genre de "phrase bébé" qui a peut-être du succès, mais est parfaitement crétine !

Comment t'ouvres-tu un nouveau marché sans offrir des compensations de type emploi-sur-place ? Sont-ils au détriment de nos pays ? Très rarement.

Exemples :

- un des plus gros système informatique du monde est celui qui gère les prêts inter-bancaires. Ce système a été délocalisé en Inde. Il a permis un abaissement du coût fantastique, qui me permet comme à toi de faire des transferts (virements) n'importe où dans le monde gratuitement et d'avoir des coûts de gestion très modérés. Du apin bénit pour nos entreprises comme pour les particuliers,
et donc un potentiel libre pour notre économie.

- un constructeur consacre des centaines de millions à la mise au point d'un nouvjerau modèle de voiture. Cette phase de recherche doit être amortie sur le nombre de ces voitures qui seront vendues.
La production locale servira le pays, et quelques voisins, mais c'est très insuffisant, sauf à majorer abominablement le prix des voitures ... et ne plus en vendre, ce qui signifie faillite. Par contre, si ton marché englobe les pays émergents, le nombre de voitures produites va exploser, et le coût de la conception et de la mise au point être divisé par 10 au moins.

Bien entendu, ces voitures destinées à de lointains marchés devront être assemblées sur place.

Dans l'opération, tu n'as privé aucun français de son emploi : tu as au contraire créé des emplois d'ingénieurs, des techniciens ou de contremaîtres français dans les implantations à l'étranger, tu as sauvé la marque et maintenu la production en France, et tu peux développer tes services recherche et développement, comme tes services commerciaux.

Si tu appelle cela "détruire des emplois", c'est que tu n'as rien compris ...
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Message non lu par politicien » 21 juil. 2011, 11:48:00

Bonjour,

Voici un entretien de Daniel Cohen et Jacques Sapir dans Alternatives Économiques sur la mondialisation :


 
 
 
Désindustrialisation, inégalités, crise écologique…, de quoi la mondialisation est-elle responsable et quelles réponses y apporter ? Les analyses de deux économistes aux opinions contrastées.

La désindustrialisation et la montée des inégalités sont-elles, selon vous, liées à la mondialisation ?
Daniel Cohen : L'impact du commerce mondial sur l'emploi se situe principalement dans l'industrie. Mais la réciproque n'est pas vraie : le gros des destructions d'emplois dans le secteur industriel tient davantage aux gains de productivité qu'au commerce mondial. Au cours des dernières années, ceux-ci ont été deux à trois fois supérieurs dans le secteur industriel - de l'ordre de 4 % - à ce que l'on observe en moyenne dans le reste de l'économie. Autrement dit, pour produire la même quantité de biens industriels, il faut 4 % de travailleurs en moins chaque année. Au total, on peut dire que 10 % à 15 % des destructions d'emplois industriels sont liés au commerce international, et de 85 % à 90 % aux gains de productivité.
On peut d'ailleurs suivre leur impact d'une autre manière : en examinant la part du secteur industriel en volume, c'est-à-dire en neutralisant l'effet de la baisse des prix sur le partage de la valeur ajoutée. Si la mondialisation était responsable de la désindustrialisation, alors la part de l'industrie devrait se contracter en volume, à mesure que le quantum de biens fabriqués se réduit. Or, ce n'est pas le cas. De 1997 à 2007 par exemple, c'est-à-dire au moment où la mondialisation explose véritablement, la part en volume de l'industrie reste constante. Le commerce international n'est donc pas le principal coupable de la désindustrialisation, même s'il y contribue. A l'inverse, les pays qui ont le mieux défendu leur emploi industriel, comme l'Allemagne, sont des pays fortement exportateurs.

Jacques Sapir : Je m'explique la désindustrialisation d'une autre manière. En réalité, c'est un phénomène relativement récent. Jusqu'au milieu des années 1990, les gains de productivité dans les pays émergents n'étaient pas de nature à modifier le rapport de forces avec les pays dominants. En revanche, depuis le milieu des années 1990, on observe des gains de productivité très importants dans des pays comme la Chine ou en Europe de l'Est. Dès lors, des activités, par pans entiers, quittent les pays industrialisés.
Cependant, le fait que les sociétés restent très souvent localisées dans ces pays mais se livrent désormais à un assemblage de composants qui proviennent d'ailleurs tend à masquer l'impact global de ce processus. La capture de la valeur ajoutée par ces entreprises tend à minorer le rôle des sous-traitants. Quand on tient compte de ces biais comptables, même un pays comme l'Allemagne connaît la désindustrialisation. Les économistes allemands parlent d'ailleurs du passage du " made in Germany " au " made by Germany ".

Si l'on raisonne non en " valeur ajoutée à prix constants ", ce que fait Daniel Cohen, mais en temps de travail, la déperdition d'activité aux profits de ces pays émergents est très nette. Et comme l'accroissement des salaires dans les émergents est plus lent que dans les pays anciennement industrialisés, il se crée un décalage en termes de coût du travail et une concurrence de plus en plus dure sur les salaires et les avantages sociaux. Pour un nombre croissant de salariés, le message des entreprises est très clair : " si vous n'acceptez pas, on délocalise dans un autre pays. " Ces délocalisations peuvent être directes mais aussi indirectes, par exemple lorsqu'une entreprise conçoit un produit et décide de le produire dans un pays émergent plutôt qu'en Allemagne ou en France.

Enfin, il faut souligner la capacité de certains pays, essentiellement la Chine et l'Inde, à remonter en gamme. Ce qui remet en cause l'idée selon laquelle nous pourrions conserver les productions à plus haute valeur ajoutée, maintenant ainsi notre avantage compétitif. Au contraire, on assiste à un phénomène de rattrapage tout à fait normal et prévisible.

L'impact de la mondialisation sur l'emploi est-il très important ?
J. S. : Il l'est en effet, mais à condition d'intégrer tous les facteurs. Il y a un effet de délocalisation directe (une usine quitte la France) ; un effet dit " indirect " qui prend en compte la conception de produits faits pour être fabriqués dans ces pays émergents et être après réimporter ; et un effet de dépression salariale, qui entraîne une stagnation du marché intérieur, en raison de la pression exercée par ces pays émergents. Selon moi, si l'on éliminait les effets du libre-échange, le taux de chômage en France en 2007 aurait été de l'ordre de 3 %ou 3,5 %, au lieu de 8 %. En outre, le salaire médian en France stagne tandis que le salaire moyen continue d'augmenter. Cela a évidemment des conséquences sur le niveau de la demande intérieure, et donc sur l'emploi.

D. C. : L'argument selon lequel la mondialisation produit des effets à la fois sur l'emploi et sur la rémunération nous ramène à la question des inégalités. En réalité, la plupart des facteurs qui expliquent leur montée se sont mis en place avant que la mondialisation ne batte son plein entre 1995 et 2005. C'est le cas de la réorganisation des entreprises, dès les années 1980, laquelle s'accompagne, ce n'est pas un hasard, d'une désyndicalisation qui fait voler en éclats les normes salariales auparavant garanties par les syndicats. C'est ce tournant " paradigmatique " des années 1980 qui est à mes yeux le moment crucial. Comme le dit très bien le philosophe Peter Sloterdijk, la chute du mur de Berlin joue aussi son rôle. Avant, les ouvriers qui voulaient obtenir gain de cause pouvaient regarder vers l'Est pour rappeler que la paix sociale avait un prix. Ce n'est plus le cas ensuite.

Au total, la mondialisation apparaît comme un phénomène assez tardif dans cette séquence. Quand elle commence à produire pleinement ses effets à partir de la fin des années 1990, les dés sont déjà jetés.
Une nouvelle explication des inégalités doit être avancée cependant. C'est l'apothéose du 1 % le plus riche dont parle Thomas Piketty et qui se détache du reste de la société. Mais ce phénomène a moins à voir avec la mondialisation qu'avec la financiarisation. Une petite élite a en réalité réussi à capter une rente, comme le montre pour la France les travaux d'Olivier Godechot (voir page 40).

La mondialisation peut-elle se poursuivre dans un contexte de crise écologique ?
D. C. : La question majeure que pose la mondialisation aujourd'hui, c'est en effet la question écologique. Le problème que la Chine représente pour le monde réside principalement dans l'encombrement de la planète et de l'écosystème, et la hausse du prix des matières premières. D'un point de vue comptable, il semble que l'on puisse dire que les bénéfices de la mondialisation ont été globalement positifs jusqu'à 2005-2006 en termes de pouvoir d'achat. Les classes laborieuses ont pu avoir accès à des biens manufacturés moins chers. Mais arrive un moment où ce bénéfice ne suffit plus à compenser la hausse du prix des matières premières. L'effet d'entraînement de la Chine sur l'économie mondiale, à l'heure où elle cherche un modèle de croissance plus autocentré, risque d'être beaucoup plus faible que son pouvoir de nuisance sur le prix des matières premières. C'est le vrai moment de bascule.

J. S. : A long terme, c'est vrai. Mais, dans l'immédiat, il faut prendre en compte la dimension financière des marchés de matières premières. A travers le jeu des marchés de dérivés, toutes les matières premières sont devenues des placements. Certains mouvements de hausse ne s'expliquent pas autrement. A partir de fin 2009, le prix du pétrole est reparti à la hausse, mais, dans le même temps, le stockage du pétrole a augmenté. La production était donc largement supérieure à la consommation. Il y a là quelque chose qui ne peut s'expliquer que par la dimension financière. L'idée de l'épuisement des ressources va jouer, mais à long terme. Dans l'immédiat, il faut mettre l'accent sur la dimension purement financière des marchés de matières premières.
D. C. : A partir du moment où on atteint le pic pétrolier, les commodities, et notamment le pétrole, cessent d'être un bien productible. Jusque-là, l'offre, la demande et le coût de fabrication déterminent le prix. A partir du pic pétrolier, on entre dans une situation de rareté, il y a une rente à se partager. Et c'est parce qu'il y rareté que le terrain est propice à la financiarisation.

J. S. : Je ne suis pas convaincu. Si le prix du pétrole s'installe de manière stable à 130 ou 140 dollars le baril, alors les pétroliers vous diront qu'on a des réserves mondiales pour environ deux cents ans. A 80 dollars le baril, les réserves seront épuisées en 2055 ou 2060. La question des réserves est dépendante du prix. Si on peut voir le prix du pétrole augmenter en même temps que le stockage, c'est parce qu'il y a aussi une question monétaire. A partir du moment où un doute assez radical porte sur la valeur du dollar, de l'euro et généralement sur les monnaies, tout le monde cherche d'autres supports capables de conserver la valeur. Dès la fin de 2007, les banques d'affaires voulaient se dégager des marchés monétaires sur lesquels elles avaient massivement investi pour aller vers autre chose, et notamment vers les matières premières. Ce processus a été accéléré par la crise financière de 2008 et est aujourd'hui absolument majeur. Bien sûr, on aura des problèmes d'épuisement des ressources à la fin du siècle. En même temps, chaque fois que les prix montent, on découvre de nouvelles réserves et de nouvelles formes d'utilisation.
Fondamentalement, aujourd'hui, la question que l'on doit se poser est celle de l'usage de ces ressources naturelles comme réserves de valeur, une fonction essentiellement financière qui entraîne une hausse des prix et favorise leur volatilité. C'est très grave, car on ne peut plus construire une politique de substitution en situation de très grande volatilité des prix.

Sommes-nous arrivés à un point où, comme le suggère un nombre croissant d'observateurs, il faudrait avoir recours à des solutions protectionnistes ?
J. S. : Oui, mais la question est de savoir comment. Il y a un protectionnisme de nature écologique, qui consiste à taxer les produits provenant de pays qui n'appliquent pas certaines réglementations. Se pose ensuite la question de la différence en matière de coût salarial. Peut-on induire une convergence vers le haut ? On pourrait imaginer des mesures protectionnistes qui soient associées, par des accords internationaux, à des mécanismes par lesquels les pays qui ont des droits de douane acceptent de rétrocéder ces recettes aux pays taxés pour financer la mise en place progressive de formes de protection sociale. C'est ce que l'on pourrait appeler du protectionnisme altruiste : " on va vous taxer jusqu'à ce que votre niveau de protection sociale soit à peu près équivalent au nôtre, tout en vous permettant, par des transferts financiers, de monter en puissance beaucoup plus rapidement. "

D. C. : Il y a eu un grand débat sur les excédents aberrants de la Chine qui sont montés à plus de 10 % du produit intérieur brut (PIB). La sous-évaluation du yuan a joué en la matière un rôle important. On ne peut s'entendre sur un système commercial, et accepter de voir les accords ruinés par des déséquilibres durables de la valeur des monnaies.
Mais le problème central est celui de l'instauration d'une gouvernance mondiale dans laquelle on puisse incorporer les différentes normes, qu'elles soient sociales ou environnementales. L'Organisation internationale du travail (OIT) produit des normes très précises sur les conditions de travail dans tel ou tel secteur. Il en faudrait l'équivalent en matière environnementale. Et toutes ces normes devraient pouvoir être incorporées dans un système global, dont l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui en serait solidairement responsable. Il ne faut pas oublier que le bien le plus précieux, dans la période actuelle, est le multilatéralisme. Sans institutions multilatérales fortes, on restera dans le chaos.
 
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Message non lu par Adeline » 21 juil. 2011, 12:09:00

johanono a écrit :
mps a écrit : Oui. Ce qui ne se fait pas en brimant ceux qui en créent ...
Si ça ne te gêne pas que des entreprises françaises détruisent des emplois en France pour en créer à l'étranger, alors en effet, nous ne serons pas d'accord.
Si ça ne te dérange pas que les industriels Français ne fondent leurs entreprises qu'en France, favorisant ainsi l'immigration massive de peuples à la recherche d'emploi, nous ne seront pas d'accord.

Qu'un industriel implante son entreprise dans un pays ou la main d'œuvre est moins chère et où les taxes sont moins élevées, me semble, sommes toutes, assez logique. Avant de faire du social, l'industriel se fait avant tout de l'argent. Et en s'implantant dans des pays plus favorables à son essor, il favorise aussi l'emploi dans ce même pays, invitant alors les habitants à ne plus le fuir, mais à y prospérer.

Le fait que des industriels Français s'implantent à l'étranger, répond aussi à une attente des Français qui veulent tout avoir au moindre prix. Et notons que de nombreuses entreprises étrangères sont implantées en France, créant ainsi de nombreux emplois.
Modifié en dernier par Adeline le 01 août 2011, 14:00:00, modifié 1 fois.

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Message non lu par GIBET » 22 juil. 2011, 02:55:00

Tiens le discours de Sapir le protectionniste vient curieusement de changer.! Parler de protectionnisme "de nature écologique" c'est démolir la thèse du FN
Je sens que notre économiste amateur du forum obnubilé par ses idées fixes "iéologiques" va devoir dorénavant ne citer que le copain Todd
Eh oui l'économie politique est une connaissance , et pas une improvisation
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Message non lu par mps » 22 juil. 2011, 10:02:00

icon_confused

En fait, nous avons vécu dans le nombrilisme facile :

- nous étions les rois incontestés de la production
- nos salariés les rois de la "progression sociale"
et tout cela marchait assez bien, puisque c'est nous qui fixions les prix.

Aujourd'hui, notre production - à de très rares exceptions - n'est plus du tout la meilleure du monde, au contraire.
Nos salariés, jamais satisfaits par définition, voient leurs revendications provoquer plus d'éclats de rire que d'intérêt.
et les prix sont fixés par un marché international ultra compétitif.

S'imaginer qu'en fermant nos frontières nous allons retourner au "bon vieux temps" est particulièrement peu éclairé ...

Petit exemple pratique : Il y a 3 ans, pour aménager facilement une salle de bain à l'étage d'une maison, nous songeons à une vieille invention française, le Sanibroyeur.
Prix : environ 600 euros. Hum ...
Visite au Brico : une marque européenne concurrente, vers 450 euros.
Retour sur Internet. Nous en trouvons un, fabriqué en Chine, ... à 100 euros !!!

Commande immédiate, l'engin est là dans les 3 jours sans nous déranger. Facile d'installation, ultra silencieux, garanti 5 ans.
A ce prix, nous en avons immédiatement commandé un second, qui est en stock pour toute éventuelle avarie au premier.

Les deux pour le tiers du prix du Sanibroyeur !
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