Qu'en pensez vous ?Crise ou pas, alors que toute l'Europe se mobilise pour la survie de la zone euro, l'économie sociale et solidaire (ESS) - associations, coopératives, mutuelles et fondations - se porte bien. Dans l'Union européenne, elle emploie plus de 11 millions de salariés, soit 6 % de l'emploi total, selon la Commission européenne.
En France, tandis que les chiffres du chômage sont à nouveau en hausse, l'économie sociale continue de recruter.
Caractérisée par des objectifs non lucratifs, un mode de gouvernance participatif ou la finalité sociale de ses activités, elle affiche une progression annuelle de 1,3% en termes d'emplois et de 2,8% en masse salariale en 2010. Le secteur représente 12,5 % de l'emploi salarié privé en 2010, contre 12,2% un an plus tôt, et quelque 10% du produit intérieur brut (PIB). Depuis 2008, ce n'est que début 2011 que l'emploi du monde associatif a marqué un premier tassement.
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"Je vois l'économie comme un sujet en constante accommodation au changement social, politique et institutionnel, et certainement pas comme une quête ou une expression d'une vérité inchangée", disait l'économiste John Kenneth Galbraith.
C'est dans cet esprit que les acteurs de l'économie sociale adresseront aux futurs candidats à l'élection présidentielle 2012, le 7 novembre, une douzaine de propositions concrètes pour adapter l'économie aux changements sociaux.
Mais si, au nom de la défense de l'intérêt général, pour réduire les déficits publics et répondre aux aspirations de la société civile, le futur gouvernement prenait la balle au bond et demandait à l'ESS de prendre en charge une part plus grande de l'économie, cette dernière serait-elle prête à le faire ?
"L'ESS a toujours clairement dit qu'elle ne contribuerait pas volontairement à la réduction du rôle de l'Etat, elle ne veut pas concurrencer l'Etat. Mais elle est son partenaire naturel et, à ce titre, elle est déjà très présente dans la protection sociale, à travers les mutuelles de santé et les retraites complémentaires", répond Thierry Jeantet, président de l'association des Rencontres du Mont-Blanc, une sorte de Davos de l'économie sociale. L'action sociale (38,5 % de son activité contre 36,8 % en 2008) et l'éducation (15,1 % contre 15,8 %) sont ses deux premiers domaines d'activité.
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UN EMPLOI PRIVÉ SUR HUIT EN FRANCE
Avec un emploi privé sur huit en France, essentiellement dans le milieu associatif, l'ESS est devenue "un vivier d'emplois tant en termes quantitatifs que qualitatifs, explique Guillaume Légaut, délégué général du Ceges. Une étude récente (LEST-CNRS) montre que la satisfaction globale au travail apparaît plus importante au sein de l'économie sociale et solidaire qu'au sein des entreprises privées classiques, bien que les salaires soient relativement inférieurs à la moyenne tous secteurs confondus, à l'exception du secteur financier et de l'assurance".
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Pourtant, depuis quelques années, le secteur semblait enfermé sous un plafond de verre placé à 10 % du produit intérieur brut, cantonné à l'économie de "réparation" (insertion, assistanat, etc.). Le secteur était reconnu capable d'agir contre la pauvreté, mais à la marge.
Les cadres ne voyaient pas arriver de successeurs. "D'ici à 2015, ce sont 11,6 % des salariés de l'économie sociale et solidaire qui partiront à la retraite (55 ans et plus)", indique l'édition 2011 de l'Atlas de l'ESS en France et en région.
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CLIVAGES ET CONVERGENCES
C'est l'accroissement des inégalités, le contexte de mondialisation, qui ont mis l'économie sociale face au défi de changer d'échelle. Les clivages persistent, mais les tentatives de convergence se multiplient. "Tandis que par le passé, à la demande faite par les pouvoirs publics aux acteurs de l'économie sociale d'avancer des propositions pour l'aider à se développer, une panoplie de 50 à 70 mesures avait été envisagée... beaucoup trop pour avoir une chance d'être concrétisées", explique M. Légaut.
Les grandes familles de l'économie sociale en produisent aujourd'hui une douzaine, articulées autour d'axes communs bien identifiés : le renforcement de la démocratie dans l'économie et un autre partage de la richesse produite. Ce pourrait être : limiter les écarts de rémunération ou associer les employeurs de l'ESS à l'élaboration des politiques publiques, par exemple.
La Commission européenne vient, de son côté, de franchir "une étape forte", déclare Tarik Ghezali, délégué général du Mouvement des entrepreneurs sociaux, en publiant mardi 25 octobre une "Initiative pour l'entrepreneuriat social", plan d'action à court terme pour accompagner le développement de l'économie et de l'innovation sociale.
Ce plan en onze points devrait permettre d'élaborer des instruments financiers plus puissants. "Cet engagement de la Commission européenne de pousser "l'économie sociale de marché" est une orientation très importante, réagit Maria Nowak, fondatrice de l'organisme de microcrédit ADIE.
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TROIS SCÉNARIOS
Cette initiative est surtout la base d'un des trois scénarios esquissés par le sociologue Jean-Louis Laville, dans une perspective de désengagement de l'Etat au profit de l'ESS : "Soit les associations sont moins au service d'un Etat social modernisé que de la moralisation du capitalisme : il s'agit alors de transformer le milieu associatif en social business. Plus d'argent public mais un rapprochement avec les grandes entreprises privées, où les associations deviennent plus efficientes, tandis que les entreprises conduisent des politiques de responsabilité sociale et environnementale (RSE)".
C'est cette option que trace la Commission. Les deux autres scénarios en concurrence mettraient "soit les associations au service des objectifs fixés par la tutelle publique, dans le rôle de prestataire technique ; soit une socioéconomie plurielle : on sort de la manière dont on a pensé le dualisme marché-Etat par la nécessité d'un troisième pôle qui peut avoir un apport spécifique émanant de la société civile".
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Anne Rodier et Adrien de Tricornot
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