Qu'en pensez vous ?Sur l'industrie et les délocalisations, Nicolas Sarkozy a multiplié les déplacements, les déclarations -"notre pays doit garder ses usines"- et les forums, comme les Etats généraux de l'industrie. Qu'en reste-t-il? D'un côté, des mesures cosmétiques telles que la création d'un label Made in France -qui n'a pas encore vu le jour- ou d'une "semaine de l'industrie".
De l'autre, deux réformes positives, qui n'étaient pas au programme du candidat Sarkozy en 2007: le lancement du grand emprunt, susceptible de doper l'innovation, et la suppression de la taxe professionnelle, cet impôt absurde qui pesait sur les investissements productifs.
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Ce qui a changé
La dégringolade a continué. Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy, le déficit du commerce extérieur s'est encore creusé pour atteindre un nouveau record en 2011, à plus de 71 milliards d'euros. Un chiffre qui révèle la faiblesse des exportations françaises, dont la part de marché dans le monde est passée de 5,8% en 1995 à 3,8% aujourd'hui. Et cette érosion est allée de pair avec une importante désindustrialisation, qui a vu ce secteur passer de 24% du PIB en 1980 à 14% en 2008, enregistrant au passage une chute de l'emploi de 1,6% en rythme annuel.
Pour tenter de redresser la barre, le chef de l'Etat a convoqué des Etats généraux de l'industrie, le 3 septembre 2009, et fixé des objectifs ambitieux: une hausse de la production industrielle de plus de 25% et le retour à une balance commerciale positive (hors énergie) d'ici à 2015. Malgré la mise en place de 23 mesures (évaluation des aides de l'Etat, nomination d'un médiateur de la sous-traitance...), ces objectifs ne seront pas atteints.
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D'abord, il a instauré un Fonds stratégique d'investissement (FSI), doté de 20 milliards d'euros de fonds propres, afin de soutenir les entreprises, qui ont du mal à trouver des financements. Trois ans plus tard, le bilan de ce fonds souverain à la française est assez décevant: il a réalisé une soixantaine d'opérations, dont 28 seulement au profit de PME. Par comparaison, les sociétés de capital-investissement ont soutenu 950 entreprises au cours des six premiers mois de 2011.
Surtout, le président a lancé, en 2010, un grand emprunt de 35 milliards d'euros visant à financer des "investissements d'avenir". Ces fonds sont surtout consacrés à l'enseignement supérieur (11 milliards d'euros) et à la recherche (7,9 milliards), mais ils soutiennent aussi les filières industrielles et les PME, le secteur du développement durable et le numérique. Au total, l'industrie devait recevoir directement et indirectement 18 milliards d'euros. Ce chantier avance: en dix-huit mois, plus de 1.500 dossiers ont été déposés, la sélection étant effectuée par des jurys internationaux. Et fin 2011, 20 milliards d'euros ont déjà été débloqués.
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Une mondialisation à relativiser
Dans sa théorie des "avantages comparatifs", publiée en 1817, l'économiste britannique David Ricardo a établi que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production de biens pour laquelle il est relativement le plus efficace. Cette théorie du commerce international, qui concluait que toutes les nations bénéficiaient du libre-échange, a été approfondie par l'économiste américain Paul Samuelson, Prix Nobel en 1970, et complétée par les travaux de Joseph Stiglitz et de Paul Krugman.
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Avec l'accélération de la mondialisation, les économistes ont cherché à évaluer l'impact de ce phénomène sur l'emploi industriel. Selon une étude de Lilas Demmou pour la Direction générale du Trésor, les échanges internationaux n'auraient détruit, en France, que 8.900 emplois par an en moyenne entre 1980 et 2007, un chiffre très faible par rapport au flux annuel d'environ 2 millions de créations et destructions d'emplois. D'après les enquêtes de Lionel Fontagné, professeur à l'Ecole d'économie de Paris et spécialiste du sujet, la mondialisation expliquerait environ 15 % des destructions d'emplois industriels. Le reste, soit 85%, proviendrait du progrès technique et des gains de productivité.
Idées de campagne
Le Made in France a fait irruption dans la campagne via François Bayrou qui en a fait son thème central. Le candidat du MoDem veut créer un label pour que "les consommateurs soient le soutien actif des Français producteurs". Nicolas Sarkozy, lui, a voulu se démarquer en sortant un nouveau slogan, "Produire en France", censé favoriser toutes les entreprises, y compris les filiales de groupes étrangers. De son côté, Marine Le Pen, qui revendique le slogan "Achetons français", promet une loi imposant aux administrations et aux collectivités locales d'acheter, en priorité, des produits français (automobile, alimentaire...). Plusieurs candidats, notamment Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, préconisent des mesures protectionnistes pour redresser notre industrie. Pour sa part, François Hollande plaide pour un "patriotisme industriel". Le candidat socialiste entend muscler notre industrie par le biais d'une "fiscalité réorientée vers l'investissement", avec une grande banque publique regroupant tous les outils de financement et la réorientation du crédit d'impôt recherche vers les PME. Ce sujet a créé un clivage à gauche entre Arnaud Montebourg, chantre de la démondialisation, et Manuel Valls, chargé de la communication du candidat, farouchement contre. Il divise désormais la droite, opposant Laurent Wauquiez, ministre de l'Enseignement supérieur et partisan d'un "protectionnisme moderne", à Jean-François Copé, patron de l'UMP, qui juge ces termes antinomiques.
A l'étranger
C'est le modèle industriel et exportateur, le seul grand pays industrialisé qui a tiré son épingle du jeu face à l'accélération de la mondialisation. L'Allemagne dégage un excédent commercial record (154 milliards d'euros en 2010, en hausse de 11%), notamment dans les produits manufacturés.
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L'explication? D'abord, l'Allemagne a su développer des entreprises de taille moyenne plus importantes, capables d'attaquer les marchés internationaux. Parmi les sociétés comptant entre 250 et 1.000 salariés, la taille moyenne est de 531 salariés en Allemagne, contre 387 en France. Ensuite, outre-Rhin, l'investissement en R&D est beaucoup plus élevé, notamment dans le privé (1,8% du PIB, contre 1,2% en France en 2008) grâce à de multiples mesures de soutien de l'Etat fédéral. Il a ainsi mis en place un programme pour les PME innovantes (1,2 milliard d'euros répartis dans 9 500 projets) et un fonds de brevets au bénéfice des universités, des entreprises et des inventeurs indépendants.
Autre modèle, la Suède est considérée comme étant l'un des rares pays à avoir réussi une réindustrialisation grâce à un effort massif d'innovation, par la hausse des aides publiques à l'industrie. Entre 1990 et 2008, le poids des dépenses de R&D est ainsi passé de 2,7 à 3,7% du PIB, l'un des plus hauts niveaux dans l'OCDE. Le pays, qui a aussi réduit la pression fiscale sur les entreprises (à 26%, son taux d'impôt sur les sociétés est l'un des plus bas d'Europe), a maintenu une balance commerciale excédentaire (2% du PIB) même pendant la récession de 2009.
Dernier cas exemplaire, le Japon a évité la désindustrialisation qui touche la plupart des pays riches. Avec des recettes très proches de celles de la Suède: effort massif en R&D, réduction des coûts et montée en gamme des produits.
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