Faut-il un protectionnisme européen ?

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Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par politicien » 06 févr. 2012, 13:57:46

Bonjour,

On entend beaucoup parler en ce moment de protectionnisme européen, donc je voulais lancer le débat là dessus, et ce qui suit est plaidoyer en faveur du protectionnisme, mais je trouve que cela lance bien le débat :
« L’UE, avec ses 495 millions d’habitants, reste à ce jour le plus vaste et le plus riche marché du monde. Face à la menace de rétorsions commerciales, elle a des arguments à faire valoir pour négocier les conditions auxquelles elle consent à acheter les produits et services du monde, » affirme Gaël Giraud, chercheur au CNRS.

Par Gaël Giraud, Revue « Projet », février 2011 - extrait

Sans attendre que les circonstances nous l’imposent, il nous serait possible de développer un « protectionnisme européen raisonné ». De quoi s’agirait-il ? D’imposer des barrières douanières autour de l’Union européenne (UE), qui pénalisent les biens, services et capitaux importés des pays : qui ne respectent pas les conditions de travail « décentes » préconisées par l’Organisation internationale du travail ; qui ne respectent pas les accords internationaux de Kyoto ; qui tolèrent les sociétés écrans et permettent de contourner l’impôt dû ailleurs (non pas les paradis fiscaux au sens de la liste « grise » de l’OCDE, vidée de toute substance, mais au sens, par exemple, de l’indice d’opacité financière établi par le Tax Justice Network.

Ces conditions peuvent paraître insuffisantes : elles laissent de côté, notamment, les accords multilatéraux sur l’environnement, ainsi que tout ce qui pourrait concerner la lutte contre le dumping salarial. Elles n’en constitueraient pas moins une première étape. Quant à établir une taxe sur les biens produits dans des conditions salariales « déloyales », elle suppose une révision intellectuelle en profondeur du concept même de concurrence, qui n’est guère à la portée, aujourd’hui, de la Commission européenne ou encore de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Quoi qu’il en soit, cette étape devrait s’accompagner d’un plan de transition verte de la zone euro (si cette dernière survit). La protection de notre industrie et de notre agriculture pour leur « mue » est une condition sine qua non de succès : le climat et l’énergie exigent des investissements de long terme pharaoniques (600 milliards d’euros selon la Fondation Nicolas Hulot), dans les infrastructures ferroviaires, la capture du CO2, l’isolation de l’habitat... La pression de la concurrence internationale rend difficilement envisageables de tels investissements. Il nous faut une nouvelle révolution industrielle, non moins phénoménale que celles des XVIIIe et XIXe siècles. Ni l’Angleterre, ni l’Allemagne, ni la France, les États-Unis ou le Japon n’ont eu recours aux débouchés extérieurs pour leur décollage économique.

En un sens, la taxe écologique, abandonnée par le président Sarkozy, eût été un premier pas dans cette direction. Et le Système monétaire européen, de 1979 à 1993, constituait une version tout à fait réussie, dans son principe, d’une forme de protectionnisme régional tempéré. Sans doute conviendrait-il d’édifier de telles barrières par étapes, en ménageant, au moins dans un premier temps, les relations de l’UE avec l’Amérique du Nord, la Norvège ou la Suisse, par exemple. Nous devrons également faire des exceptions pour ce qui concerne les matières premières importées, certains produits agricoles et les biens d’équipement sans lesquels les entreprises européennes ne peuvent plus tourner. Mais ces exceptions devraient être débattues à l’échelon politique européen. Quel usage, surtout, faudra-t-il faire des recettes induites par ces nouveaux droits de douane ? Elles pourraient abonder un fonds d’aide au développement des pays du Sud (destiné à les aider à améliorer les conditions de travail de leurs salariés et à diminuer, chez eux, la facture écologique) ou encore un fonds souverain européen pour accélérer la transition vers une industrie verte.

Loin de constituer un renoncement à toute forme de concurrence sur le territoire européen, un cordon sanitaire permettrait, au contraire, l’organisation d’une concurrence loyale, les entreprises qui s’installeraient en Europe ayant à travailler dans les mêmes conditions que les nôtres. Bien sûr, nous devrions nous appliquer les critères imposés au reste du monde : en particulier une harmonisation fiscale européenne (l’UE compte de nombreux paradis fiscaux, à commencer par le Royaume-Uni, le Luxembourg, l’Autriche, l’Irlande ou Malte)

À qui ce protectionnisme ferait-il mal ?
Ce protectionnisme provoquerait-il une hausse du coût de la vie (en renchérissant les produits importés) ? Rien n’est moins sûr. Il rendrait enfin possible le rattrapage salarial qui nous fait cruellement défaut, en Allemagne comme dans le reste de l’Europe - condition nécessaire pour rendre une transition verte économiquement rentable. Car aujourd’hui, ce que nous gagnons comme consommateurs en achetant des biens bon marché produits hors d’Europe, nous le perdons, comme salariés, du fait de la compression des salaires.

Bien sûr, des mesures de protection commerciale n’inciteront pas seulement certains de nos partenaires à produire davantage pour leurs marchés internes (à l’instar de la Chine) : elles induiront aussi des rétorsions de leur part. Les PME françaises qui exportent à l’étranger en souffriraient-elles ? Avec raison, les médias relayent volontiers la réussite de certaines d’entre elles. Ainsi, les 600 producteurs de la coopérative d’Isigny-Sainte-Mère, dans le Calvados, exportent leur lait depuis trente ans. Mais c’est une exception. En 2008, environ 100 000 entreprises françaises exportaient des biens, d’après les Douanes, soit une entreprise sur 20. L’essentiel des exportations est assuré par un très petit nombre d’entreprises : mille assurent 70 % du chiffre d’affaires à l’export. Ce sont les grands groupes français et les entreprises de groupes étrangers implantés en France. La part des PME indépendantes reste limitée. Les années 2000, très « libre-échangistes » dans le discours, ont connu une baisse du nombre d’entreprises exportatrices françaises.

Et la moitié des PME qui exportent ont pour débouché un pays d’Europe de l’Ouest et ne seraient pas concernées par un cordon commercial européen. Un quart seulement exportent vers un pays émergent. On peut imaginer que les recettes des droits de douane servent aussi à soutenir le petit nombre de PME qui auraient à souffrir d’une telle politique. Enfin, la baisse de productivité qu’exigera notre transition verte, tout comme le transfert de nombreuses activités à la campagne, le réaménagement du territoire, etc., pourront être source de créations d’emplois et compenser le manque à gagner des PME concernées par d’éventuelles pertes de marchés extérieurs.

Qui, en Europe, serait donc pénalisé ? Le secteur financier. La déflation salariale et le maintien d’un chômage de masse en Europe (qui ne sont pas étrangers aux politiques de libre-échange exigent, pour être socialement supportables, une inflation faible. Celle-ci favorise l’explosion du rendement des placements financiers malgré une croissance molle depuis vingt ans. Mais l’insuffisance du pouvoir d’achat des ménages occidentaux a conduit à un recours massif au crédit à la consommation, à l’origine de la crise initiée en 2007. Le relâchement de la contrainte salariale des pays du Sud lèverait un obstacle majeur à une revalorisation des salaires et des prestations sociales au Nord pour répondre à l’inflation (due au pic du pétrole). Les revenus financiers s’en trouveraient mécaniquement rognés. Est-ce un mal ?

Si l’Europe voulait...
Lorsqu’en février 2009, la commissaire européenne en charge de la concurrence, Neelie Kroes, fait des remontrances à la France parce qu’elle conditionne son aide publique au secteur automobile à des engagements de non-délocalisation et de protection des emplois nationaux, deux remarques s’imposent. Tout d’abord, la conditionnalité d’une telle aide devrait porter en priorité sur l’accélération de la transition vers la production d’automobiles électriques. Subventionner l’automobile à essence, compte-tenu de la contrainte environnementale et énergétique, est un non-sens. Bruxelles a eu raison de tancer Paris... mais pour de mauvais motifs ! C’est au niveau européen qu’une aide publique à l’industrie européenne (verte), conditionnée à des clauses de non-délocalisation, devrait être organisée. Car la délocalisation (celle des usines que l’on ferme, mais aussi celle, invisible, de toutes les décisions d’investissement qui ne sont pas prises sur le sol européen n’est rendue intéressante que grâce au dumping salarial des pays émergents et au coût relatif très faible jusque-là, du pétrole.

La seconde étape de cette politique commerciale, destinée à contrebalancer le dumping salarial des pays émergents (mais aussi du Japon et de l’Allemagne), ferait-elle tort aux pays exportateurs ? Elle contrarierait une dynamique au terme de laquelle les pays émergents, la Russie et l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) réalisent à eux seuls 50 % de la valeur des exportations mondiales en 2010 (contre 27 % en 1998). Mais elle les inviterait à revaloriser leur demande interne. La consommation des ménages représente moins de 35 % du volume du Pib chinois en 2010, contre 50 % en 1998. Et la part de la masse salariale, 48 % du Pib chinois en 2010, contre 52 % en 2001. Les bénéfices que la Chine retire de la mondialisation ne sont donc pas distribués au profit des salariés. C’est cette logique qu’un protectionnisme européen viendrait entraver. La Chine centralisée d’avant « l’ouverture » connaissait une assurance maladie, supprimée depuis lors pour augmenter son avantage compétitif.

L’UE, avec ses 495 millions d’habitants, reste à ce jour le plus vaste et le plus riche marché du monde. Face à la menace de rétorsions commerciales, elle a des arguments à faire valoir pour négocier les conditions auxquelles elle consent à acheter les produits et services du monde. D’ailleurs, les représailles existent déjà : les contrats chinois passés avec Airbus ou Boeing prévoient que les futurs avions soient sous-traités en Chine, dans le cadre de co-investissements avec des entreprises chinoises. Pékin a choisi, au début des années 2000, d’instituer une taxe de 23 % sur les importations d’avions régionaux, en vue de protéger sa production. Et nous devrions nous refuser à adopter ce type de politique commerciale bien comprise par crainte de rétorsions que nous subissons déjà ?

Des mesures protectionnistes vont-elles à contre-sens de ce que préconisent Bruxelles et l’OMC ? Les articles du Traité de Lisbonne ont été allègrement bafoués lors des grandes opérations de consolidation du secteur bancaire menées à la faveur de la crise. Serait-ce que l’extraordinaire concentration du secteur, qui accroît le risque systémique lié aux banques « too big to fail », ne contrevient pas aux règles de la saine concurrence ? La Commission sait faire des exceptions à ses principes. C’est donc qu’ils ne sont pas inviolables et doivent pouvoir faire l’objet d’un véritable débat démocratique. Sans cela, les deux revirements stratégiques évoqués supra auxquels nous serons sans doute contraints à plus ou moins brève échéance - le renoncement, pour cause de « dé-globalisation », au pari allemand des exportations extra-européennes comme principal moteur de la croissance ; la fermeture du capital des entreprises européennes aux investisseurs orientaux - seront pratiqués dans une forme de déni schizophrène.

À l’aube d’une âpre négociation ?
Pour mettre des barrières douanières, il faut l’accord unanime des Vingt-Sept. La Pologne, l’Espagne, l’Estonie ont des secteurs industriels très différents de ceux de la France et de l’Allemagne. Les négociations promettent d’être complexes ! L’Angleterre y sera hostile par tradition et par souci de conserver ses relations transatlantiques. L’Allemagne, grisée par le succès de ses exportations de biens d’équipement, se pense comme une grande bénéficiaire du libre-échange (alors que le pouvoir d’achat de ses classes moyennes a diminué depuis quinze ans). Elle ne consentira à une déchirante révision que lorsqu’il deviendra clair que sa stratégie d’exportation sur les marchés émergents est vouée à l’échec par le pétrole très cher et la réorientation de l’industrie chinoise vers son propre marché domestique. La percée que le Parti vert allemand est en train de réaliser outre-Rhin, aux dépens de la très libérale FDP (Parti libéral-démocrate) et de la CDU (Union chrétienne démocrate), pourrait augurer un changement d’attitude à l’égard d’un possible protectionnisme écologique. En France, une telle volonté politique emporterait l’assentiment de 55 % des Français. Mais c’est à l’échelle européenne qu’une telle politique devrait être menée.

Gaël Giraud est jésuite, chercheur au CNRS, École d’Économie de Paris, et travaille pour le Ceras.
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3184
Qu'en pensez vous ? Quels sont pour vous les inconvéniants et les avantages d'une telle mesure ?

A plus tard,
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Lucas
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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Lucas » 06 févr. 2012, 21:12:36

Pourquoi instaurer un protectionnisme européen alors que la majorité de nos échanges se situent dans l'UE ?

Ou alors y'a quelque chose que je ne saisie pas...

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Nombrilist » 06 févr. 2012, 21:21:18

A retenir: Car aujourd’hui, ce que nous gagnons comme consommateurs en achetant des biens bon marché produits hors d’Europe, nous le perdons, comme salariés, du fait de la compression des salaires.

Lucas, la majorité, c'est combien ? 40% ? ça signifie qu'il reste quand même 60% à protéger.

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Lucas
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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Lucas » 06 févr. 2012, 21:37:15

On est plutôt aux alentours de 65% :
Image
Les principaux partenaires commerciaux de la France sont les pays de l'Union européenne, avec lesquels son commerce est excédentaire et qui concentraient 62 % de ses exportations et 60 % de ses importations en 2000, suivis de très loin par l'Amérique et l'Asie. Le marché communautaire - où se détache nettement l'Allemagne, partenaire traditionnel, suivie du Royaume-Uni, de l'Italie et de l'Espagne - constitue donc un débouché primordial pour les entreprises exportatrices françaises.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Nombrilist » 06 févr. 2012, 21:38:44

Il reste donc 35% à protéger pour la France. C'est quand même conséquent.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Ilikeyourstyle » 06 févr. 2012, 21:51:21

En théorie, il faudrait se protéger. En pratique à l'heure où la Chine dit à ses compagnie aériennes de ne pas payer la taxe carbone de l'UE et ce directement dans le sillage des USA d'Obama, et bien simplement tout protectionnisme européen est impossible car l'UE n'est pas capable de se faire respecter. Notamment parce qu'elle n'est pas une puissance dotée d'un esprit national et d'une armée.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par El Fredo » 06 févr. 2012, 21:52:16

Pas faux. Et ça serait encore plus vrai en cas de sortie de l'UE, ce que nos souverainistes ont du mal à comprendre.
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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par johanono » 06 févr. 2012, 23:34:48

Le problème, c'est aussi la concurrence déloyale que nous imposent les pays d'Europe de l'Est. Ces pays sont dans l'UE, les échanges avec ces pays sont donc considérés comme intra-européens, n'empêche que cette concurrence déloyale provoque des destructions d'emplois massives dans les pays d'Europe de l'Ouest, notamment en France.

L'idéal consiste à faire des zones de libre-échange uniquement entre pays ayant à peu près les mêmes normes et les mêmes coûts de production. OK pour un marché unique entre les pays d'Europe de l'Ouest, mais il faut à tout prix se protéger de la concurrence déloyale des pays d'Europe de l'Est !

Bien sûr, c'est plus compliqué, maintenant que les pays d'Europe de l'Est ont rejoint l'UE. C'est là qu'on s'aperçoit que l'UE a fondamentalement changé de nature et est devenue plus difficile à gouverner avec l'élargissement à l'Est. Que je sache, socialistes, centristes et UMPistes (RPR à l'époque) ont voté cet élargissement...

Ilike, tu as raison quand tu dis que l'UE n'est pas capable de se faire respecter. Mais cette incapacité à se faire respecter est surtout due au fait qu'en Europe, nous ne sommes jamais d'accord sur rien, nous n'arrivons jamais à nous mettre d'accord sur quoi que ce soit ! L'UE, c'est l'addition de nos divergences. L'UE nous paralyse et nous empêche de prendre toute décision importante. Le cas du protectionnisme européen, quel que soit son périmètre exact, est un bon exemple : quoiqu'on puisse penser de l'opportunité d'une telle mesure, de toute façon, les pays européens ne se mettront jamais d'accord dessus.

Que tu le veuilles ou non, Fredo, la vérité est que tant que nous resterons dans le cadre européen, nous nous condamnerons à l'inaction et à l'impuissance. Seule une sortie de l'UE et de l'euro permettra à la France de recouvrer sa souveraineté économique et monétaire et de prendre les décisions qu'elle jugera utiles.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Ilikeyourstyle » 07 févr. 2012, 08:04:36

johanono a écrit :Le problème, c'est aussi la concurrence déloyale que nous imposent les pays d'Europe de l'Est. Ces pays sont dans l'UE, les échanges avec ces pays sont donc considérés comme intra-européens, n'empêche que cette concurrence déloyale provoque des destructions d'emplois massives dans les pays d'Europe de l'Ouest, notamment en France.

L'idéal consiste à faire des zones de libre-échange uniquement entre pays ayant à peu près les mêmes normes et les mêmes coûts de production. OK pour un marché unique entre les pays d'Europe de l'Ouest, mais il faut à tout prix se protéger de la concurrence déloyale des pays d'Europe de l'Est !

Bien sûr, c'est plus compliqué, maintenant que les pays d'Europe de l'Est ont rejoint l'UE. C'est là qu'on s'aperçoit que l'UE a fondamentalement changé de nature et est devenue plus difficile à gouverner avec l'élargissement à l'Est. Que je sache, socialistes, centristes et UMPistes (RPR à l'époque) ont voté cet élargissement...

Ilike, tu as raison quand tu dis que l'UE n'est pas capable de se faire respecter. Mais cette incapacité à se faire respecter est surtout due au fait qu'en Europe, nous ne sommes jamais d'accord sur rien, nous n'arrivons jamais à nous mettre d'accord sur quoi que ce soit ! L'UE, c'est l'addition de nos divergences. L'UE nous paralyse et nous empêche de prendre toute décision importante. Le cas du protectionnisme européen, quel que soit son périmètre exact, est un bon exemple : quoiqu'on puisse penser de l'opportunité d'une telle mesure, de toute façon, les pays européens ne se mettront jamais d'accord dessus.

Que tu le veuilles ou non, Fredo, la vérité est que tant que nous resterons dans le cadre européen, nous nous condamnerons à l'inaction et à l'impuissance. Seule une sortie de l'UE et de l'euro permettra à la France de recouvrer sa souveraineté économique et monétaire et de prendre les décisions qu'elle jugera utiles.
A partir du moment où ces pays sont dans l'UE, il n'y a pas concurrence déloyale , les règles de concurrence sont européennes et pas françaises. Si tu as des requêtes à faire concernant la Roumanie ou la Pologne, va te plaindre à Bruxelles.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par johanono » 07 févr. 2012, 09:12:57

Pour moi, il y a concurrence déloyale, parce que ces pays affichent des niveaux de salaires et des normes sociales très inférieurs aux nôtres. Le droit européen permet cette concurrence déloyale, je le sais très bien, j'en suis conscient, c'est pour ça que je dis qu'il ne fallait pas accueillir les pays d'Europe de l'Est dans l'UE, et que la seule solution aujourd'hui pour la France consiste à quitter purement et simplement l'UE.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par Lucas » 07 févr. 2012, 10:18:23

Nombrilist a écrit :Il reste donc 35% à protéger pour la France. C'est quand même conséquent.
Ca pèse pas très lourd quand même, quand j'écoute certains on dirait que c'est 75-80% à protéger, en réalité ce n'est que un tiers.

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par El Fredo » 07 févr. 2012, 11:09:20

Jonanono, ce n'est pas seulement l'UE qu'il faudrait quitter mais l'union douanière avec tous ses membres, et advienne que pourra. Tu seras obligé de mettre des barrières douanières avec le reste du monde, car l'UE est considéré comme une entité commerciale unique, tu ne pourras donc pas appliquer de barrières différentiées entre la Roumanie et l'Allemagne par exemple. Et quand bien même, rien n'empêcherait les marchandises roumaines de transiter par l'Allemagne avant d'être expédiées en France.

Il faut ouvrir les yeux, ça n'est pas demain la veille que ce genre de "solution" va être mise en place, alors pourquoi s'entêter avec des chimères ? Essayons plutôt de corriger le système actuel et d'en tirer le meilleur parti.
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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par johanono » 07 févr. 2012, 11:28:27

Le problème, c'est qu'on n'arrivera jamais à rien en restant dans le cadre européen. Qu'est-ce que tu crois ? Que les Allemands vont céder sur l'euro ou sur le protectionnisme, que les pays de l'Est vont accepter de multiplier leur coût du travail par deux, juste pour nous faire plaisir ? Le cadre européen nous condamne à l'impuissance. A l'inverse, si on sort de l'UE, on retrouve notre liberté ; il ne s'agira pas de se replier sur soi, contrairement à ce que veulent faire croire les zélotes du système actuel, mais de négocier, au cas par cas, en fonction de nos intérêts, des accords de libre-échange bilatéraux avec les pays de notre choix.

Tu dis que mes propositions sont chimériques, mais qu'est-ce qui est le plus chimérique ? Rester dans l'UE en attendant une hypothétique harmonisation européenne qui ne viendra jamais parce que les autres pays n'en veulent pas ou en attendant que les Allemands veuillent bien nous faire plaisir ? Ou reprendre notre liberté et négocier des traités de libre-échange bilatéraux librement consentis ?

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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par johanono » 07 févr. 2012, 11:36:33

Arnaud Montebourg : «Le protectionnisme européen est inéluctable»

La TVA sociale peut-elle freiner les importations ?

Diminuer la protection sociale, écraser les salaires pour nous adapter aux pays low cost est insoutenable. C'est ce qu'a fait l'Allemagne il y a quelques années. Ce choix mène à une impasse. Même Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, dit que ce n'est pas un modèle viable sur le long terme.

La TVA sociale est une très mauvaise réponse à un vrai problème. Elle est surtout injuste : elle fait porter l'allégement du coût de la protection sociale des entreprises sur les ménages, les retraités et les chômeurs. Après avoir servi les plus favorisés, notamment en allégeant l'ISF, Nicolas Sarkozy veut désormais frapper les plus pauvres avec la TVA.

Que proposez-vous pour lutter contre la désindustrialisation ?

La classe dirigeante française a délaissé l'industrie, abandonnant toute politique industrielle, pour privilégier la finance qui a servi d'autres intérêts que ceux de l'économie réelle. Et les entreprises du CAC 40 ont fait la croissance des autres pays mais pas la nôtre, en se développant d'abord à l'étranger. Le patriotisme industriel a disparu en France. Je me félicite que la classe politique en prenne enfin conscience, que la question du « made in France » soit devenue centrale. Et je me réjouis que notre candidat François Hollande parle ouvertement de patriotisme industriel.

Que faire concrètement ?

Au sein du couple franco-allemand, on ne peut accepter que nos intérêts vitaux soient sacrifiés sur tous les plans. On ne peut pas perdre, à la fois, sur le terrain monétaire avec un euro-mark surévalué au vu de la spécialisation de notre économie, sur le terrain commercial avec l'absence de protection aux frontières de l'Europe. Il faut avoir le courage de dire que l'Allemagne a réalisé, ces dernières années, ses bonnes performances au détriment des autres pays d'Europe.

Il sera inévitable de faire plier la Banque centrale européenne qui, par dogmatisme pro-allemand consistant à refuser de monétiser la dette européenne, se désintéresse de l'économie réelle et impose des plans d'austérité qui aggravent la récession. Si on continue dans cet aveuglement, les peuples se révolteront et éliront des gouvernements extrémistes qui détruiront l'euro. La BCE sera donc contrainte à agir comme toutes les autres banques centrales en rachetant de la dette souveraine.

François Hollande est plutôt discret sur ces questions...

François Hollande, lors d'un déplacement dans mon département de Saône-et-Loire, a récemment insisté sur la nécessité de se protéger contre la concurrence déloyale mondiale. Le protectionnisme européen est devenu inéluctable. Il fait d'ailleurs l'objet d'un quasi-consensus national. Pour mener cette politique, une taxe carbone aux frontières de l'Europe et une taxe lourde sur les transactions financières doivent être introduites.

Mais on ne va pas attendre les Vingt-Sept indéfiniment. Il faut que nous puissions les mettre en oeuvre nationalement au plus vite. La France doit pouvoir aussi imposer des restrictions commerciales sur certains produits extracommunautaires ne respectant pas les normes environnementales sans enfreindre les règles commerciales. C'est tout à fait possible juridiquement dans le cadre actuel de l'OMC.

Le candidat socialiste ne parle guère des mesures de lutte contre la spéculation financière que vous réclamiez pendant la primaire...

C'est vrai à ce jour. Mais il s'exprimera fortement sur le sujet dans la campagne. Séparer les activités de banque de dépôt de celles d'investissement est une nécessité impérieuse. Il faut que les banques arrêtent de spéculer et fassent leur travail : financer l'économie réelle. La tolérance que les politiques ont accordée au système financier est aujourd'hui révolue. Il faut inverser la donne : les plans d'austérité doivent être pour le système financier et non plus pour les peuples.

Faut-il renoncer à fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu ?

François Hollande est attaché à réaliser cette révolution fiscale. Elle ne se fera pas en un jour, elle sera étalée dans le temps. Dire que la fusion ne se fera pas est une erreur de présentation. Elle doit être réalisée durant le quinquennat. Et le plus tôt sera le mieux. Je n'ai aucun doute sur le volontarisme de François Hollande en la matière. Il a redit la semaine dernière sur France 2 que la fusion aurait lieu.

Que pensez-vous de l'accord signé entre le PS et les Verts ?

Cet accord se trompe de cible. L'urgence est à la transition énergétique, car les anticipations du réchauffement climatique sont effrayantes. Mais ce qu'il faut organiser, c'est d'abord la sortie du pétrole, pas celle du nucléaire. L'atome est justement l'outil pour assumer cette transition. C'est le moyen d'avancer sur le chemin de la réindustrialisation. Et de passer à une économie post-carbone.

L'Europe doit prendre le leadership de la troisième révolution industrielle qui conjuguera les technologies issues d'Internet et les énergies renouvelables quand la seconde combinait l'automobile et le pétrole et la première le chemin de fer et le charbon.

suite


Montebourg pose les bonnes questions et propose de bonnes réponses : protectionnisme européen, sur-évaluation de l'euro, etc. Mais il veut rester dans le cadre de l'UE, il a l'air de croire qu'on pourra faire plier nos "partenaires" européens sur ces questions-là... D'ailleurs, il est conscient de la difficulté de convaincre les autres pays, puisqu'il dit que les règles actuelles de l'OMC permettent à la France d'imposer unilatéralement des restrictions commerciales sur certains produits extracommunautaires ne respectant pas certaines normes. Je demande à voir...

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El Fredo
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Re: Faut-il un protectionnisme européen ?

Message non lu par El Fredo » 07 févr. 2012, 11:38:58

johanono a écrit :Le problème, c'est qu'on n'arrivera jamais à rien en restant dans le cadre européen. Qu'est-ce que tu crois ? Que les Allemands vont céder sur l'euro ou sur le protectionnisme, que les pays de l'Est vont accepter de multiplier leur coût du travail par deux, juste pour nous faire plaisir ? Le cadre européen nous condamne à l'impuissance. A l'inverse, si on sort de l'UE, on retrouve notre liberté ; il ne s'agira pas de se replier sur soi, contrairement à ce que veulent faire croire les zélotes du système actuel, mais de négocier, au cas par cas, en fonction de nos intérêts, des accords de libre-échange bilatéraux avec les pays de notre choix.

Tu dis que mes propositions sont chimériques, mais qu'est-ce qui est le plus chimérique ? Rester dans l'UE en attendant une hypothétique harmonisation européenne qui ne viendra jamais parce que les autres pays n'en veulent pas ou en attendant que les Allemands veuillent bien nous faire plaisir ? Ou reprendre notre liberté et négocier des traités de libre-échange bilatéraux librement consentis ?
Si on sort de l'UE et qu'on installe des barrières douanières "librement négociées" (rires) tu peux dire adieu à Airbus et aux 17 Md€ d'excédents commerciaux du secteur aéronautique. La France n'a aucune ressource exploitable, le pétrole augmente avec le temps, l'uranium augmente avec le temps, le retour au franc amplifiera encore cette tendance, et à la fin il ne restera plus qu'à suivre le modèle espagnol en matière de productivisme agricole vu que c'est notre principal secteur d'exportation.
If the radiance of a thousand suns were to burst into the sky, that would be like the splendor of the Mighty One— I am become Death, the shatterer of Worlds.

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