Qu'en pensez vous ?À la mi-février, l'agence de notation Fitch a relevé d'un cran la note de l'Islande. À l'heure où un second plan d'aide à la Grèce a été adopté par les ministres de l'Union européenne, l'Islande, premier pays frappé par la crise financière, se relève. Sa croissance devrait afficher cette année plus de 3 %, le taux de chômage est retombé à 7 %, l'endettement des ménages s'est contracté et la balance commerciale est positive.
Michel Sallé, titulaire d'un doctorat en sciences politiques et spécialiste de l'Islande, revient pour Le Point.fr sur ces cinq années de gestion de crise par ce petit État insulaire.
En octobre 2008, moins d'un mois après la faillite de Lehmans Brothers, la crise financière frappe de plein fouet l'Islande. Quelle a été alors la réaction dominante des habitants ?
Ça a été un grand coup de massue pour l'ensemble des Islandais. Pourtant, ce n'est que la conséquence d'une situation alors connue : les trois principales banques, qui gèrent essentiellement des actifs en Europe, représentaient plus de dix fois le PIB du pays. On savait qu'elles avaient des problèmes de financement après la crise des subprimes. Avant la faillite, c'était la martingale avec les produits financiers : le rêve que l'Islande puisse devenir à terme un nouveau Luxembourg. Et les Islandais étaient d'ailleurs très fiers d'être perçus comme performants dans ce domaine.
Pourtant, en l'espace d'une semaine, la situation s'est dégradée violemment...
Un vrai choc : tous les jours, des catastrophes étaient annoncées. L'économie entière s'est arrêtée, il n'y avait plus d'argent ! La société, en Islande, fonctionne beaucoup à crédit, ce qui est encouragé par le caractère très entreprenant, très aventureux des Islandais. Ils aiment prendre des risques pour leur bien-être ou leurs projets. Pendant longtemps, l'appétit de consommation à crédit a été facilité par une inflation à deux chiffres, et l'habitude est restée. Ainsi, une grande partie des ménages avait contracté des emprunts en devises étrangères pour financer maison, agrandissement ou encore voiture. Avec la crise, la devise du pays, la couronne islandaise, s'est effondrée, passant de 120 couronnes pour 1 euro à près de 200.
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Au début de la crise, le gouvernement du moment, de droite libérale, ne tarde pas à réagir...
Dans un premier temps, une loi est promulguée, notamment pour autoriser la nationalisation des banques. Les trois banques du pays, Glitnir, Landsbanki et Kaupthing, étaient gérées comme des pompes à fric par leurs dirigeants qui multipliaient les investissements parfois hasardeux. Techniquement, le gouvernement a créé des banques de dépôt, pour les substituer aux banques existantes en faillite, puis les ont recapitalisées avant de vendre deux d'entre elles à des institutions financières européennes.
C'est également à ce moment que l'Islande prend les premiers contacts avec d'autres pays, et le FMI, pour être soutenue financièrement...
Dans un premier temps, les pays nordiques sont sollicités, mais ceux-ci renvoient les Islandais au FMI. Le FMI avait envoyé une mission dès l'été qui a précédé la crise. Très vite, à la fin du mois d'octobre 2008, le projet d'une aide de 5 milliards d'euros est bouclé. Il inclut une aide directe du FMI et une autre des pays scandinaves et de la Pologne. Pour l'anecdote, les îles Féroé sont le seul pays à n'avoir exigé aucune condition : le Parlement s'est mis d'accord, à l'unanimité et sans débat, pour une aide de 40 millions d'euros. Un appui conséquent pour un pays qui compte 48 000 habitants.
Que stipulait le plan du FMI ? N'était-il pas trop exigeant envers la population ?
Outre l'aide financière, l'institution internationale a apporté la compétence de ses fonctionnaires pour mettre en place le redressement économique et rendre crédibles les décisions islandaises. De plus, vraisemblablement sous l'influence de Dominique Strauss-Kahn, le FMI n'a pas exigé de coupes budgétaires drastiques dès la première année. Les Islandais avaient suffisamment de problèmes comme ça...
La population, elle, continue de manifester...
Depuis le début de la crise, tous les samedis, les manifestants ont été de plus en plus nombreux à Reykjavik. On a compté jusqu'à 6 000 manifestants. C'est impressionnant dans un pays qui compte 300 000 habitants. D'abord, ils ont réclamé le départ de David Oddsson, alors président de la Banque centrale islandaise. Premier ministre de 1991 à 2004, c'est lui qui a organisé la libéralisation à tout-va. Si Oddsson est remplacé en février 2009, les revendications des manifestants s'étendent progressivement à l'ensemble du gouvernement. Et puis le rêve du "grand soir" anime les manifestants - et enthousiasme des politiques français à l'époque. Il y a toujours eu un fond d'antiparlementarisme fort en Islande. Les manifestants, eux, souhaitaient en finir avec des responsables politiques qui se partagent le pouvoir de père en fils et qui sont considérés comme une clique, une mafia...
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La sortie de crise a semblé laborieuse, avec un changement de majorité, avec ces deux refus populaires. Pourtant, aujourd'hui, l'économie s'est bel et bien relancée. Qu'est-ce qui explique cet état de fait ?
On ne peut pas dire que ce soit grâce aux référendums, d'autant que la gestion d'Icesave aurait coûté bien moins cher si le premier accord avait abouti. Parmi les raisons du redressement, l'aide du FMI a été primordiale, tout comme la recapitalisation des banques ou encore la dévaluation de la couronne, qui a permis à l'Islande d'avoir une balance commerciale positive dès la fin de 2008. Mais un des facteurs les plus importants, souvent oublié, est la signature fin juin 2009 du Pacte de stabilité. De longues discussions entre le patronat et les syndicats, publics et privés, ont alors abouti à cet accord, véritable feuille de route destinée au gouvernement. Ce pacte porte non seulement sur le gel des salaires, mais aussi sur le budget, la résorption partielle de l'endettement des ménages ou encore le démantèlement progressif du contrôle des changes. De plus, la faiblesse de la couronne a entraîné un véritable boom dans le secteur touristique.
La Grèce pourrait-elle s'inspirer de la façon dont l'Islande a géré la crise ?
Il serait très réducteur de comparer les deux situations. L'Islande a connu une véritable crise financière, qui a eu pour conséquence une crise des liquidités, un peu semblable à ce qui s'est passé en Irlande. En somme, on ne peut à proprement parler de crise économique pour l'Islande qui, à la différence de la Grèce, avait une bien meilleure capacité à faire face à la situation. En Grèce, les failles du système économique sont beaucoup plus importantes.
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