Qu'en pensez vous ?De retour de Londres, Virginie et Philippe - notre couple fictif rapatrié à Paris emménage dans un petit pavillon de banlieue - s'étaient fixé une priorité en cette année d'élection : acheter français, faire du militantisme économique. Un désir dans l'air du temps, alors que la crise et le chômage ont fait prendre conscience des dégâts causés par une désindustrialisation entamée au début des années 1980 et qui ne cesse de s'amplifier.
La France a perdu plus d'un quart de ses emplois industriels depuis 1991, selon le cabinet Roland Berger.
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Virginie s'en est rendu compte en faisant la tournée des magasins d'ameublement. Dans un secteur où les deux tiers des équipements sont importés, "les Français sont soit dans le bas de gamme, avec les meubles en kit proposés par la grande distribution, soit dans le haut de gamme", explique Christophe Gazel, directeur général de l'Institut de prospective et d'études de l'ameublement (IPEA).
Dans le premier cas, le coût de la main-d'oeuvre est si faible, entre 4 % et 10 % du prix de fabrication des panneaux agglomérés, qu'il vaut mieux produire sur place plutôt que de payer d'importants frais de logistique. Dans le second cas, il y a le savoir-faire français... qui n'a pas de prix, c'est bien connu.
Les canapés Duvivier sont ainsi fabriqués dans le Poitou et ceux du groupe Roset (marques Roset et Cinna) dans l'Ain. Mais la concurrence peut aussi être vive dans le bas de gamme. Le français Green Sofa Dunkerque vient d'être placé en redressement judiciaire, après le retrait de son principal client, le suédois Ikea.
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Au rayon petit électroménager, notre couple a eu plus d'opportunités d'acheter français, avec Seb et ses marques Moulinex, Rowenta, Krups... Philippe s'est payé une Actifry, le haut de gamme de la friteuse, produite à Is-sur-Tille (Côte-d'Or), tandis que Virginie a craqué pour le robot Thermomix de la marque allemande Vorwerk, qui est fabriqué - surprise ! - à Cloyes-sur-le-Loir (Eure-et-Loir).
Pour se vêtir "made in France", en revanche, l'affaire s'est corsée... et nos tourtereaux ont failli se retrouver tout nus. Plus de 95 % des vêtements vendus dans l'Hexagone sont en effet fabriqués à l'étranger. Il est devenu quasiment impossible de trouver un jean ou un costume pour homme fabriqués en France.
Pour s'habiller tricolore, Philippe et Virginie ont dû casser leur tirelire. Seules quelques marques de prêt-à-porter haut de gamme et une partie des grandes maisons de luxe font encore travailler des ateliers dans l'Hexagone.
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"La différence de coûts de production entre une Clio assemblée à Bursa, en Turquie, et le même modèle produit à Flins, dans les Yvelines, est de 1 300 euros", constate Carlos Tavares, directeur général de Renault. Pour une Peugeot 208, c'est encore pire : celle produite à Poissy (Yvelines) coûte 1 500 euros plus cher que celle que celle provenant de Trnava, en Slovaquie.
Rien d'étonnant, donc, à ce que les constructeurs français produisent essentiellement des modèles à forte valeur ajoutée en France. Chez Renault, ce sont les utilitaires, comme le Kangoo ou le Trafic, ainsi que quelques modèles haut de gamme, comme l'Espace ou la Laguna. La firme au losange ne produit d'ailleurs plus que 18 % de ses voitures en France, contre encore 39 % pour PSA Peugeot Citroën.
ASSEMBLAGE ET CONSTRUCTION
Mais les professionnels conseillent de se méfier des chiffres. "L'assemblage ne pèse que 15 % de la valeur ajoutée d'une voiture", estime M. Tavares. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'elle est assemblée à l'étranger qu'elle n'est pas française. La fabrication des moteurs, des boîtes de vitesses ou des transmissions est souvent française et exportée dans des usines à l'étranger. A Tremery (Moselle), PSA produit ainsi les nouveaux moteurs du groupe, tandis que l'usine du Mans de Renault fabrique des châssis pour l'ensemble des sites de Renault-Nissan.
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