Hollande : les dirigeants des pays dans la mouise actuellement pourront peut être lui dire merci dans quelques mois....
En décembre 2011, lorsqu'il promet de «renégocier» le pacte budgétaire d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, l'élu de Corrèze suscite au mieux, amusement, au pire, des rires gênés chez les fonctionnaires européens. Quatre mois plus tard, son créneau est devenu l'une des priorités de l'agenda européen. Tout se passe comme si le candidat avait réussi à anticiper ce débat crucial sur les vices du 'tout austérité', renforçant sa crédibilité en Europe à peu de frais.
Comment en est-on arrivés là? Après avoir applaudi dans l'ensemble au «fiscal compact», les dirigeants européens, majoritairement à droite, se sont rendus compte que leurs objectifs de réduction des déficits étaient bien trop ambitieux pour être tenus. Le premier coup de griffe contre les projets trop austères de «Merkozy» remonte à février, lorsque 12 chefs d'Etat et de gouvernement, ont expliqué, dans une lettre conjointe, que l'Europe devait davantage donner confiance dans sa capacité à «générer une croissance économique forte et durable».
En mars, c'est au tour de l'espagnol Rajoy, en poste depuis trois mois à peine, de tirer la sonnette d'alarme, réclamant à la Commission, non sans maladresse, un peu d'oxygène. Sans grand effet. Mi-avril, l'italien Mario Monti, pourtant présenté par beaucoup comme le meilleur élève de la classe, fait savoir que lui non plus ne parviendrait à tenir les objectifs de déficit cette année, malgré la batterie de réformes structurelles engagées.
Lundi, nouveau rebondissement dans le feuilleton de la crise européenne: la coalition au pouvoir aux Pays-Bas, l'un des quatre derniers pays encore notés «triple A» par les agences au sein de la zone euro, a volé en éclats. Le premier ministre, le libéral Mark Rutte, a présenté à la Reine sa démission, incapable de trouver une majorité qui consentirait à adopter, au Parlement, les 14 à 16 milliards d'euros d'économies nécessaires d'ici 2013.
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L'affaire est d'autant plus symbolique que les Pays-Bas sont l'un des principaux soutiens d'Angela Merkel lorsqu'il s'agit de défendre l'austérité à Bruxelles.
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Le pacte budgétaire est tout simplement en train de partir dans le fossé, constate le Guardian britannique, dans un édito de début de semaine. «Tandis qu'Angela Merkel est engagée dans une course contre la montre pour faire ratifier ses mesures d'austérité en Europe (...), la politique intérieure de plusieurs Etats membres clé en Europe est en train de prendre la direction opposée».
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Au même moment, la République tchèque qui, elle, avait refusé, avec la Grande-Bretagne, de signer le «pacte budgétaire» début mars à Bruxelles, connaît également une situation tendue: le gouvernement va devoir solliciter la confiance du Parlement, après l'éclatement lundi de la coalition de droite. Motif là encore: un programme de rigueur budgétaire musclé, à l'origine de manifestations dans le pays.
Bref, les exécutifs prônant l'austérité sont malmenés un peu partout en Europe, et les crises politiques se multiplient. Si bien que la Commission européenne, consciente du malaise, tente de mettre un peu d'eau dans son vin. Tout en restant inflexible sur le calendrier à tenir des objectifs budgétaires, elle se met désormais à reparler de croissance, relance et emploi.
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Sans doute plus décisif, les lignes semblent, doucement, commencer à bouger à Berlin. Alors que l'Allemagne risque, en cas de victoire de François Hollande, de se trouver extrêmement isolée sur la scène européenne, un débat, encore très circonscrit, est en train de naître sur le rôle de la Banque centrale européenne dans la crise des dettes souveraines.
Les cinq instituts qui conseillent le gouvernement ont fait état, en fin de semaine dernière, de divergences sur le dossier. Deux d'entre eux plaident pour un mécanisme qui permettrait à la Banque centrale de garantir «en dernier ressort» une partie de la dette des Etats de la zone euro. Une révolution pour des Allemands qui ont longtemps estimé que ce genre de mécanismes découragerait les pays endettés à réaliser les efforts nécessaires.
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A Berlin: «Nous pouvons changer la rhétorique» du traité
Dans ce contexte, la déclaration d'un député de la CDU (droite, au pouvoir), Andreas Schockenhoff, n'est pas passée inaperçue, puisque l'élu, vice-président de son groupe au Bundestag, n'a pas exclu, lundi, une renégociation du traité européen… «S'il y a des renégociations, elles doivent être menées très rapidement», a-t-il jugé, avant de préciser: «Nous ne pouvons pas changer la substance, mais la rhétorique. Nous pouvons y mettre un beau paragraphe sur la croissance (…) Comme ça, Hollande pourra dire chez lui: 'J'ai fait en sorte que le pacte budgétaire traite de croissance'.»
Le ministre belge des affaires étrangères, Didier Reynders (libéral), a lui aussi estimé, en début de semaine à Luxembourg, qu'il serait possible d'ajouter un texte sur la croissance et l'investissement au traité budgétaire.