--> http://www.mediapart.fr/journal/economi ... ediatiquesEnquête sur une manipulation et sur ses relais médiatiques
19 mai 2012 | Par Laurent Mauduit
Avec la complicité active de plusieurs médias, un financier connu de la place de Paris, Marc Fiorentino, a multiplié ces derniers mois les annonces catastrophiques en cas de victoire de François Hollande à l’élection présidentielle. L’opération mérite d’être décryptée. D’abord parce qu’avec le recul, elle apparaît pour ce qu’elle est : une grossière manipulation contre la gauche, appuyée sur des prévisions faisandées.
Ensuite parce que ce financier n’a aucune qualité pour jouer les oracles respectés, comme en attestent les sanctions que lui a infligées ces dernières années l’Autorité des marches financiers (AMF) et le retrait d’agrément que vient de décider l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) ; enfin parce que divers médias ont effectivement pris la responsabilité de lui dérouler, malgré tout, le tapis rouge.
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On sait ce qu’il en est advenu : le prophète de malheur s’est ridiculisé, car tout s’est produit à rebours de ce qu’il avait prédit. La spéculation ne s’est pas déchaînée – pas plus qu’en 1981 les chars soviétiques ne sont entrés dans Paris ! Pourtant peu suspect d’animosité à l’encontre des marchés financiers, même Le Figaro du 17 mai en a pris acte. Lisons : « Le premier emprunt important de la France sur les marchés depuis l'élection de François Hollande était attendu avec une certaine appréhension. Mais au vu des résultats de ce mercredi, les inquiétudes au sujet d'une attaque spéculative contre la France s'avèrent infondées pour le moment. L'Agence France Trésor (AFT) a emprunté, mercredi, un peu plus de 9,1 milliards d'euros dans des conditions historiquement favorables. En particulier, l'AFT a émis 3,65 milliards d'euros à 5 ans au taux record de 1,72 %, le plus bas niveau jamais enregistré depuis la création de l'euro. »
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Les premières mésaventures, je les ai racontées dans mon livre Les Imposteurs de l’économie (Editions Gawsewitch, mars 2012) : au cours des dernières années, Marc Fiorentino a fait à trois reprises l’objet de sanctions graves de l’Autorité des marchés financiers, le visant intuitu personnae ou en sa qualité de président de la société de Bourse Euroland Finance.
Le couperet est tombé une première fois le 28 février 2008. Ce jour-là, la commission des sanctions de l’AMF, qui comprend notamment des magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes, a prononcé à l’encontre de Marc Fiorentino un avertissement et une sanction pécuniaire de 50 000 euros et à l’encontre de la société qu’il préside, la société Euroland, un avertissement et une sanction pécuniaire de 100 000 euros. Cette sanction a fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État qui l’a rejeté par une décision en date du 28 mars 2011. La sanction est donc devenue définitive.
Le couperet est tombé une deuxième fois le 3 avril 2008. Ce jour-là, la Commission des sanctions a prononcé à l’encontre de la société Euroland Finance une sanction pécuniaire de 100 000 euros. La sanction prévoyait également que celle-ci fasse l’objet d’une publication au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site Internet et dans la Revue de l’AMF. Là encore, les faits incriminés sont graves. Le communiqué de l’AMF les détaille.
Dans le cadre d’une opération financière, il est reproché « à la société Euroland Finance, représentée par son président-directeur général, M. Marc Fiorentino, d’avoir manqué à son obligation de prévention des conflits d’intérêts », et « à son obligation professionnelle d’enregistrement et de conservation de bandes téléphoniques en ne procédant pas à l’enregistrement des conversations téléphoniques de ses négociateurs du 30 août au 15 septembre 2005 puis du 3 au 18 octobre 2005 ». Cette sanction a également fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État qui l’a rejeté par une décision en date du 20 mai 2011. La sanction est également devenue définitive.
Le couperet est tombé une troisième fois, le 28 janvier 2009. Ce jour-là, la Commission des sanctions de l’AMF a prononcé à l’encontre de la société Euroland Finance un avertissement ainsi qu’une sanction pécuniaire de 50 000 euros.
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Les mésaventures de Marc Fiorentino avec les autorités de régulation n’en sont pas restées à ce que je décrivais dans ce livre. La société Euroland Finance que préside le financier-chroniqueur a par la suite connu le pire des revers qui soit pour une société financière : un retrait d’agrément.
En France, c’est l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui regroupe depuis 2010 les différentes autorités d’agrément sous la coupe de la Banque de France, qui a la possibilité de donner son agrément à une société financière ayant fait appel à l’épargne publique. Et c’est elle aussi qui peut retirer le même agrément. Et, dans un cas comme dans l’autre, les critères d’attribution ou de retrait sont les mêmes : ils sont définis par l’article L532-9 du Code monétaire et financier.
La loi fait ainsi obligation que la société « dispose d'un capital initial suffisant ainsi que des moyens financiers adaptés et suffisants » ; elle doit aussi être « dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente ».
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Faisant de très mauvaises affaires, le financier-chroniqueur que, pourtant, toutes les radios et télévisions s’arrachent, a donc visiblement été, dare-dare, dans l’obligation de modifier, sans la moindre publicité, la vitrine de son petit business. Adieu Euroland Finance ! À la dixième résolution de cet avis, le financier annonce qu’il a changé d’appellation, au profit d’un nom voisin : Euroland Coporate.
Et dans la foulée, puisque Marc Fiorentino ne dispose plus de l’agrément de l’ACP, la nouvelle société, comme le révèle la 12e résolution, a aussi changé d’objet social : en lieu et place de la société d’investissement financière qu’elle ne peut plus être, Euroland new look va devenir une société de conseil financier à destination des entreprises (levée de fonds, introduction en Bourse…), comme le détaille son nouveau site Internet – qui se garde bien d'expliquer à ses clients le brutal changement d'activités.
En bref, Marc Fiorentino s’est vu retirer son agrément et a dû, en catastrophe, trouver une activité de repli. Mais entendons-nous ! Il s’est vu retirer son agrément… par les autorités de contrôle, mais ni par BFM, ni par Canal+, ni par France 5. Dans ces médias – et dans quelques autres – il tient toujours le haut du pavé et peut, tout à sa guise, affoler le Landernau. Et même appeler à la vendetta contre la gauche…
Or, dans le cas d’Euroland Finance, un retrait d’agrément a été prononcé le 31 décembre 2011. Il est consigné à la page 8 de la Revue de l’ACP (n°5, janvier-février 2012) que l’on peut télécharger ici. La reproduction ci-dessous est la mention qui concerne Euroland Finance.
Mwahaha !