Voici une tribune de Nicolas Baverez, économiste et historien :
Qu'en pensez vous ?Cinq ans après le début de la crise des subprimes, le 9 août 2007, quatre ans après la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, l'industrie financière ne dispose toujours pas d'institutions et de règles efficaces pour limiter et contrôler les risques qu'elle génère.
Pour s'en convaincre, il suffit de constater la cascade de scandales qui se sont enchaînés depuis trois mois : perte de trading de plusieurs milliards de JPMorgan – pourtant réputée pour l'excellence de son contrôle des risques – sur les marchés de dérivés de crédit ; manipulation du Libor et de l'Euribor par Barclays et certaines banques internationales ; découverte d'opérations de blanchiment d'HSBC au bénéfice de groupes criminels ou terroristes ; accusations de contournement des sanctions contre l'Iran par Standard Chartered ; quasi-faillite de Knight Capital à la suite d'une perte de 440 millions de dollars (323,7 milliards d'euros) provoquée par une erreur sur un logiciel de trading à haute fréquence.
Dans le même temps, en Europe, la spirale infernale de la crise des dettes souveraines et de la désintégration des bilans bancaires s'emballe, menaçant de chaos l'Espagne et provoquant une fuite massive des capitaux de l'Europe du Sud vers l'Europe du Nord.
L'incapacité à réguler la finance entretient une instabilité structurelle qui interdit toute sortie de crise durable : les banques jouent en effet un rôle-clé dans la création monétaire, dans le financement des ménages, des entreprises et du commerce international qui représente 20 % du PIB mondial contre 5,5 % en 1950. Elle nourrit également les populismes qui déstabilisent les démocraties. Le problème est critique en Europe, qui cumule un effondrement du crédit pour des raisons réglementaires et une instabilité financière aiguë liée à la crise de l'euro.
Les raisons de l'échec sont connues. Sur le plan intellectuel, la difficulté à penser les risques systémiques, les phénomènes de contagion internationale, la liaison entre les dettes publiques et les bilans bancaires. Au plan économique et financier, la renationalisation du crédit et la rivalité exacerbée entre les places financières, notamment entre Wall Street et la City.
Sur le plan juridique, la divergence des choix réglementaires, notamment entre les Etats-Unis avec les règles Volcker et le Dodd-Frank Act, le Royaume-Uni avec les propositions du rapport Vickers, l'Europe où la faiblesse de l'EBA va de pair avec la multiplication de propositions incohérentes, le monde émergent qui refuse d'engager des réformes pour une crise financière qu'il considère comme occidentale. Au plan politique, la vague populiste qui déferle sur les démocraties et pousse à une répression financière aveugle.
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Sur le plan microéconomique, les priorités doivent aller au renforcement progressif des fonds propres des banques et à l'encadrement strict de l'effet de levier à travers les normes comptables et prudentielles, à la limitation de la taille des établissements et à une concurrence effective, à la séparation des activités de crédit et de marché, au durcissement de la responsabilité civile et pénale des dirigeants et des administrateurs. Parallèlement, la régulation ne doit pas se cantonner aux banques mais inclure toutes les entités qui participent à l'intermédiation financière et au crédit, sauf à créer un système bancaire clandestin comparable au mécanisme des subprimes, gros de risques systémiques cachés et de nouvelles bulles.
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Le retard européen est d'autant moins excusable que l'union bancaire constitue l'une des clés du sauvetage de l'euro. Elle doit être réalisée autour des principes suivants : identité de périmètre avec celui de la zone euro ; compétence dévolue à la Banque centrale européenne (BCE) en matière de supervision bancaire ; institution d'une garantie européenne sur les dépôts pour endiguer les fuites massives de capitaux ; mise en place d'un mécanisme de résolution ordonné des défauts qui ne peut être confié à la direction de la concurrence en raison de son inefficacité démontrée et devrait être piloté par la BCE avec la faculté de mobiliser, en accord avec les Etats membres de la zone, les fonds du mécanisme européen de stabilité.
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Nicolas Baverez, économiste et historien
L'intégralité de cette tribune sur Le Monde.fr
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