"De l'urgence de réguler la finance"

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politicien
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"De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par politicien » 21 août 2012, 10:10:44

Bonjour,

Voici une tribune de Nicolas Baverez, économiste et historien :
Cinq ans après le début de la crise des subprimes, le 9 août 2007, quatre ans après la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, l'industrie financière ne dispose toujours pas d'institutions et de règles efficaces pour limiter et contrôler les risques qu'elle génère.

Pour s'en convaincre, il suffit de constater la cascade de scandales qui se sont enchaînés depuis trois mois : perte de trading de plusieurs milliards de JPMorgan – pourtant réputée pour l'excellence de son contrôle des risques – sur les marchés de dérivés de crédit ; manipulation du Libor et de l'Euribor par Barclays et certaines banques internationales ; découverte d'opérations de blanchiment d'HSBC au bénéfice de groupes criminels ou terroristes ; accusations de contournement des sanctions contre l'Iran par Standard Chartered ; quasi-faillite de Knight Capital à la suite d'une perte de 440 millions de dollars (323,7 milliards d'euros) provoquée par une erreur sur un logiciel de trading à haute fréquence.

Dans le même temps, en Europe, la spirale infernale de la crise des dettes souveraines et de la désintégration des bilans bancaires s'emballe, menaçant de chaos l'Espagne et provoquant une fuite massive des capitaux de l'Europe du Sud vers l'Europe du Nord.

L'incapacité à réguler la finance entretient une instabilité structurelle qui interdit toute sortie de crise durable : les banques jouent en effet un rôle-clé dans la création monétaire, dans le financement des ménages, des entreprises et du commerce international qui représente 20 % du PIB mondial contre 5,5 % en 1950. Elle nourrit également les populismes qui déstabilisent les démocraties. Le problème est critique en Europe, qui cumule un effondrement du crédit pour des raisons réglementaires et une instabilité financière aiguë liée à la crise de l'euro.

Les raisons de l'échec sont connues. Sur le plan intellectuel, la difficulté à penser les risques systémiques, les phénomènes de contagion internationale, la liaison entre les dettes publiques et les bilans bancaires. Au plan économique et financier, la renationalisation du crédit et la rivalité exacerbée entre les places financières, notamment entre Wall Street et la City.

Sur le plan juridique, la divergence des choix réglementaires, notamment entre les Etats-Unis avec les règles Volcker et le Dodd-Frank Act, le Royaume-Uni avec les propositions du rapport Vickers, l'Europe où la faiblesse de l'EBA va de pair avec la multiplication de propositions incohérentes, le monde émergent qui refuse d'engager des réformes pour une crise financière qu'il considère comme occidentale. Au plan politique, la vague populiste qui déferle sur les démocraties et pousse à une répression financière aveugle.

(...)

Sur le plan microéconomique, les priorités doivent aller au renforcement progressif des fonds propres des banques et à l'encadrement strict de l'effet de levier à travers les normes comptables et prudentielles, à la limitation de la taille des établissements et à une concurrence effective, à la séparation des activités de crédit et de marché, au durcissement de la responsabilité civile et pénale des dirigeants et des administrateurs. Parallèlement, la régulation ne doit pas se cantonner aux banques mais inclure toutes les entités qui participent à l'intermédiation financière et au crédit, sauf à créer un système bancaire clandestin comparable au mécanisme des subprimes, gros de risques systémiques cachés et de nouvelles bulles.

(...)
Le retard européen est d'autant moins excusable que l'union bancaire constitue l'une des clés du sauvetage de l'euro. Elle doit être réalisée autour des principes suivants : identité de périmètre avec celui de la zone euro ; compétence dévolue à la Banque centrale européenne (BCE) en matière de supervision bancaire ; institution d'une garantie européenne sur les dépôts pour endiguer les fuites massives de capitaux ; mise en place d'un mécanisme de résolution ordonné des défauts qui ne peut être confié à la direction de la concurrence en raison de son inefficacité démontrée et devrait être piloté par la BCE avec la faculté de mobiliser, en accord avec les Etats membres de la zone, les fonds du mécanisme européen de stabilité.

(...)

Nicolas Baverez, économiste et historien

L'intégralité de cette tribune sur Le Monde.fr
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pierre30
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par pierre30 » 21 août 2012, 10:46:46

Tout ça est logique mais propose au final de donner à la BCE le rôle politique que ne sont pas à même d'assurer les institutions européennes. C'est une solution qui peut être efficace à court terme mais présente de grands risques à long terme à cause du manque de légitimité de la BCE.

"Toujours remettre à demain ce qu'on pourrait faire aujourd'hui" : c'est la devise que je propose pour l'UE.

Incognito
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Incognito » 21 août 2012, 11:25:13

La "finance" fait l'objet d'un attaque en règle de la part des autorités politiques et monétaires. L'une des conséquences d'une politique monétaire beaucoup trop restrictive, c'est de démolir la solvabilité et la liquidité des institutions financières. La réaction des autorités: imposer toute sorte de régulations pour renforcer la solvabilité et la liquidité des banques. Vous savez quoi? Ca ne marchera pas. En fait, le remède sera probablement pire que le mal.

Même stratégie de la part de ces mêmes autorités politiques et monétaires qu'en Grèce: on accuse la victime de tous les crimes pour masquer ses propres manquements. En particulier en ce qui concerne la politique monétaires.
Dieu est mort. Marx est mort. Et moi-même je ne me sens pas très bien ... (Woody Allen)

Incognito
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Incognito » 21 août 2012, 11:27:05

Ah oui, encore une chose: on se propose d'élargir les compétences de la BCE alors que celle-ci n'est pas capable de mener la politique monétaire correctement. Cela ne me rassure pas du tout.
Dieu est mort. Marx est mort. Et moi-même je ne me sens pas très bien ... (Woody Allen)

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Blaise
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Blaise » 21 août 2012, 11:28:13

Je suis assez d'accord. C'est facile de taper après la bataille, comme si Baverez ignorait les dérapages de la "finance" au moment où il prônait des mesures dangereuses.
Les Français vont instinctivement au pouvoir; ils n'aiment point la liberté; l'égalité seule est leur idole. Or l'égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. Chateaubriand

pierre30
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par pierre30 » 21 août 2012, 11:37:19

Incognito a écrit :La "finance" fait l'objet d'un attaque en règle de la part des autorités politiques et monétaires. L'une des conséquences d'une politique monétaire beaucoup trop restrictive, c'est de démolir la solvabilité et la liquidité des institutions financières. La réaction des autorités: imposer toute sorte de régulations pour renforcer la solvabilité et la liquidité des banques. Vous savez quoi? Ca ne marchera pas. En fait, le remède sera probablement pire que le mal.

Même stratégie de la part de ces mêmes autorités politiques et monétaires qu'en Grèce: on accuse la victime de tous les crimes pour masquer ses propres manquements. En particulier en ce qui concerne la politique monétaires.
Je ne vois pas d'attaque contre la finance dans ce discours. D'ailleurs pourquoi un économiste attaquerait-il la finance ? On peut attaquer des personnes (les banquiers par exemple), mais on ne peut pas attaquer un dispositif. Je ne vois là que des propositions pour améliorer le fonctionnement du dispositif et en palier les défauts.

Bien sûr, les aménagements ne sont pas à l'abri de côtés pervers. Sinon ils auraient probablement déjà été mis en oeuvre.

pierre30
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par pierre30 » 21 août 2012, 11:41:00

Incognito a écrit :Ah oui, encore une chose: on se propose d'élargir les compétences de la BCE alors que celle-ci n'est pas capable de mener la politique monétaire correctement. Cela ne me rassure pas du tout.
La zone euro a peu d'inflation et un excédent commercial. La BCE ne fait donc pas trop mal son travail qui consiste à limiter l'inflation sans mettre en danger la performance économique de la zone alors que la dite zone n'a pas de gouvernance digne de ce nom. C'est déjà pas si mal, il me semble.

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mps
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par mps » 21 août 2012, 17:09:05

Il semble surtout que l'auteur ne soit guère au courant des floppées de règles et contrôles institués ces derniers mois.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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Lucas
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Lucas » 21 août 2012, 18:03:15

Quand on voit la fraude au Libor par exemple, ou le trader de chez JP Morgan, on se dit qu'il y a peut être pas assez de règle, ou qu'elles sont trop légères, ou inadaptés.

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Nombrilist
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Nombrilist » 21 août 2012, 20:27:47

"Il semble surtout que l'auteur ne soit guère au courant des floppées de règles et contrôles institués ces derniers mois."

Moi non plus d'ailleurs.

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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par mps » 21 août 2012, 22:49:38

Nombrilist a écrit :"Il semble surtout que l'auteur ne soit guère au courant des floppées de règles et contrôles institués ces derniers mois."

Moi non plus d'ailleurs.
Ni moi, rassure-toi ! ;)

Mais dans les banques, mes copains verdissent devant les piles de nouvelles règles à assimiler et appliquer immédaitement !
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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Florian
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Florian » 21 août 2012, 23:36:04

Il y a peut-être besoin d'augmenter et d'améliorer le contrôle du fonctionnement de la finance. Mais avant, il va falloir penser à revenir à des fondamentaux de la politique et se poser des questions:
- à quoi sert la politique et à qui servent les régimes démocratiques?
- pourquoi la plupart des pays d'occident ont des finances et en faillite? Pourquoi ces désordres ? Pourquoi dépense t'on trop par rapport aux impôts collectés ?
- comment est il possible que 3 ou 4 gugusses localisées dans plusieurs villes d'UE ou des USA puissent manipuler des milliards en 2 heures en manipulant artificiellement des taux ou en spéculant à découvert sur des junk bonds ?
- comment peut on laisser se faire des mises en bourse délirantes comme celle de Facebook ?

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Nombrilist
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par Nombrilist » 21 août 2012, 23:52:31

De très bonnes questions. Même toi tu trouves ça totalement anormal ?

pierre30
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par pierre30 » 22 août 2012, 09:15:53

mps a écrit :
Nombrilist a écrit :"Il semble surtout que l'auteur ne soit guère au courant des floppées de règles et contrôles institués ces derniers mois."

Moi non plus d'ailleurs.
Ni moi, rassure-toi ! ;)

Mais dans les banques, mes copains verdissent devant les piles de nouvelles règles à assimiler et appliquer immédaitement !
Je n'ai jamais vu quelqu'un se réjouir lorsqu'on lui impose un changement. Par contre j'ai maintes fois constaté qu'après quelque temps de mise en oeuvre, les gens ne reviendraient en arrière pour rien au monde.

Le changement génère de l'inconfort : c'est un principe de base.

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mps
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Re: "De l'urgence de réguler la finance"

Message non lu par mps » 22 août 2012, 09:38:22

[quote="Florian"]Il y a peut-être besoin d'augmenter et d'améliorer le contrôle du fonctionnement de la finance. Mais avant, il va falloir penser à revenir à des fondamentaux de la politique et se poser des questions:
- à quoi sert la politique et à qui servent les régimes démocratiques?
- pourquoi la plupart des pays d'occident ont des finances et en faillite? Pourquoi ces désordres ? Pourquoi dépense t'on trop par rapport aux impôts collectés ?


Initialement, la politique c'est l'art de veiller sur les biens communs d'une collectivité.

On y trouve différentes formes, certaines liées à la notion divine, qui comprennent le monarque absolu, de tyran (terme non péjoratif à l'époque), le dictateur - éclairé ou non- et des formes de démocraties allant du triumvirat à la monarchie constitutionnelle ou la république. Sans qu'il soit possible d'ailleurs de corroler le bonheur des peuples avec le système adopté.

L'augmentation et la concentration des populations professionalise bien entendu la politique, qui devient de plus en plus complexe, et on voit alors survenir des '"partis", des théories plus ou moins fumeuses, des luttes de pouvoir, aboutissant à des démocraties et soutenues par la presse. Arrive le suffrage universel.

Dès lors, le problème n'est plus de gérer le bien commun, mais de remporter des luttes de pouvoir en flagornant l'électeur, en lui dissimulant ce qui dérange, en lui donnant l'impression qu'il est compétent, en l'achetant sans cesse par de nouveaux cadeaux, souvent hors de proportions avec les moyens réels de l'Etat.

Tocqueville avait déjà tout compris !

Notons qu'il existe deux types de démocraties assez différentes :

- celles qui se fondent sur le suffrage majoritaire, et qui n'ont aucune limite au racollage électoral ;
- celles qui s'exercent "à la proprotionnelle" et, en contraignant les gouvernements à exercer leurs prérogatives en tenant compte de toutes les tendances, constituent un genre de clé de voûte plus raisonnable et solide.

L'endettement délirant de nos démocraties est donc une conséquence logique et dramatique de cette course à l'électeur, dont les "conquêtes" d'un jour se paient souvent ultérieurement.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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