Qu'en pensez vous ?Stratégistes et gérants, interrogés par « Les Echos », commentent les décisions récentes des banques centrales et leur impact sur les marchés. La plupart ont augmenté leur exposition aux actions. Verbatim.
Franck Dixmier, Directeur général d'Allianz Global Investors, France
« C'est un tournant majeur : la Banque centrale européenne (BCE) a pris une nouvelle dimension. Nous étions frustrés de voir qu'elle ne disposait pas du même arsenal que les autres grandes banques centrales, Fed, Banque d'Angleterre, etc, mais cette anomalie est désormais réparée depuis qu'on sait qu'elle peut acheter des titres de dette sur le marché, sans limite de montant. Lors de sa réunion de septembre, la BCE a jouté les actes aux paroles. Cela change la donne car la zone euro est désormais dotée d'un pare-feu extrêmement efficace. En outre, la banque centrale a décidé d'assouplir les critères de notation sur les emprunts d'Etat apportés à son guichet. Cela veut dire que si un pays de la zone euro devait être dégradé en catégorie spéculative par les agences de notation, cela ne serait pas un drame. Les banques pourront continuer d'utiliser ces papiers pour obtenir des liquidités à la BCE. Avec cet ensemble de mesures, les risques extrêmes, liés à une dislocation de la zone euro et à un retour aux devises nationales, tendent désormais vers 0. On assiste à un vaste mouvement de réduction des primes de risque dans toutes les classes d'actifs.
Est-ce un phénomène pérenne ? Il y a différents temps. Dans l'immédiat, on voit fondre les primes de risque, ensuite la balle reviendra dans le camp des politiques. L'Espagne et l'Italie devront tout faire pour restaurer la confiance durablement. Il faudra du temps pour que ces pays retrouvent une base d'investisseurs pérennes, ils devront continuer d'envoyer des signaux positifs ( émissions de dette publique réussie, retour de leurs entreprises sur les marchés obligataires...). A long terme se pose aussi la question de l'intégration européenne, un sujet hautement politique face auxquels les investisseurs sont démunis.
Dans l'immédiat; nous pensons que les investisseurs institutionnels ont intérêt à se positionner, de manière sélective sur les pays périphériques. L'Italie est à privilégier, car elle fait face à un problème de liquidité et non de solvabilité. Elle a souffert d'une confusion injuste avec l'Espagne. Quand un pays présente un excédent primaire, cela veut dire qu'il peut payer sa dette. Pour l'Espagne, le chemin va être long et douloureux. Sur le marché, les positions vendeuses sont en train d'être débouclées, mais les taux sur les obligations espagnoles resteront sans doute à des niveaux relativement élevés.
En ce qui concerne notre gestion obligataire, nous avons décidé de reprendre du risque en début de semaine. Nous remettons du rendement dans nos portefeuilles. Quels sont les menaces qui planent ? La Grèce reste un caillou dans la chaussure de la zone euro. En revanche, nous ne sommes pas trop inquiets sur la question des objectifs de déficit budgétaire pour les pays qui ont fourni de gros efforts. Il est possible que, pour certains Etats méritants, l'on repousse au-delà de 2013 la cible de 3% du PIB, comme cela vient d'être fait pour le Portugal. Les Européens peuvent relâcher un peu la pression s'ils communiquent sur les bénéfices attendus en termes de croissance. Cela devrait même être bien accueilli par les investisseurs, qui croient de moins en moins aux vertus de l'austérité. »
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David Benamou, président d'Axiom Alternative Investments
« La crise n'est pas finie, mais la crise dite « systémique » l'est sans doute. Le scénario d'un éclatement de la zone euro devient très improbable et les investisseurs qui jouaient ce thème, en vendant à découvert les titres des banques de la zone euro ou des pays périphériques, débouclent leurs positions. Ils ne veulent pas se mettre contre la Banque centrale européenne (BCE). La détente des CDS ( »credit default swaps ») sur la dette bancaire subordonnée est emblématique de cette réduction du risque « systémique », de même que le rebond de l'action Crédit Agricole, qui a pris environ 25% en dix jours. Crédit Agricole est un bon indicateur car la banque est intimement liée au sort de la zone euro, compte tenu de ses multiples filiales dans les pays du sud .
Dans un deuxième temps, il faut que les « vrais » acheteurs reviennent. Ces flux devraient être visibles d'ici deux mois et surtout début 2013. En annonçant son programme d'achats de dette illimité, la BCE a clairement dit aux investisseurs qu'elle jouait le rôle de prêteur en dernier ressort. C'est un argument de poids pour faire revenir les acheteurs de long terme. Si tout va bien, on devrait alors assister à un phénomène de vases communicants : les investisseurs réduiront leurs positions sur les pays du coeur de l'Europe -la France notamment -pour se repositionner sur l'Espagne et l'Italie. La part des investisseurs étrangers dans ces deux pays remontera, après avoir chuté ces dernières années.
Si les décisions de la Fed, de la cour constitutionnelle allemande sur le Mécanisme de stabilité européen et de la BCE, ce mois-ci, jouent un rôle déterminant, les choses s'étaient déjà améliorées depuis l'été : les Finlandais avaient par exemple dévoilé une étude qui montre que le maintien de la Grèce dans la zone euro est préférable. Un signal encourageant de la part de ce pays. Surtout, cet été, les Européens ont beaucoup mieux communiqué que par le passé.
Ce tournant ne signifie pas pour autant que la crise est finie, car on n'a pas résolu la crise économique. Mais au moins, grâce à la BCE, un pays comme l'Espagne va pouvoir mener ses réformes structurelles sans que ses efforts soient ruinés par des coûts de financement intenables ».
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Alain Bokobza, responsable de l'allocation d'actifs de Société générale CIB
« Le nouveau programme d'assouplissement quantitatif de la Fed était très attendu. C'est donc simplement une confirmation, avec une précision de plusieurs points techniques. Le S&P 500 est actuellement sur ses plus hauts de fin 2007, ce qui limite son potentiel de rebond. En revanche, les actions européennes restent encore sous-valorisées. Elles peuvent encore poursuivre leur rally : nous avons donc augmenté notre pondération sur cette classe d'actifs.
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Rick Lacaille, directeur mondial des investissements de State Street Global Advisors
« Les décisions de la Fed et de la BCE ne sont sans doute pas un véritable tournant pour les marchés, mais elles vont dans le bon sens. Ben Bernanke a, certes, pris un risque politique, mais a fait ce qu'il fallait pour rassurer les marchés et les consommateurs. Mario Draghi, président de la BCE, a également réussi à redonner confiance au marché. D'autant que le langage a changé en Europe : on parle moins de rigueur et d'austérité mais davantage de réformes. Petit à petit, les investisseurs se mettent à changer leurs allocations d'actifs pour prendre plus de risques. Nous avons « surpondéré » les actions ».
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