Qu'en pensez vous ?Qui dit mieux ? Tous les Français ou presque – 94,3 % de la population ! – détiennent un livret A. Ils y ont déjà mis à l’abri 220 milliards d’euros. Et bientôt beaucoup plus : depuis le 1er octobre, les épargnants peuvent y placer un maximum de 19.125 euros, contre 15.300 euros auparavant. Cette forme d’épargne réglementée, si elle est une exception hexagonale, est surtout une passion française, écrit le haut fonctionnaire Pierre Duquesne dans le rapport qu’il a remis le 19 septembre au ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici. Ce n’est pas saugrenu, puisqu’elle est un vieux produit connu des Français et servant à financer leur logement social." Mais pas seulement.
Les ressources placées sur le livret A sont collectées par les Caisses d’épargne, La Poste et les banques. Sur 100 euros, 65 sont conservés et gérés, pour le compte de l’Etat, par la Caisse des dépôts (CDC). A la fin de l’année dernière, cela représentait 141 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 43 milliards pour le livret de développement durable (LDD), affecté lui aussi à la "politique de la ville". Sur la base de ces dépôts, 118 milliards d’euros, soit 64 % du total, ont servi à financer du logement social.
Des placements calamiteux
Et le solde ? Une grande partie de l’argent est placée… sur les marchés financiers. "Il est impossible d’employer tous les fonds pour des emplois à quarante ans comme le logement social, explique un expert de la CDC. Que se passerait-il si les épargnants exigeaient le remboursement de leurs livrets ? Il faut garder un volant de liquidités pour faire face à ce risque." Mais ce coussin financier, constitué par les placements en actions et obligations, est défraîchi. L’année dernière, la gestion du Fonds d’épargne de la CDC a été calamiteuse : une perte d’exploitation de 600 millions d’euros, due à 1,2 milliard de pertes sur les placements financiers ! Celle-ci provient notamment d’une dépréciation de titres souverains grecs… pour un montant de 450 millions. En 2008, la perte d’exploitation avait été de 1,65 milliard.
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Des attributions invérifiables
L’une des solutions serait de permettre à la CDC de financer autre chose que le logement social avec le livret A, ce qu’elle fait déjà un peu (7,8 milliards d’euros aux collectivités locales et 5,3 milliards pour les PME via Oséo). "La CDC gère des fonds d’épargne pour le compte de l’Etat. Ceux-ci ont vocation à financer des investissements qui contribuent à l’intérêt général, rappelle le sénateur Jean Arthuis, membre de la commission de surveillance de la Caisse. Le financement des collectivités locales répond à cet objectif, ce qui permettrait de pallier la carence des concours bancaires."
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Emprunt d’Etat déguisé
Trop de placements hasardeux à la CDC, pas de visibilité sur les emplois faits par les banques : la gestion des fonds du livret A aurait besoin d’un bon toilettage. Pas sûr que l’Etat s’y attelle, il trouve bien son compte dans l’affaire. Bercy prélève chaque année une dîme sur les fonds du livret A gérés par la CDC en rémunération de la "garantie publique" apportée aux capitaux placés. Depuis 1984, la CDC a ainsi versé 70 milliards d’euros à l’Etat. En 2011, malgré la mauvaise gestion du Fonds d’épargne, 963 millions sont partis dans ses caisses pour combler (un peu) le déficit public. "En période de disette, l’Etat pourrait être tenté de prélever encore davantage sur les fonds propres du Fonds d’épargne", craint Jean Arthuis.
L’épargnant, lui, ne sait pas que les pouvoirs publics piochent dans son bas de laine, qui, il est vrai, est défiscalisé. Dans ce système unique au monde règnent l’endogamie et les conflits d’intérêts. Il vaudrait mieux dire aux Français que le livret A est un emprunt d’Etat… perpétuel et à taux variable. C’est ainsi qu’il avait été conçu en 1818 par Louis XVIII, qui avait trouvé ce moyen pour solder les dettes des guerres napoléoniennes.
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