Les unes de la presse française aujourd'hui ont offert une bonne tribune aux dernières tribulations du régime nord-coréen. Pour ceux qui hibernaient, je rappelle qu'hier Lundi, la RPDC a procédé à un essai concluant en faisant exploser sous ses propres terres une bombe au moins équivalente à celle qui émietta Hiroshima il y un peu plus d'un demi-siècle. Dans le même temps, la RPDC a lancé avec succès trois missiles courte-portée en direction des côtes nippones.
Bien sûr, l'opinion internationale, qui raffole des scénarios panique, s'émeut et vibre comme si elle voyait galoper vers elle les quatre chevaliers de l'apocalypse. Un conseil de l'ONU s'est tenu hier, et condamne fermement, vieille rengaine. Mais au-delà, rien. On entend parler de nouvelles sanctions pour affliger encore davantage le pays déjà le plus sanctionné au monde. La communauté internationale dans son ensemble semble très inquiète et assez grognon, comme si du jour au lendemain le « cher Leader » Kim Jong-Il allait donner l'assaut à l'occident en entier. Seulement, on aura beau fouiller les archives, jamais on ne voit nulle part la trace d'une telle menace émanant du Leader actuel ou de son prestigieux aïeul, Kim Il Sung, promu à sa disparition « président éternel de la Nation ». Aussi, on comprend mal dans un premier temps pourquoi le monde tremble et surtout pour quelles raisons les voyous du Nord semblent depuis des décennies déjà tout miser sur l'arme nucléaire. Ce qui est mis en avant aujourd'hui par les experts, c'est que cet essai se produit à dessein au moment où Kim Jong-Il s'apprête à passer la main à son fils cadet, l'énigmatique Kim Jong-Un... Car il semble évident aux services secrets internationaux que le moment est venu de tenter le tout pour le tout, dans une période d'instabilité relative, en cherchant notamment à acheter des généraux nord-coréens pour faire au Nord ce qui a été fait au Sud il y a près de 60 ans, à savoir installer un gouvernement fantoche sur cette péninsule hautement stratégique. Enfin avec toute une panoplie de manœuvres dignes des meilleurs films de gangsters, le but affiché de l'ONU est de saisir l'opportunité de renverser le régime. Cependant, les contingences de la situation actuelle en Corée ne doivent pas nous faire oublier comment et pourquoi le régime du Nord se félicite aujourd'hui de s'afficher comme une nouvelle puissance nucléaire. Et curieusement, en dépouillant la presse ce matin, je n'ai pu lire une seule ligne sur les racines de l'hostilité du régime nord-coréen vis-à-vis de l'occident, et en particulier des USA et du Japon. Alors pour mieux comprendre, il faut tout de même garder à l'esprit l'histoire si originale de cette nation, coupée en deux, dernier vestige du rideau de fer, avec une frontière bardée de mines qui fait de la Corée le pays le plus étanche et le plus impénétrable au monde. Disons-le une bonne fois pour toute, une grande partie des formes du terrorisme actuel dans le monde est lié à la façon dont les USA ont géré l'hégémonie héritée au lendemain de la 2ème guerre mondiale.
Je vais tenter de résumer plus d'un demi-siècle d'Histoire en quelques traits essentiels:
- L'état actuel de la Corée est une conséquence directe de la guerre froide, l'URSS ayant soutenu le Nord et MacCarthy le Sud.
- Le Sud est actuellement encore sous la dépendance des Etats-Unis, le Nord s'est libéré de l'emprise soviétique mais garde de bons rapports avec la Russie et la Chine.
- Jamais les USA n'ont relâché leur pression sur le Nord après leur défaite dans la « guerre des Corées ».
- Dans le contexte de mondialisation, l'autosuffisance prônée par Kim Il Sung dérange toujours autant les partisans de l'universel.
- La RPDC menace ses ennemis historiques et revendique une réunification des deux zones.
- A ce jour, seuls les USA ont utilisé l'arme nucléaire sur des populations civiles.
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Bon nombre d'experts cherchent aujourd'hui à relativiser la menace coréenne, ce qui fait d'ailleurs l'affaire du président Obama qui semble plus désarmé que jamais, et il est probable que sa phrase sur « un monde sans armes nucléaires » figure en bonne place dans le bétisier TV de fin d'année. Décrédibiliser Obama est peut-être au moins aussi motivant pour les coréens que d'assurer par ce nouvel essai une transition sécurisée. Quoiqu'il advienne, il semble inévitable que bientôt les USA auront à payer la note d'un demi-siècle de domination sur le monde, tant sur le plan économique et militaire que sur le plan culturel. Car Bush s'efface peut-être pour laisser la place à un président cool, mais Washington reste Washington, mais les mémoires collectives en Asie sont efficientes. So, good luck mister president!