Cà vole bas au Congrès du PG. Plus on est inexistant, plus faut être grossier n'est ce pas. Alors Mélenchon et Delapierre lapident Moscovici. Désir n'énerve (il n'a qu'à se débarrasser de cet allié inconvenant après tout). Et Mélenchon rebondit.
Le discours du Front de Gauche, et surtout du Parti de Gauche, se radicalise de mois en mois, mais son dirigeant a peut-être franchi le Rubicon ce samedi 23 mars. Alors que le Parti de Gauche était réuni en Congrès, les mots ont été très durs envers le gouvernement socialiste.
A tel point que le premier secrétaire du PS Harlem Désir a demandé samedi 23 mars à Jean-Luc Mélenchon, le coprésident du Parti de gauche, de "retirer" ses "propos inacceptables" au sujet du ministre de l'Economie Pierre Moscovici, des dires qui donnent "le haut le coeur".
"Jean-Luc Melenchon vient de déclarer que Pierre Moscovici aurait le 'comportement de quelqu'un qui ne pense pas français qui pense finance internationale'", a rapporté Harlem Désir à l'AFP. "Je lui demande de retirer ces propos inacceptables".
"C'est un vocabulaire des années 30 que l'on ne pensait plus entendre de la bouche d'un républicain et encore moins d'un dirigeant de gauche", a-t-il lancé, rajoutant:
"Cette attaque sur l'identité française de Pierre Moscovici donne le haut le coeur. Elle signe une dérive dangereuse qui doit cesser dans l'injure et la mise en cause personnelle. Elle franchit les limites de l'acceptable et ne peut être tolérée par aucun républicain".
Se demandant ce qu'a fait Pierre Moscovici dans les réunions européennes sur le dossier chypriote, Jean-Luc Mélenchon avait déclaré à Bordeaux, en marge du congrès du PG, que le ministre avait eu le "comportement de quelqu'un qui ne pense pas français, qui pense finance internationale".
Hitler ou CGT? Critique de la finance internationale
Si l'on suit Harlem Désir, la référence aux propos tenu par Hitler dans les années 30 semble évidente. Notamment dans son livre "Mein Kampf", où le futur dictateur assurait que la "lutte contre la finance internationale" était devenu "le point le plus important de la lutte de la nation allemande pour son indépendance et sa liberté économique".
De son côté, David Assouline, porte-parole du PS, a déclaré : "le style, l'insulte et l'appel ad hominem à la vindicte publique du Front de Gauche contre Pierre Moscovici, au-delà de sa vulgarité, est indigne d'un parti de gauche". "D'autant, a-t-il poursuivi dans un message à l'AFP, que la violence du verbe n'a d'égal que (son) silence assourdissant sur le scandale des placements oligarques russes dans le paradis fiscal Chypriote étonnamment épargné aussi".
L'attaque, et la comparaison avec les discours antisémites de l'extrême droite dans l'entre-deux-guerres contre "la finance juive", a fait bondir le Parti de Gauche. "En 2007, quand le PS disait que Nicolas Sarkozy était un ''néoconservateur américain avec un passeport français'', la droite avait réagi de la même manière", s'indigne Alexis Corbière, cadre du PG.
Pour le Monsieur anti-FN du parti mélenchoniste, "tous ceux qui cherchent un lien entre la critique de la finance internationale et l'antisémitisme sont des irresponsables qui desservent la critique de la finance. Que disait Hollande au Bourget contre la 'finance sans visage'? Contrairement à l'extrême droite, le Parti de Gauche ne fait aucun lien entre finance internationale et finance juive".
Quant à l'expression "vocabulaire des années 30", le PG revendique une ligne portée par les syndicats français à l'époque. La critique de la finance internationale n'était pas le monopole de l'extrême droite. Elle était tout autant attaquée par la gauche et la CGT pendant les années 30", assure Alexis Corbière.
Et d'assumer le discours virulent de Jean-Luc Mélenchon. "Notre critique est drue mais elle est à la hauteur de l'indignation du pays. Ce n'est pas le monopole de l'extrême droite que d'affirmer un message populaire, George Clémenceau, modèle de Manuel Valls, en faisait autant à son époque".
"Les 17 salopards" de la zone euro
Si Jean-Luc Mélenchon a utilisé des termes polémiques, il n'est pas le seul. Un dirigeant du Parti de gauche, François Delapierre a fustigé à la tribune du congrès "les 17 salopards de l'Europe", dont le ministre de l'Economie Pierre Moscovici, faisant référence à l'attitude des 17 gouvernements de la zone euro à l'égard de Chypre.
Il a dénoncé le "coup d'Etat financier qui est à l'oeuvre", y compris en Europe avec les récentes propositions concernant Chypre et les "17 salopards de l'Europe". "Dans ces 17 salopards, il y a un Français, il a un nom, il a une adresse, il s'appelle Pierre Moscovici et il est membre du Parti socialiste", a-t-il dit vivement applaudi par les 800 délégués.
C'est à ce moment que Jean-Luc Mélenchon a sorti sa petite phrase qui a fait réagir le Parti socialiste. "Une très belle expression", dit en souriant aux journalistes Jean-Luc Mélenchon, en qualifiant le ministre de "petit intelligent qui a fait l'ENA" et qui "ne pense pas français, qui pense finance internationale".
"Chypre c'est un franchissement, c'est un acte de guerre", estime Jean-Luc Mélenchon qui décrit un euro "censé être le fluide qui unit les pays" et qui "au contraire est le moyen de serrer la gorge". "Hollande a tout lâché, il a tout faux. Il a peur", ajoute-t-il. Le PG avait déjà exprimé son rejet de la politique européenne du gouvernement il y a quelque mois, lors de la manifestation contre le traité européen.
"On a un congrès qui ressemble ce qu'on croit nécessaire de faire. La situation se tend, on va accompagner le mouvement", prévient Jean-Luc Mélenchon. "On est dans une époque où les citoyens cherchent des réponses claires et fermes", justifie Martine Billard qui copréside le parti avec Jean-Luc Mélenchon.
"On ne veut pas laisser le FN être le seul à parler fort", a-t-elle dit à des journalistes. "On est dans une époque où les citoyens cherchent une réponse claire et ferme."