Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

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albert
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Arnaud Montebourg : « Les sociaux-démocrates ne servent à rien »

Message non lu par albert » 12 nov. 2018, 20:25:05

Arnaud Montebourg : « Les sociaux-démocrates ne servent à rien »

lun. 12 nov. 2018, 17:00:23

Nous avons retrouvé Arnaud Montebourg rue de l’Opéra, dans les locaux parisiens de son entreprise [/i]Bleu Blanc Ruche. D’abord réticent à l’idée de parler politique, nous avons finalement passé en revue avec lui les principaux thèmes qui ont structuré son engagement, du Made in France à la démondialisation, jusqu’au sujet lourd qu’est la politique industrielle. Ministre de l’économie et du redressement productif de 2012 à 2014, nous avons pu aborder le poids de la haute administration et les contraintes de l’exercice du pouvoir. « L’Union européenne s’est retournée contre les peuples » déplore-t-il en constatant la fin de l’utopie fédéraliste et le déclin accéléré de la social-démocratie partout sur le continent.

Image



Image© Clément Tissot

(…)

LVSL – Cette crise de l’Union européenne a partie liée avec la crise de la social-démocratie partout sur le continent. On pense aux résultats du Parti Socialiste aux dernières élections, ou de ceux du SPD, du PD, du PASOK… Pensez-vous que ce paradigme de crise engendre la chute de toute la social-démocratie ?


Arnaud Montebourg – La chute de la social-démocratie correspond pour moi au fait que les sociaux-démocrates ne servent à rien. Ils ont échoué ou ils ont trahi leur mission historique qui était d’équilibrer les excès du capitalisme. Particulièrement après une crise aussi grave que celle de 2008 qui a mis par terre le niveau de vie de 600 millions de citoyens qui appartenaient aux classes moyennes. Sur ce sujet, il y a eu dernièrement une étude du cabinet McKinsey – qui n’est pas vraiment une officine mélenchonniste. Cette étude montrait que ces dix dernières années, dans les pays de l’OCDE, 580 millions de citoyens avaient vu leur niveau de vie baisser ou stagner, alors que dans la décennie précédente c’était seulement 10 millions d’entre eux. Les dix années de mondialisation et de mise en concurrence des revenus tirés vers le bas, ainsi que la gestion austéritaire de la crise, ont provoqué la révolte des classes moyennes. Cela a provoqué Trump, Salvini, les néo-nazis au pouvoir en Autriche, l’Alternative für Deutschland comme probable deuxième parti et force d’alternance possible en Allemagne, Marine Le Pen au deuxième tour à 33%…


La social-démocratie a été l’auteur de cet appauvrissement : le matraquage fiscal par Hollande, Renzi et l’austérité, et je ne parle même pas du PASOK. Partout, ils ont été les agents de cette austérité contre leur propre électorat – ça a été leur bêtise – mais surtout contre la masse des gens qui n’avaient aucune responsabilité dans la crise financière. Donc la social-démocratie finit comme le Parti Communiste après la chute du Mur, comme le Parti Radical après la guerre quand la République était établie et qu’on n’avait plus besoin d’eux. On n’a plus besoin de ces partis qui ont failli dans leur mission. Il est normal que les peuples se tournent vers d’autres forces politiques, pour le pire ou pour le meilleur, et que de nouvelles forces politiques émergent.


LVSL – L’Union européenne est entrée dans une crise existentielle majeure avec un paysage politique inimaginable il y a dix ans : des gouvernements illibéraux à l’Est, le Brexit, et la coalition M5S/Lega en Italie. Est-ce la fin de l’utopie fédéraliste ?


Arnaud Montebourg – Je le crois, parce que la construction du noyau dur fédéral s’est faite sur des orientations politiques qui ne sont pas consensuelles, et contre les majorités sociologiques de tous les pays européens. C’est une stratégie létale pour les constructeurs de l’Union européenne. Beaucoup ont défendu la réforme dans l’Union européenne, « on ne veut pas de cette Europe, on en veut une autre »… Aujourd’hui, on sait que c’est à prendre ou à laisser : et les peuples ont décidé de laisser parce qu’on leur a dit que c’était à prendre ou à laisser. Il fallait refuser le traité de Lisbonne, une partie de mon parti de l’époque, dont François Hollande, l’a approuvé avec Nicolas Sarkozy, moi je ne l’ai pas voté. On paie à présent la facture de décisions qui ont été prises à ce moment là. Quand M. Juncker dit qu’il n’y a pas de démocratie contre les traités et que Mme Merkel déclare que « la démocratie doit se conformer aux marchés »…


Nous avons besoin de la construction européenne. Mais qu’est-ce que les peuples accepteront ? A mon avis, une Union rétrécie aux puissances qui comptent. Peut-être pas le retour aux seuls fondateurs, mais par exemple aussi à la péninsule ibérique… En tout cas à l’Europe occidentale, puisque nous n’avons pas de valeurs communes avec les pays de l’Est, il y a un problème là ! Les orientations devront donc être différentes. S’il reste des éléments fédéralistes, ils devront être cantonnés dans une Union qui n’a pas d’autre choix que d’être rétrécie. Vous ne pouvez pas prendre de décisions à 28 ! Vous avez déjà essayé de prendre des décisions à 28 dans votre famille ? Même à 6, essayez de le faire.


Aujourd’hui l’Europe est une paralytique. Elle ne prend aucune décision dans la guerre commerciale entre Trump et la Chine. Face aux excès du trumpisme, comme en matière de climat, l’Union européenne est absente. Il n’y a pas de politique climatique européenne, il y a l’Allemagne avec ses centrales à charbon, la Pologne avec ses centrales à charbon et la France avec son nucléaire : il y a un problème. Cette vision fédéraliste est absurde, et n’a aucune chance de prospérer. Il faut donc inventer autre chose pour que l’Europe reste unie et continue à être la première puissance mondiale qu’elle doit être.


Entretien réalisé par Antoine Cargoet, Marion Beauvalet et Matis Brasca. Photographe : Clément Tissot.




Antoine Cargoet
Article complet sur https://lvsl.fr/arnaud-montebourg-les-s ... ent-a-rien
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El Fredo
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par El Fredo » 12 nov. 2018, 20:38:50

L'argument numérique est très faible. Les USA sont une fédération de 50 Etats et ils arrivent à prendre des décisions. L'Inde est une fédération de 29 Etats et ils arrivent à prendre des décisions. Le Mexique est une fédération de 31 Etats et ils arrivent à prendre des décisions. Le Brésil est une fédération de 26 Etats et ils arrivent à prendre des décisions.

Vous remarquerez que je n'ai cité que des grands pays démocratiques fédérés, et pas des régimes autocratiques comme la Russie, ou des petits pays comme l'Allemagne. Et en particulier l'Inde qui est encore plus variée en termes linguistiques, culturels et religieux que l'Europe, et pourtant ils arrivent à prendre des décisions.

Montebourg m'a habitué à mieux que ce genre de fadaises nationalistes.
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Spartiate » 12 nov. 2018, 20:47:56

Il ne faut pas comparer le fédéralisme européen au fédéralisme interne.

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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Nombrilist » 12 nov. 2018, 21:47:06

El Fredo a écrit :
12 nov. 2018, 20:38:50
L'argument numérique est très faible. Les USA sont une fédération de 50 Etats et ils arrivent à prendre des décisions. L'Inde est une fédération de 29 Etats et ils arrivent à prendre des décisions. Le Mexique est une fédération de 31 Etats et ils arrivent à prendre des décisions. Le Brésil est une fédération de 26 Etats et ils arrivent à prendre des décisions.

Vous remarquerez que je n'ai cité que des grands pays démocratiques fédérés, et pas des régimes autocratiques comme la Russie, ou des petits pays comme l'Allemagne. Et en particulier l'Inde qui est encore plus variée en termes linguistiques, culturels et religieux que l'Europe, et pourtant ils arrivent à prendre des décisions.

Montebourg m'a habitué à mieux que ce genre de fadaises nationalistes.
C'est réducteur que de dire que Montebourg a simplement sorti un argument numérique. Il a expliqué pourquoi dans le cas de l'UE le nombre est un problème. De plus, ce n'est pas parce que le nombre n'est pas un problème ailleurs que ce n'est pas un problème dans l'UE.

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El Fredo
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par El Fredo » 12 nov. 2018, 22:06:04

C'est pas "très réducteur", au contraire c'est exactement ce qu'il est en train de dire :
Vous ne pouvez pas prendre de décisions à 28 ! Vous avez déjà essayé de prendre des décisions à 28 dans votre famille ? Même à 6, essayez de le faire.
Il y a un autre point qui me dérange, et que je classerai dans la sphère nationaliste au sens large :
Nous avons besoin de la construction européenne. Mais qu’est-ce que les peuples accepteront ? A mon avis, une Union rétrécie aux puissances qui comptent. Peut-être pas le retour aux seuls fondateurs, mais par exemple aussi à la péninsule ibérique… En tout cas à l’Europe occidentale, puisque nous n’avons pas de valeurs communes avec les pays de l’Est, il y a un problème là !
1. De quelles valeurs parle-t-il ?
2. C'est quoi "les pays de l'Est" ? Petit sondage : pour vous, est-ce que la République Tchèque ou la Croatie font partie des "pays de l'Est" ?
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Nombrilist » 12 nov. 2018, 22:12:22

Pour le critère numérique, ce qu'il voulait signifier, c'est que les 28 n'étant jamais d'accord entre eux, comment avancer ? Pour les valeurs, je ne sais pas de quoi il parle. Pour moi, quand on parle de pays de l'Est, je pense immédiatement "pays anciennement dans le giron de la Russie". La Tchéquie et la Slovaquie en faisaient partie.

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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Yakiv » 12 nov. 2018, 22:42:11

El Fredo a écrit :
12 nov. 2018, 22:06:04
2. C'est quoi "les pays de l'Est" ? Petit sondage : pour vous, est-ce que la République Tchèque ou la Croatie font partie des "pays de l'Est" ?
Oui pourquoi ? :mrgreen:

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El Fredo
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par El Fredo » 13 nov. 2018, 09:24:04

Non, c'est respectivement l'Europe centrale et les Balkans. Si tu demandes aux Tchèques et aux Croates ils ne te dirons jamais qu'ils font partie de l'Europe de l'Est.
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par johanono » 13 nov. 2018, 09:39:21

Actuellement, la construction européenne est assez bâtarde.

Sur certains sujets, par exemple la politique monétaire, elle est d'essence fédérale, c'est-à-dire qu'une structure supra-nationale a le pouvoir de décision, et peut prendre seule les décisions, éventuellement sous le contrôle du parlement, mais sans avoir besoin d'obtenir l'accord à chaque fois de tous les membres.

Mais pour le reste, elle n'est pas fédérale. Il y a beaucoup de sujets qui sont de la compétence européenne, mais où les grandes décisions restent prises par les pays membres en Conseil des ministres, parfois à l'unanimité, parfois à la majorité qualifiée.

C'est là que l'argument numérique prend tout son sens. A 28, il est forcément plus difficile de se mettre d'accord qu'à 6.

Au-delà du nombre, la difficulté vient de ce que les pays membres ne sont d'accord sur rien. C'est logique, les traditions économiques, politiques, culturelles, sont si différentes d'un pays à l'autre... Prenons quelques exemples concrets :

- Le SMIC dans les pays de l'Est est près de trois fois inférieur au SMIC en France, d'où une concurrence déloyale très importante pratiquée par ces pays. Est-il possible d'avoir un budget commun, une fiscalité commune et politique économique commune dans des pays si différents ? Y a-t-il une telle différence de salaires et de coûts de production entre les différents États américains, brésiliens, ou indiens ?

- En matière diplomatique, les pays de l'Est, marqués par le traumatisme de la période soviétique, veulent une protection militaire américaine, là où nous rêvons d'une Europe indépendante. Quelle diplomatie commune et quelle armée commune est-il possible de réaliser dans ces conditions ? Y a-t-il autant de divergences de vues dans les autres pays cités ?

- En France, pays où l’État est très présent dans les rapports économiques et sociaux, nous rêvons beaucoup de services publics. Beaucoup de pays européens ne savent pas ce que c'est. Peut-on vraiment croire qu'une politique économique commune puisse satisfaire des aspirations aussi divergentes ? Au Brésil et en Inde, je ne sais pas trop comment ils fonctionnent à ce titre, mais chez les Américains, il y a un relatif consensus sur un rôle réduit de l’État dans l'économie...

- Sur les questions de société : la France est attachée à la laïcité (même si cette notion est en pratique très malmenée), mais cette notion n'existe pas dans beaucoup de pays européens, la société française est actuellement très diversifiée, comme en Angleterre ou en Allemagne, alors que dans les pays de l'Est encore peu marqués par l'immigration de masse, on est très attaché à préserver les racines chrétiennes. Quelle politique migratoire commune permettrait de satisfaire des aspirations aussi différentes ? De telles divergences de conception n'existent pas chez les Américains, chez qui la logique communautariste fait consensus (ce qui n'empêche pas les tensions ethniques). En Inde et au Brésil, je ne sais pas comment ils fonctionnent. En Inde, il y a des tensions ethniques très importantes en Inde, plusieurs chefs de gouvernement ont déjà été assassinés sur fond de tensions ethniques : il n'est pas certain que ce pays soit une référence...

Donc il y a deux possibilités :

- Soit le pouvoir de décision reste au niveau des pays membres, comme c'est le cas aujourd'hui sur l'essentiel des sujets. C'est le blocage assuré, avec des pays incapables de se mettre d'accord pour prendre de grandes décisions. L'actualité récente nous fournit des exemples récents, par exemple sur l'accueil des migrants ou sur les rétorsions douanières à infliger aux Américains ou encore (de façon plus anecdotique) sur le changement d'heure. Cette division perpétuelle ne peut qu'affaiblir les pays membres : un gouvernement seul ne peut pas faire grand chose à son niveau national, sur des sujets qui sont de la compétence européenne, mais au niveau européen, il est impossible de prendre des décisions, faute d'accord. Tout est bloqué. Les européistes nous disent généralement que l'union fait la force, mais c'est bien l'inverse qui se passe actuelle : l'Union européenne, c'est l'addition de nos divergences, pas de nos forces.

- Soit on surmonte cette impuissance en généralisant le fédéralisme. Il y aurait ainsi des États-Unis d'Europe, comme il existe des États-Unis d'Amérique. Toutes les grandes décisions seraient prises par un gouvernement européen, éventuellement sous contrôle du Parlement européen, et plus par les pays membres en Conseil des ministres. Cela impliquerait une armée commune (car il n'y a pas d’État sans armée), une diplomatie commune, un budget fédéral, donc un impôt européen, etc. Cette idée États-Unis d'Europe repose sur une construction intellectuelle très séduisante, en effet. Le processus décisionnel sera simplifié et accéléré, mais il fera fi des spécificités économiques et des traditions politiques des pays membres. On rétorquera : oui, mais des grands pays aussi diversifiés que l'Inde ou le Brésil ou les États-Unis d'Amériques sont des pays fédéraux. Ce qui est possible dans ces pays ne l'est pas forcément en Europe. Je ne sais pas trop comment ça fonctionne en Inde et au Brésil, mais s'agissant des États-Unis d'Amérique, il faut quand même faire remarquer que l'unité de ce pays s'est réalisée au prix d'une guerre civile... :mrgreen: L'exemple américain n'est peut-être pas une référence.

Si on veut sortir de l'ornière, il faut donc essayer de reconstruire quelque chose à partir d'un noyau dur : les membres fondateurs, plus l'Espagne, le Portugal, l'Autriche, et les pays scandinaves, mais sans l'Irlande, sans la Grèce, sans les Anglais, sans les pays de l'Est.

De façon plus générale, il faut bien comprendre que les pays membres de l'UE n'ont pas du tout la même conception de ce que doit être la construction européenne. En France, nous avons de beaux idéaux, nous croyons que la construction européenne nous permettra de diffuser ce que nous croyons être un modèle social aux autres pays européens (qui eux, n'en veulent pas). Les Anglais restent culturellement proches des Américains, et vont bientôt se tailler (à moins que...). L'Allemagne se sert de l'UE pour restaurer sa domination sur le continent. Les Pays de l'Est se servent de l'UE comme d'un guichet à subventions.

Il faut aussi comprendre qu'il ne peut pas y avoir d’État sans peuple, ou alors, au prix de tensions ethniques et sociales très importantes. Or ma conviction est qu'il n'y a pas de peuple européen, et qu'il n'y a jamais eu de peuple européen.

Les Américains sont partis de rien pour faire un pays fédéral (ce qui ne les a pas empêchés de devoir se faire la guerre). Comment croire qu'on pourra mettre en place un État fédéral européen, avec une armée commune, une diplomatie commune, un budget commun, un SMIC commun, une politique monétaire commune, etc., qui se substitueraient à des traditions étatiques multiséculaires ?

Donc ce qui est possible chez les Brésiliens, les Indiens et les Américains (et encore, dans quelles conditions...) ne l'est peut-être pas en Europe, sauf à faire fi des aspirations populaires qui existent dans chaque pays.

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Spartiate
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Spartiate » 13 nov. 2018, 10:31:15

Non mais c’est absurde d’appeler au fédéralisme européen en prenant l’exemple d’Etats fédéraux qui fonctionnent, ne serait-ce parce que ces derniers se sont fédérés au plus tard dans les années 1950. Soit bien avant la complexification de la loi, de la bureaucratie, de l’Etat-providence et d’ailleurs, les Etats fédéraux actuels ont pour la plupart appartenu à des entités historiques, comme le SERG.

Bref, un fédéralisme européen aurait eu du sens au sortir de la guerre mais pas en 2018, ça supposerait remettre à plat tous les codes législatifs déjà très complexes de chacun des 27 membres, qui ont des structures et aspirations extrêmement variées.

Cela dit, l’UE sous son actuelle forme bâtarde n’est pas plus performante.

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El Fredo
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par El Fredo » 13 nov. 2018, 11:10:25

C'est pas comme si ça faisait 60 ans qu'on harmonisait les législations nationales, hein... #OhWait

Sachant qu'une part importante de l'évolution du corpus législatif de ces dernières décennies est la transcription de directives européennes, c'est un magnifique argument circulaire.

Et puis question complexité législative, les USA ça se tient là. Depuis quand le fédéralisme implique une uniformité législative ? Au contraire c'est le fédéralisme qui permet des disparités locales, sinon ça s'appellerait le centralisme. C'est un truc qu'on connait bien en France ça, le centralisme.

Bref, encore de mauvais arguments. Je ne conteste pas l'existence de bons arguments, mais c'est pas ceux-là.
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johanono
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par johanono » 13 nov. 2018, 11:33:28

Spartiate a écrit :
13 nov. 2018, 10:31:15
Non mais c’est absurde d’appeler au fédéralisme européen en prenant l’exemple d’Etats fédéraux qui fonctionnent, ne serait-ce parce que ces derniers se sont fédérés au plus tard dans les années 1950. Soit bien avant la complexification de la loi, de la bureaucratie, de l’Etat-providence et d’ailleurs, les Etats fédéraux actuels ont pour la plupart appartenu à des entités historiques, comme le SERG.

Bref, un fédéralisme européen aurait eu du sens au sortir de la guerre mais pas en 2018, ça supposerait remettre à plat tous les codes législatifs déjà très complexes de chacun des 27 membres, qui ont des structures et aspirations extrêmement variées.

Cela dit, l’UE sous son actuelle forme bâtarde n’est pas plus performante.
La construction européenne dans son avancement actuel est assez bâtarde, en effet. C'est important de bien comprendre ça. Il n'y a pas vraiment de fédéralisme, sauf exception. De nombreux secteurs relèvent de la compétence européenne, mais avec un pouvoir de décision relevant des pays membres, en Conseil des ministres : un gouvernement national ne peut rien faire seul, car il a perdu la compétence, mais le Conseil des ministres ne décide jamais de rien, faute d'accord.

Donc soit on va vers un fédéralisme généralisé, soit on retourne à une fédération d’États en nombre limité. Mais le fédéralisme pose les difficultés que j'ai exposées plus haut. Donc pour moi, la seule solution est un retour à une fédération d’États en nombre limité : ceux-ci pourront (probablement, mais pas certainement, car rien n'est jamais certain) se mettre d'accord sur des politiques communes, car ils auront des intérêts (à peu près) communs, et peut-être que, progressivement, l'intégration entre ces pays se renforcera au point d'arriver à un fonctionnement fédéral. C'est bien ce que propose Arnaud Montebourg.

De façon plus générale, j'ai trouvé l'interview d'Arnaud Montebourg très intéressante. Pour faire une bonne interview, il faut déjà que les questions posées soient intelligentes, ce qui est bien le cas ici. Et les réponses apportées sont pour moi très convaincantes.

Par exemple, je suis tout à fait d'accord avec lui quand il dit que "La société est pionnière sur le politique. C’est la société qui dirige le politique, contrairement à ce que certains croient.", et que "Les gens votent donc avec leurs bulletins de vote certes, mais aussi avec leurs cartes bleues". J'ai déjà tenu des propos similaires sur ce forum, et je me réjouis donc de constater qu'il dit la même chose.

J'approuve également quand il défend une vraie politique industrielle de la part de l'Etat, et quand il fait remarquer que les Allemands eux-mêmes ne se gênent pas pour mener une telle politique industrielle. La seule réserve que j'aurais tient au fait que l'Etat ne peut pas tout (il l'admet lui-même), et ne peut donc pas sauver toutes les entreprises en difficulté ; il convient donc de définir précisément quels seraient les secteurs stratégiques dignes d'une intervention étatique en cas de besoin, et ceux qui ne nécessitent pas une telle intervention.

J'approuve également sa défense du protectionnisme, notamment quand il fait remarquer que "il n’y aurait que le cinéma français qui aurait le droit d’être protectionniste mais la classe ouvrière, elle, n’aurait pas le droit de l’être parce que ce n’est pas bien ?".

J'espère qu'il a raison quand il constate que la démondialisation est déjà en train de se réaliser. Seul l'avenir le dira.

J'approuve également quand il constate que "la construction du noyau dur fédéral s’est faite sur des orientations politiques qui ne sont pas consensuelles, et contre les majorités sociologiques de tous les pays européens". Cela renvoie aux tares fondamentales de la construction européenne dont on a parlé plus haut.

Clairement, Arnaud Montebourg incarne parfaitement ce que devrait être, pour moi, le Parti socialiste : la défense d'une politique économique de gauche, sans les outrances de l'autre taré, et avec une lucidité sur les méfaits de la construction européenne, sans pour autant tomber dans un quelconque nationalisme.
El Fredo a écrit :
13 nov. 2018, 11:10:25
C'est pas comme si ça faisait 60 ans qu'on harmonisait les législations nationales, hein... #OhWait

Sachant qu'une part importante de l'évolution du corpus législatif de ces dernières décennies est la transcription de directives européennes, c'est un magnifique argument circulaire.

Et puis question complexité législative, les USA ça se tient là. Depuis quand le fédéralisme implique une uniformité législative ? Au contraire c'est le fédéralisme qui permet des disparités locales, sinon ça s'appellerait le centralisme. C'est un truc qu'on connait bien en France ça, le centralisme.

Bref, encore de mauvais arguments. Je ne conteste pas l'existence de bons arguments, mais c'est pas ceux-là.
En Europe, on harmonise sur ce qui est secondaire, et on n'harmonise pas sur ce qui est essentiel.

On harmonise les règles sur le changement d'heure. On harmonise les dates de chasse. On a harmonisé le démantèlement des services publics, mais ce n'était pas vraiment dans un sens souhaité par les Français.

Mais on n'harmonise pas le SMIC, ce dont il résulte une grave concurrence déloyale de la part des pays de l'Est.

On n'harmonise pas non plus la politique extérieure (ce qui explique, par exemple, que nous soyons incapables de répondre au diktat américain sur le dossier iranien, et que certains pays de l'Est continuent d'acheter du matériel militaire américain).

On n'harmonise pas non plus le droit du travail, ce qui renforce la concurrence déloyale de la part des pays de l'Est et de la part de l'Allemagne.

On n'harmonise pas non plus la politique migratoire, ce qui nous rend incapables de répondre au défi posé par l'arrivage massif de migrants sur nos côtes.

On n'harmonise pas non plus la politique énergétique, ce qui permet aux Allemands de polluer massivement avec leurs centrales à charbon, tandis que nous gardons notre parc nucléaire.

La fiscalité commune, qui existe aux États-Unis, n'est pas pour tout de suite en Europe. Du coup, la taxation des GAFA attendra.

Et c'est normal qu'on ne puisse pas harmoniser tout ça, puisqu'on n'est d'accord sur rien... Bref, c'est une impasse.

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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Nombrilist » 13 nov. 2018, 11:56:17

@El Fredo , les disparités salariales et la fuite de nos emplois depuis 30 ans, pas un bon argument ? Pourquoi ? D'ailleurs @johanono s'est "trompé", ce n'est pas un facteur 3 de différence entre la France et les pays de l'Est, mais un facteur qui peut aller jusqu'à 7 avec la Roumanie et la Bulgarie et qui est plutôt de 4 avec les pays de l'Est (tels que tu les définis) en général. ça plus le dumping fiscal que justement le fédéralisme n'empêche pas (coucou le Nevada), ça participe à un rejet grandissant de l'UE par un certain nombre de populations, et pas qu'à l'Ouest !
Je trouve que @johanono a posé de bonnes questions sur les autres fédérations (disparités de salaire, sentiment d'appartenance à une entité supranationale, intérêts économiques mais aussi géopolitiques et culturels (e.g., français qui tiennent aux services publiques tenus par le public...). Y a-t-il tous ces problèmes dans les autres fédérations ? J'en doute. Bref, à part d'appeler ça l'UE sur le papier, il n'y a aucune réelle union en réalité. Même à l'Ouest, nous ne sommes pas d'accord entre nous (e.g., Italie, mais aussi les français qui probablement à 45% rejettent plus ou moins consciemment l'UE telle qu'elle est si on considère la dernière élection présidentielle).

Et je ne reprends que quelques arguments de @johanono . Moi non plus je ne connais pas le Brésil ou l'Inde. Mais bon, le Brésil est en train de sombrer dans la dictature. Apparemment, en Inde il y a des tensions ethniques importantes ( @johanono parle d'assassinats politiques). Et effectivement, les US se sont construits sur une guerre civile. @johanono a aussi donné d'autres arguments ou posé d'autres questions que je trouve intéressants. Et je suis d'accord avec sa conclusion.

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Spartiate
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par Spartiate » 13 nov. 2018, 12:09:41

El Fredo a écrit :
13 nov. 2018, 11:10:25
C'est pas comme si ça faisait 60 ans qu'on harmonisait les législations nationales, hein... #OhWait

Sachant qu'une part importante de l'évolution du corpus législatif de ces dernières décennies est la transcription de directives européennes, c'est un magnifique argument circulaire.

Et puis question complexité législative, les USA ça se tient là. Depuis quand le fédéralisme implique une uniformité législative ? Au contraire c'est le fédéralisme qui permet des disparités locales, sinon ça s'appellerait le centralisme. C'est un truc qu'on connait bien en France ça, le centralisme.

Bref, encore de mauvais arguments. Je ne conteste pas l'existence de bons arguments, mais c'est pas ceux-là.
Les Etats-Unis et tous les pays que tu as cités parlent d'une seule voix quand il s'agit par exemple des affaires étrangères et de l'armée. Les anciens empires coloniaux actuellement dans l'UE que sont la France, l'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas ou même la Belgique ont tissé des relations bien particulières avec leurs anciennes colonies et adoptent par conséquent une politique diplomatique bien différente. Sur des sujets aussi épineux que les relations avec la Palestine, Israël, les Etats-Unis, la Russie, l'Iran, les positions divergent sensiblement d'un Etat membre à un autre. La Suède a-t-elle reconnu l'Etat de Palestine que la République tchèque s'y est fortement opposée. Bref, je pourrais continuer inlassablement mais il ne faut pas sous-estimer ces questions sur lesquelles une harmonisation est impossible, et je n'ai pas envie qu'une vision domine plus qu'une autre.

Pour les questions de dumping social, ne le prends pas pour une attaque personnelle mais tu n'es sans doute pas concerné car j'ai cru savoir que tu avais un poste qualifié qui te permet de travailler où tu veux et d'avoir des exigences. Cependant, pour les autres, je ne vois pas comment le fédéralisme européenne pourrait garantir un minimum vital pour tous les ressortissants par rapport au coût de la vie de son pays. Soit on instaure un smic européen, qui sera forcément moindre que celui en vigueur en France (ce qui serait déjà en soit une solution inacceptable pour les pays d'Europe centrale et de l'est), soit on supprime l'idée d'un smic, et on conforterait ainsi l'image d'une UE qui est avant tout pro-business avant d'être un havre de paix.

Pour autant, je ne suis pas un partisan de la centralisation, loin de là. Je soutiendrais même plutôt l'idée d'un fédéralisme français. À l'échelle européenne, ça reste pourtant difficilement concevable.

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johanono
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Re: Arnaud Montebourg appelle à un changement de cap économique

Message non lu par johanono » 13 nov. 2018, 12:20:27

Nombrilist a écrit :
13 nov. 2018, 11:56:17
@El Fredo , les disparités salariales et la fuite de nos emplois depuis 30 ans, pas un bon argument ? Pourquoi ? D'ailleurs @johanono s'est "trompé", ce n'est pas un facteur 3 de différence entre la France et les pays de l'Est, mais un facteur qui peut aller jusqu'à 7 avec la Roumanie et la Bulgarie et qui est plutôt de 4 avec les pays de l'Est (tels que tu les définis) en général. ça plus le dumping fiscal que justement le fédéralisme n'empêche pas (coucou le Nevada), ça participe à un rejet grandissant de l'UE par un certain nombre de populations, et pas qu'à l'Ouest !
Je trouve que @johanono a posé de bonnes questions sur les autres fédérations (disparités de salaire, sentiment d'appartenance à une entité supranationale, intérêts économiques mais aussi géopolitiques et culturels (e.g., français qui tiennent aux services publiques tenus par le public...). Y a-t-il tous ces problèmes dans les autres fédérations ? J'en doute. Bref, à part d'appeler ça l'UE sur le papier, il n'y a aucune réelle union en réalité. Même à l'Ouest, nous ne sommes pas d'accord entre nous (e.g., Italie, mais aussi les français qui probablement à 45% rejettent plus ou moins consciemment l'UE telle qu'elle est si on considère la dernière élection présidentielle).

Et je ne reprends que quelques arguments de @johanono . Moi non plus je ne connais pas le Brésil ou l'Inde. Mais bon, le Brésil est en train de sombrer dans la dictature. Apparemment, en Inde il y a des tensions ethniques importantes ( @johanono parle d'assassinats politiques). Et effectivement, les US se sont construits sur une guerre civile. @johanono a aussi donné d'autres arguments ou posé d'autres questions que je trouve intéressants. Et je suis d'accord avec sa conclusion.
Le Mahatma Gandhi : assassiné.
Indira Gandhi : assassinée.
Rajiv Gandhi : assassiné.

Et je ne parle là que des personnalités les plus connues...

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