G. sorel, toujours d'actualité un siècle plus tard :mps a écrit :Ca veut dire quoi ? Tu sers mieux la cause ouvrière en allant ostensiblement à la soupe populaire, pour rentrer ensuite chez toi te gaver sournoisement de langoustes ?
Intervention des partis
Grâce à l'intervention d'un parti prenant la tête de la révolution, le mouvement historique acquiert une allure toute nouvelle et fort imprévue; nous n'avons plus affaire à une classe de pauvres agissant sous l'influence d'instincts, mais à des hommes instruits qui raisonnent sur les intérêts d'un parti, comme le font les chefs d'industrie sur la prospérité de leurs affaires.
Les partis politiques sont des coalitions formées pour conquérir les avantages que peut donner la possession de l'État, soit que leurs promoteurs soient poussés par des haines, soit qu'ils recherchent des profits matériels, soit qu'ils aient surtout l'ambition d'imposer leur volonté. Si habiles que puissent être les organisateurs d'un parti, ils ne sauraient jamais grouper qu'un très faible état-major, qui est chargé d'agir sur des masses mécontentes, pleines d'espoirs lointains et disposées à faire des sacrifices immédiats; le parti leur fera de larges concessions en cas de succès; il paiera les services rendus en transformations économiques, juridiques, religieuses, dont la répercussion pourra dépasser infiniment les prévisions. Très souvent, les chefs de partis qui troublent le plus profondément la société, appartiennent à l'aristocratie que la révolution va atteindre d'une manière très directe; c'est que ces hommes, n'ayant pas trouvé dans leur classe les moyens de s'emparer du pouvoir, ont dû recruter une armée fidèle dans des classes dont les intérêts sont en opposition avec ceux de leur famille. L'histoire montre qu'on se ferait une idée très fausse des révolutions qu'on les supposait faites pour des motifs que le philosophe est si souvent porté à attribuer à leurs promoteurs.
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L'introduction de partis politiques dans un mouvement révolutionnaire nous éloigne beaucoup de la simplicité primitive. Les révoltés avaient été, tout d'abord, enivrés par l'idée que leur volonté ne devrait rencontrer aucun obstacle, puisqu'ils étaient le nombre; il leur semblait évident qu'ils n'auraient qu'à désigner des délégués pour formuler une nouvelle légalité conforme à leurs besoins; mais voilà qu'ils acceptent la direction d'hommes qui ont d'autres intérêts que les leurs; ces hommes veulent bien leur rendre service, mais à la condition que les masses leur livreront l'État, objet de leur convoitise. Ainsi l'instinct de révolte des pauvres peut servir de base à la formation d'un État populaire, formé de bourgeois qui désirent continuer la vie bourgeoise, qui maintiennent les idéologies bourgeoises, mais qui se donnent comme les mandataires du prolétariat.
L'État populaire est amené à étendre de plus en plus ses tentacules, parce que les masses deviennent de plus en plus difficiles à duper, quand le premier instant de la lutte est passé et qu'il faut cependant soutenir un instinct de révolte dans un temps calme; cela exige des machines électorales compliquées et, par suite, un très grand nombre de faveurs à accorder. En accroissant constamment le nombre de ses employés, il travaille à constituer un groupe d'intellectuels ayant des intérêts séparés de ceux du prolétariat des producteurs; il renforce ainsi la défense de la forme bourgeoise contre la révolution prolétarienne. L'expérience montre que cette bourgeoisie de commis a beau avoir une faible culture, elle n'en est pas moins très attachée aux idées bourgeoises; nous voyons même, par beaucoup d'exemples, que si quelques propagandistes de la révolution pénètre dans le monde gouvernemental, il devient un excellent bourgeois avec la plus grande facilité.
On pourrait donc dire que, par une sorte de paradoxe, les hommes politiques, qui se regardent comme les vrais détenteurs de l'idée révolutionnaire, sont des conservateurs. Mais, après tout, est-ce que la Convention avait été autre chose ? N'a-t-on pas souvent dit qu'elle avait continué les traditions de Louis XIV et préparé la voie à Napoléon ?