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par johanono » 03 nov. 2010, 23:44:00
Non, ce n'est pas aussi simple. S'agissant du respect du règlement de l'Assemblée nationale, tous les spécialistes de droit constitutionnel ne sont pas d'accord entre eux. Le règlement lui-même peut être sujet à plusieurs interprétations différentes, certains experts estiment que les socialistes se livraient à un détournement de procédure et que Bernard Accoyer était tout à fait fondé à faire cesser les débats. Ceci dit, que le CC se prononce sur cette question ne me gêne pas : il s'agit de vérifier si les institutions ont correctement fonctionné, le CC est dans son rôle en abordant cette question.
En revanche, je suis beaucoup plus réservé quand le CC aborde certains thèmes consacrés par la DDHC ou le préambule de 1789, tels que l'égalité devant la loi ou l'impôt. Ce sont des principes fondamentalement subjectifs et politiques. En fonction de l'orientation politique que l'on a, on n'aura pas la même conception de l'égalité. Certains diront que la réforme des retraites rompt l'égalité de traitement, et moi je trouve que deux ans de plus pour tout le monde, c'est très égalitaire. Fondamentalement, c'est un débat politique, pas juridique. La question de savoir si telle ou telle mesure est contraire ou non au principe d'égalité est fondamentalement politique, c'est-à-dire renvoie à la question que l'on a de l'intérêt général de la cité. Bref, on sort du juridique pour entrer dans le politique. Et selon moi, seul le pouvoir politique a pouvoir pour trancher de telles questions, car il a une légitimité électorale, pas les juges.
Un petit rappel historique s'impose. La Constitution de 1958 avait clairement défini les domaines d'intervention du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Ce sont les articles 34 et 37. Le but était de restreindre le domaine d'intervention du pouvoir législatif, pour en finir avec les dérives des 3e et 4e Républiques. Le CC avait été créé d'abord pour vérifier si les lois votées par le parlement empiètent ou non sur le domaine d'intervention du gouvernement. On est dans le domaine de la technique juridique. Et puis, en 1971, le CC a rendu une décision "liberté d'association", dans laquelle il disait que le préambule de la constitution de 1946 et la DDHC avaient une pleine valeur constitutionnelle. A l'époque, des juristes réputés avaient parlé de "coup d'Etat juridique". Et c'est ce que coup d'Etat qui fait qu'aujourd'hui, le CC se permet de dire si telle ou telle loi est ou non conforme à tel ou tel principe général énoncé dans ces deux textes.
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johanono le 08 sept. 2010, 21:03:00, modifié 1 fois.