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par racaille » 11 mai 2009, 22:12:00
Sur l'harmonie sociale :
La situation au sein de l'anarchie ne peut pas être harmonieuse à mon avis, et d'ailleurs ça serait vraiment triste ! Là je replonge rapidement dans la philo, mais l'anarchisme a une façon particulière de penser les contradictions. Hegel, puis Marx, ont toujours tenu à ce que les contradictions se résolvent dans une synthèse plus vaste (pour faire coller la réalité à leur théorie ?) ; les anarchistes pensent qu'il est bon, parfois, de ne pas résoudre certaines contradictions. Ce sont justement ces contradictions qui sont le moteur de l'existence, un peu comme la métaphore de Proudhon à propos des deux bornes d'une pile électrique. Proudhon a d'ailleurs développé une dialectique sérielle où il se propose de sérier les contradictions en fonction de leur intérêt pour l'individu - et donc par extension pour la collectivité.
Pour prendre un exemple simple, on peut voir sur les forums politiques des débats qui sont passionnants parce que deux parties au moins n'ont pas le même avis. C'est le genre de bonne contradiction qu'il s'agit de cultiver en toute intelligence.
Par contre, des fois dans un débat y'a plus rien à en tirer : tout le monde se tire dans les pattes, y'a plus que des attaques personnelles et des points godwin... C'est une contradiction à résoudre dans ce cas, elle ne sert absolument à rien.
Pour ta question :
Tu fais bien de séparer l'Etat et la notion de chef. il existe sur notre planète des société sans Etat qui vivent juste avec un chef. Ces sociétés ont d'ailleurs des mécanismes sociaux d'évitement de la création de l'Etat (voir les livres de l'anthropologue Pierre Clastres). L'anarchisme se propose d'éliminer aussi bien les chefs que l'Etat.
Comment faire pour que cela fonctionne ?
A priori, on ne peut pas prédire à l'avance ce que donnera tel ou tel modèle de société. Ca serait assez présomptueux de ma part de dire simplement qu'en anarchie, tout sera si harmonieux qu'il n'y aura plus besoin d'autorité et de hiérarchie. Y'a la théorie d'un côté et la réalité de l'autre, avec son cortège de circonstances historiques, de situations exemplaires et de contextes mouvants.
On peut déjà penser que de part le principe de libre association, tous les membres d'une collectivité donnée sont tacitement consentant à se plier aux règles sociales. C'est une acceptation libre du contrat social. Evidemment il peut y avoir des menteurs, des gens qui approuvent le contrat social mais qui ne comptent le respecter que lorsque cela les arrange. Là, l'absence d'Etat ou de hiérarchie autoritaire n'empêche absolument pas une collectivité donnée de se débarrasser de ce genre de parasite. Il suffit d'une assemblée générale, d'une série de votes, etc. Enfin tout ce qui fait habituellement le cadre du débat public lorsqu'il existe. D'une manière générale, il n'y a pas besoin d'avoir une autorité transcendante aux individus qui composent la collectivité pour effectuer un choix et le mettre en pratique. Dans le cas de l'anarchie, l'autorité est collective, de même que le pouvoir de mettre cette autorité en pratique.
PS : Une réponse courte qui pour beaucoup d'observateurs passe pour une botte en touche est de dire que nul ne peut prévoir à l'avance ce que sera l'anarchie, et que c'est justement ce qui fait sa force plastique. Marx ne disait rien d'autre lorsqu'il parait de l'organisation du communisme soit dit en passant.
J'hésite souvent à faire cette réponse étant donné qu'elle prête le flanc à la raillerie facile. C'est pourtant une réponse sincère et honnête.
PPS : Dans tout ce topic, il faut bien comprendre que je parle de ma vision de l'anarchie. Elle est évidemment subjective et je revendique cette subjectivité. Il devrait en théorie y avoir autant de conception de l'anarchie qu'il y a d'anarchistes, ce courant d'idée étant dynamique et anti-dogmatique par excellence. [A ce propos, on peut considérer certains groupes militants anarchistes carrément dogmatiques, avec leurs petites guerres entre groupes, leur chapelle, etc. C'est un écueil sérieux au mouvement anarchiste.]
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M