--> http://www.lemonde.fr/politique/article ... visee-sur-…L'Assemblée divisée sur l'extension du secret-défense
LE MONDE | 04.06.09 | 14h46 • Mis à jour le 04.06.09 | 14h46
L'examen du projet de loi de programmation militaire pour 2009-2014, qui commence lundi 8 juin à l'Assemblée nationale, va donner lieu à une confrontation insolite. La commission des lois de l'Assemblée a en effet rejeté à l'unanimité, mercredi 3 juin, une partie contestée du texte - les articles 12 à 14 - élargissant la protection du secret-défense à de nombreux lieux face aux perquisitions judiciaires. Cependant, dans l'Hémicycle, ces dispositions vont être défendues par la commission de la défense, qui les a approuvées. En application de la révision constitutionnelle, c'est en effet le texte de la commission saisie au fond - celle de la défense - qui va être présenté en séance.
Juristes et militaires s'opposent sur cette extension du secret-défense. Les premiers craignent que la possibilité de classer des lieux sensibles, et non plus seulement des informations, n'empêche toute possibilité d'investigation des juges. Les seconds rappellent que la définition de ce qui est classifié est une prérogative du pouvoir politique. Certains événements récents, qui ont fait polémique, comme les perquisitions intervenues dans le cadre de l'affaire Clearstream ou de l'enquête sur la mort du juge Borrel à Djibouti en 1995, ne sont pas étrangers à cette volonté législative.
Pour Jean-Luc Warsmann (UMP, Ardennes), président de la commission des lois, c'est "une question de libertés publiques". "Il nous est proposé de créer sur notre territoire des zones où l'application du droit sera limitée, rappelle-t-il. Ces limitations ne devraient intervenir que pour le strict intérêt du pays ; on ne saurait en abuser afin d'entraver l'action d'éventuels contre-pouvoirs." Selon le ministre de la défense, Hervé Morin, "il fallait éviter qu'un magistrat puisse tomber sous un délit de compromission", lorsque, dans le cadre d'une perquisition, il accède à des documents couverts par le secret. Les magistrats n'étant pas habilités au secret de la défense nationale, ils ne peuvent pas consulter des documents classifiés, sous peine de violer l'article 413-10 du code pénal. "J'ai fait en sorte que ce nouveau dispositif n'empêche pas la loi républicaine de s'appliquer ", assure M. Morin. "Il y a une différence d'approche, voire une différence de culture", reconnaît Emile Blessig (UMP, Bas-Rhin), rapporteur pour avis de la commission des lois.
Actuellement, aucune disposition ne définit des modalités particulières pour les perquisitions dans des lieux abritant des secret-défense. Dans son avis du 5 avril 2007, le Conseil d'Etat a confirmé que "le juge d'instruction n'a pas à solliciter d'autorisation pour pénétrer dans une zone protégée". Tout magistrat se présentant à la porte d'un lieu susceptible d'abriter des secret-défense doit donc pouvoir y effectuer une perquisition.
MIS SOUS SCELLÉS
Dans les faits, les juges se voient déjà opposer des résistances : en mai 2007, deux juges d'instruction parisiennes ont vainement tenté de perquisitionner à la cellule Afrique de l'Elysée dans le cadre de l'affaire Borrel. De plus, quand ils ont saisi et mis sous scellé des documents classifiés, ils ne peuvent en prendre connaissance qu'à l'issue de la procédure de déclassification instituée par la loi de 1998. Le Conseil d'Etat recommandait que les règles de procédure soient complétées et les prérogatives de la Commission consultative nationale du secret de la défense nationale (CCSDN) étendues afin de lui permettre d'intervenir lors de la découverte d'informations classifiées, notamment en zone protégée. Le projet de loi étendant la notion de secret aux lieux, il serait dès lors impossible d'y pénétrer sans habilitation.
"Il faut bien avoir à l'esprit, rappelle M. Blessig, que la décision de classification d'un lieu par le premier ministre sera elle-même une information classifiée. Dès lors, cette décision ne pourra faire l'objet d'aucun recours juridictionnel. Elle ne pourra pas non plus être contestée puisqu'elle sera secrète." Une situation que le député juge "inacceptable car elle signifie que le pouvoir exécutif a la latitude de décider à tout moment la classification d'un lieu, empêchant dès lors toute investigation judiciaire dans ce lieu".
En clair, la commission des lois craint un "abus" de classification, risquant de mettre des entraves supplémentaires au fonctionnement de la justice. Un de ses amendements visait à soumettre la décision de classification du premier ministre à un avis conforme de la CCSDN. La commission de la défense l'a rejeté.
Dans ces conditions, la commission des lois a estimé qu'il ne lui était pas possible de donner un avis favorable à ce volet du projet de loi de programmation militaire.
Patrick Roger
Compte-tenu de la réputation de l'actuel gouvernement en matière de coups tordus, il me semble légitime de s'inquiéter d'une telle volonté d'étendre la liste des zones de non-droit sur notre territoire. Si l'on ajoute à cela la volonté politique d'en finir avec la fonction de juge d'instruction, on peut se faire une idée de ce que notre président a derrière la tête
